La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick vise 50 % d’immigrants francophones
MONCTON – La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) estime que 50 % des immigrants de la province devraient être francophones. Cela ressort du mémoire que l’organisme a soumis dans le cadre du processus de révision de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick (LLONB).
Le président de la SANB, Alexandre Cédric Doucet, admet que le Nouveau-Brunswick n’arrive même pas en ce moment à attirer un nombre d’immigrants francophones qui refléterait le poids démographique des Acadiens et francophones de la province. Pourtant, la cible de 50% d’immigrants francophones n’est pas exagérée à son avis.
« Jamais trop ambitieuse. Depuis plusieurs années, le gouvernement provincial tente d’atteindre la cible de 33 % qui représentait le poids démographique de la communauté acadienne et francophone dans le Nouveau-Brunswick. Lorsque l’on regarde les statistiques de Statistique Canada, dernièrement, ils ont changé leur calcul et puis on est déjà rendu à 37%. »
« Donc, à 33% ils ne sont pas capables de l’atteindre et je ne pense pas qu’ils vont pouvoir atteindre le 37 %. Mais présentement au Nouveau-Brunswick, il n’y a même pas un ministère de l’Immigration. C’est un sous-ministère qui s’appelle Croissance démographique avec seulement cinq ou six employés », déplore M. Doucet.
Une politique assimilatrice
Un véritable ministère de l’Immigration serait souhaitable selon lui car, à son avis, l’absence d’une politique pro-active pour favoriser l’immigration francophone équivaut à de l’assimilation.
« Le Nouveau-Brunswick est très loin d’avoir atteint ses cibles en matière d’immigration francophone. Et ça, lorsque l’on n’atteint pas le 50 %, bien ça devient une politique assimilatrice de la communauté francophone et acadienne au Nouveau-Brunswick », dénonce le président de la SANB.
Le mémoire soumis par la SANB, dans le cadre du processus de révision de la LLONB, identifie six thèmes prioritaires autour desquels s’articulent des recommandations : langue de travail, foyers de soins, pouvoirs du commissaire aux langues officielles, immigration, mise en œuvre de la LLONB et prestation des services et communication avec le public.
M. Doucet pense que le fait d’inscrire une telle cible d’immigration francophone dans la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick pourrait avoir une dimension contraignante pour les gouvernements néo-brunswickois qui se succèdent.
« C’est une loi quasi-constitutionnelle parce qu’elle est une extension de la Charte canadienne des droits et libertés, et quand on regarde l’un des principes sous-jacents de la Charte, qui est le principe d’égalité réelle, c’est très clair que le 50 % est synonyme de l’égalité réelle », affirme-t-il.
Le nombre de nouveaux arrivants en baisse
Selon l’économiste et consultant en politique publique, Richard Saillant, « il est important d’aspirer à un certain taux d’immigration ».
Cependant, il confirme que le nombre de nouveaux arrivants francophones diminue au Nouveau-Brunswick.
« L’immigration francophone est en baisse en nombres absolus et en pourcentage si on se fie aux données préliminaires. Au Nouveau-Brunswick, juste avant la pandémie, on accueillait environ 6 000 nouveaux arrivants par année. Et ça, c’était une augmentation phénoménale par rapport à notre rendement antérieur. On a vu, à l’intérieur de six ou sept ans, un triplement des flux d’immigration », souligne M. Saillant.
Il y a bien eu des augmentations dans les régions francophones, mais elles n’ont pas été significatives.
« Dans les comtés à majorité francophone Madawaska, Restigouche, Gloucester et Kent, il y a eu une augmentation de l’immigration dans les dernières années mais, ça a été minime en ce sens qu’on est passé de 3 % de l’immigration totale en 2016 à 8 % en 2019. C’est encore loin du tiers de l’ensemble des immigrants », explique le professeur Saillant.
« Le défi n’est plus tant de fixer des cibles, c’est d’avoir des stratégies concrètes » – Richard Saillant, économiste
Il ajoute que si l’on regarde les chiffres en se basant sur la langue principale de la personne immigrante, « c’est un peu moins décourageant, puisqu’en 2019, près de 15 % des immigrants étaient considérés francophones », se résigne M. Saillant qui souligne que l’on est encore très loin des 33 % d’immigration francophone qui devraient, en principe, être la norme en ce moment.
« À partir de maintenant, le défi n’est plus tant de fixer des cibles, c’est d’avoir des stratégies concrètes pour accueillir davantage de gens dans nos collectivités », ajoute-t-il.
D’ici 2027, la province veut accueillir 10 000 immigrants par année. Mais pour Richard Saillant, si le Nouveau-Brunswick veut s’approcher de ce nombre de nouveaux-arrivants, il va devoir résoudre certains problèmes qui affectent la capacité de la province à gérer un aussi grand nombre de personnes.
« Le Nouveau-Brunswick est aux prises avec un problème de logements locatifs sérieux, avec l’escalade des loyers. Donc ce que l’on voit là présentement, c’est qu’on n’a pas l’infrastructure sociale nécessaire pour accueillir davantage d’immigrants, qu’ils soient francophones ou non, et ça c’est réparti à l’ensemble des communautés à travers le Nouveau-Brunswick. À cela s’ajoutent d’autres défis : en région rurale par exemple, le transport », mentionne l’économiste.