La crise du postsecondaire au menu de la prochaine session parlementaire?
TORONTO – La rentrée de la deuxième session parlementaire relative à la 42e législature débute aujourd’hui à Queen’s Park. Beaucoup d’attentes et d’espoir, le postsecondaire à leur tête, de la part de la communauté franco-ontarienne sont suspendus à cette reprise de l’Assemblée législative, surtout qu’elle est la dernière avant les prochaines élections provinciales qui se tiendront le 2 juin.
Coupes drastiques des programmes francophones, faibles taux d’inscriptions, recours à la justice… l’avenir du postsecondaire francophone a rarement été aussi incertain. Alors, la question est sur toutes les lèvres concernées : ce dossier occupera-t-il le sommet de la pile sur la table du greffier de l’Assemblée législative de Queen’s Park, moins de trois mois et demi avant les prochaines élections provinciales?
Rien n’est moins sûr pour la députée libérale d’Ottawa-Vanier, Lucille Collard : « Avec l’imminence du déclenchement des élections, malheureusement, on ne s’attend pas vraiment à voir de gros changements législatifs. Ceci dit, cela reste une appréciation personnelle. Je trouve que le dossier du postsecondaire francophone est de la plus grande importance, particulièrement dans le Nord, mais est-ce qu’il revêt du même degré d’importance pour le gouvernement, ça, je ne le sais pas. »
Et de justifier : « Avoir un agenda à l’avance des dossiers qui vont être traités durant la session parlementaire est une courtoisie à laquelle on n’a pas droit. Il n’est pas rare qu’on soit pris par surprise le matin avec un dépôt de projet de loi qu’il faut débattre l’après-midi. On a très peu de préavis là-dessus. »
Entre défaitisme et optimisme
De son côté, Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) est plus optimiste.
« J’espère qu’une grande attention va être portée à ce dossier durant cette session. D’autant plus qu’on a fait des demandes on ne peut plus claires au gouvernement. En somme, ce qu’on veut c’est une Université de Sudbury forte de sa programmation en français et une Université de la Laurentienne forte de sa programmation en anglais, et on veut arriver à cela le plus rapidement possible. On attend donc beaucoup des politiques durant cette session parlementaire. »
Toutefois, le président de l’AFO ne se fait pas trop d’illusion. « Il est extrêmement difficile de prévoir quoi que ce soit. Mais à un moment donné, si on est rendu tout près des élections à fin avril début mai prochain et qu’on n’enregistre aucun avancement politique dans ce dossier, c’est évident que cela va alors faire partie de la plateforme francophone que l’AFO est en train de préparer en vue des élections et on verra comment on va s’ajuster à ce moment-là », prévient-il.
Le flou qui entoure le devenir des universités Laurentienne et de Sudbury préoccupent aussi nombre d’étudiants.
« On espère que la province va rapidement intervenir dans le dossier », indique François Hastir, directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO). « Même si le processus de la LACC continue de suivre son cours, nous considérons que des actions peuvent être posées par la province, en finançant l’Université de Sudbury et en s’assurant que les ressources qui ont été congédiées puissent être engagées par l’Université de Sudbury.
Au-delà de la situation du Moyen-Nord, le porte-parole étudiant s’alarme plus globalement de la situation des universités francophones à l’échelle de l’Ontario. Selon lui, c’est le mode de financement lui-même qui doit être remis à plat.
« D’autres institutions ont dit à demi-mot que leur situation financière été difficile », dit-il. « Notre crainte est de voir d’autres situations se produire comme La Laurentian. Il faut revoir la façon dont on finance les institutions de la minorité francophone et les indicateurs de performance qui servent à déterminer ces financements, car ils ne sont pas appropriés pour les petites structures. Le gouvernement doit regarder ça. Il a le devoir d’agir. »
Qu’en pensent les principaux concernés?
Contacté à ce sujet, le recteur de l’Université de Sudbury, Serge Miville nous assure que « Le dossier de l’éducation postsecondaire en français reçoit une attention importante de la part du gouvernement de l’Ontario. L’urgence d’agir dans le Nord a fait que l’université n’a pas attendu la rentrée parlementaire pour proposer des solutions concrètes quant à l’avenir. Ce dossier n’est pas un enjeu partisan. Toutes les formations politiques confirment vouloir travailler avec l’université pour restaurer la confiance dans le secteur et pour établir un système de formation universitaire par et pour la communauté francophone. »
Par ailleurs, si beaucoup prônent un transfert rapide des programmes entre l’université de la Laurentienne et l’université de Sudbury, il semblerait que les responsables de la Laurentienne ne l’entendent pas de cette oreille.
« L’Université Laurentienne est la seule université canadienne dotée d’un mandat triculturel qui offre un enseignement postsecondaire à une population étudiante diversifiée et se veut la championne de l’apport de cerveaux pour le Nord, pour l’Ontario et ailleurs. Notre environnement culturel dans une université bilingue nous tient à cœur et vaut la peine d’être préservé », affirment-ils par la voix de leur agente des communications, Sarah de Blois.
Le récap
Pour comprendre l’urgence de la situation, une petite synthèse s’impose. Ce qui s’apparente à une série noire, voire à une débâcle, a débuté il y a un peu plus d’un an, le 1er février précisément, date à laquelle l’Université Laurentienne s’était placée sous l’aile protectrice de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Dix semaines plus tard, une centaine de professeurs de cette université qui représentait le deuxième fournisseur de programmes universitaires de langue française en Ontario se sont fait remercier. Plus que cela, 69 programmes dont 28 de langue française ont été supprimés.
Des amputations dont La Laurentienne n’a pas tardé à en payer les pots cassés en recevant plus de deux fois moins de demandes d’admission pour la prochaine rentrée scolaire. À peine trois jours après cette annonce, la « malédiction » paraissait s’être exorcisée après que l’Université de Hearst ait obtenu sa gouvernance le 15 avril.
C’est donc dans cette période d’eau trouble que l’Université de l’Ontario français (UOF) a ouvert ses portes en septembre dernier. Toutefois, le vent d’espoir qui a suivi cet événement qualifié d’historique par les acteurs de la francophonie ontarienne a vite fait de s’estomper, selon d’autres experts.
En effet, au niveau du volume d’inscriptions, l’UOF n’a pas atteint les 200 étudiants escomptés. Seulement 117 y avaient jeté leur dévolu à un mois de la rentrée, dont la majorité était issue de l’étranger, qui plus est.