La pression monte sur Ottawa pour augmenter le nombre de nouveaux arrivants francophones
OTTAWA – Les partis d’opposition à Ottawa pressent le gouvernement Trudeau de s’engager à augmenter considérablement sa cible en immigration francophone hors Québec, en ce moment à 4,4 %.
Récemment, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a pressé le fédéral à prendre un engagement ferme concernant l’augmentation de cet objectif qui n’a été atteint qu’une seule fois depuis 2001, soit l’an dernier.
Une étude du Commissariat aux langues officielles soutenait que l’échec de cette cible de façon répétitive constituerait un manque de 112 000 francophones hors Québec. Le ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) Marc Miller a déjà signalé que son gouvernement était prêt à augmenter celle-ci, mais qu’il fallait que ça soit fait de « façon réaliste ».
Son collègue aux Langues officielles, Randy Boissonnault, avance que les deux ministres travaillent en étroite collaboration sur ce nouvel objectif qui devrait être annoncé au mois de novembre. Il insiste toutefois lui aussi à plus d’une reprise à ne pas pas mettre une cible trop élevée, mais une qui obtiendra « des résultats ».
« Moi je veux que ce poids (démographique des francophones) soit rétabli », clame-t-il, se défendant de vouloir faire baisser les attentes.
« Je n’ai pas de chiffre en tête. Je vais faire le travail avec le ministre Miller. Mais on a très bien entendu le sentiment d’ambition de la communauté et ça, j’en prends note pour avoir une politique robuste sur l’immigration francophone », poursuit le Franco-Albertain.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) estime que le gouvernement devrait se calquer sur les objectifs de la FCFA qui souhaite tripler la cible dès 2024, considérant l’immigration comme « un élément central pour combattre le déclin du français au pays ». À cela devrait s’ajouter « une vision d’ensemble » de la part du gouvernement, estime la députée Niki Ashton.
« Par exemple, ça fait longtemps que je parle de la pénurie de main-d’œuvre en éducation et on n’a pas un plan coordonné pour assister nos divisions scolaires, nos communautés, universités et collèges pour cibler, accueillir et soutenir les gens (dans ces domaines) qui veulent venir ici. »
Les conservateurs, qui ont souvent refusé de dire s’ils baisseraient les seuils d’immigration, du Canada, précisent ne pas avoir un objectif précis en tête, mais estiment que le gouvernement devrait augmenter cette cible. En entrevue avec Francopresse, le chef Pierre Poilievre avait affirmé que « l’une de mes priorités sur la question de l’immigration, c’est davantage de francophones ».
« 8 %, 12 %, 20 % (comme cible), je vais laisser les experts déterminer le chiffre, mais il y a des gains à faire et l’objectif est de faire un rattrapage », plaide son député Joël Godin en entrevue.
Le Bloc Québécois se dit en faveur d’une immigration francophone plus élevée hors Québec à condition « de ne pas déshabiller Paul pour habiller Pierre ».
« Il faut une augmentation de l’immigration francophone au Québec, hors Québec et en Ontario. Mais on pense que le gouvernement aurait avantage à cibler l’immigration francophone le plus possible dans des endroits à haute densité francophone », souhaite son député Mario Beaulieu.
Même à Québec, on plaide pour un objectif plus féroce en francophonie dans les autres provinces, soulignant que l’accomplissement de l’an dernier ne suffit pas.
« ll n’y a pas de mérite à dépasser un seuil minimum. C’est clair qu’il faut l’augmenter », demandait le ministre des Relations canadiennes Jean-François Roberge.
En comité parlementaire, la spécialiste en immigration francophone Luisa Veronis a plaidé devant les élus qu’il faudrait qu’IRCC scinde en deux son département, un pour les francophones et l’autre pour les anglophones pour que le pays accueille davantage de nouveaux arrivants parlant la langue de Molière.
« Les besoins en immigration francophone sont différents de l’immigration en général. Donc, on applique des critères complexes pour l’immigration générale à un groupe où les besoins et le profil sont différents. Donc, il y a une inadéquation », explique la professeure de l’Université d’Ottawa.