Le carrefour scolaire francophone de Kingston a ouvert ses portes le 29 août pour la rentrée scolaire. En haut, à gauche: Jason Dupuis, en bas, à gauche: Amine Aïdouni, en haut, à droite: Sylvie Mekoulou et en bas, à droite: Thomas Rinshed. Montage ONFR+

KINGSTON – Le jour J est enfin arrivé pour les écoliers francophones de Kingston. Depuis 2007, un projet de jumelage entre une école secondaire publique et une école secondaire catholique était en pourparlers au cœur des instances provinciales. Prévu initialement en 2020, puis retardé par la pandémie, le nouvel édifice, qui accueille plus de 500 élèves francophones, a ouvert ce 29 août 2023, jour de rentrée scolaire dans l’Est de l’Ontario. 

« Nous l’attendions depuis si longtemps », déclare Sarah Lasko, mère de deux enfants inscrits à l’École secondaire publique Mille-Îles. 

En effet, si l’excitation est palpable chez de nombreux parents devant le parvis des écoles, il en est de même chez les élèves. 

« J’ai des amis dans l’autre école, donc je suis super heureuse de me rapprocher d’eux », s’enthousiasme Alessia Dudley, une élève de 10e année à l’école Mille-Îles. La jeune fille attendait cela depuis trois ans. 

Derrière ce projet de grande envergure, il y avait l’idée de construire un édifice « miroir » dans lequel « deux écoles secondaires, un centre culturel et une garderie pouvaient cohabiter », explique une surintendante du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), Danielle Chatelain, en entrevue avec ONFR+.

Alessia Dudley est une élève de l’école secondaire publique Mille-Îles, elle fait sa rentrée en 10e année. Crédit image : Lila Mouch

Un véritable carrefour scolaire communautaire est donc sorti de terre cette année et accueille l’École secondaire catholique Sainte-Marie-Rivier et l’École secondaire publique Mille-Îles, le Centre culturel Frontenac, la garderie Croque soleil et son centre ON y va, ainsi qu’un centre de formation pour adulte, La route du savoir.

« Pour ce qui est des deux écoles, cette association est une première », rappelle Amine Aïdouni, surintendant du Conseil scolaire des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO). « Bien qu’il y ait déjà eu des collaborations entre différents conseils scolaires, pour le CECCE et le CEPEO, ce partenariat est une nouveauté. » 

Ce que soutient Jason Dupuis, le nouveau surintendant du CECCE, « c’est une journée historique aujourd’hui » où « tout le monde est sur la même page et nous voulons réellement la pérennité des systèmes francophones en Ontario ».

Sarah Lasko et son fils ont partagé leur excitation suite à cette rentrée scolaire historique. Crédit image : Lila Mouch

« On partage un grand gymnase, des laboratoires de chimie et de biologie, une salle de musique, une salle d’art, des ateliers de menuiserie et de métallurgie, la bibliothèque, la cafétéria, l’atrium et tout ce qu’on pourrait retrouver dans une école moderne et récente », explique Mme Chatelain.

Roxanne Walsh, élève de 12e année à l’École Sainte-Marie-Rivier, trouve motivant ce nouvel édifice. L’adolescente se souvient que dans son ancienne école, les salles de classe n’avaient pas de fenêtre. Pour elle, le gros gymnase sera une opportunité d’accueillir de nouvelles compétitions sportives. 

Pour ce qui est de l’éducation, les deux écoles fonctionnent indépendamment. En effet, cette association ne concerne pas les systèmes éducatifs, puisque ces deux écoles font partie de deux conseils scolaires différents, l’un est catholique, l’autre laïque. 

La directrice de l’école Sainte-Marie-Rivier, Sylvie Mekoulou et le directeur de l’école Mille-Îles, Thomas Rinshed, ont souligné ce mardi matin que des collaborations étaient prévues.

Une population francophone en croissance

Mélanie De Wys se réjouit de ce partenariat : « Nous l’attendions avec impatience et c’est quand même spécial parce que mon fils va faire partie de la première cohorte qui va faire tout son secondaire à la nouvelle école Sainte-Marie-Rivier. »

Pour la mère de famille, cette association va mettre l’emphase sur la communauté francophone. « À Kingston, les gens vont réaliser qu’il y a une grande communauté. »

De plus, « les deux écoles sont en croissance », affirme Mme Chatelain. 

D’ailleurs, les écoles admettent recevoir de plus en plus d’élèves. « Kingston est quand même une ville prisée par les familles et puis il y a l’immigration aussi. » 

Mélanie De Wys a accompagné son fils pour sa rentrée en 7ᵉ année. Le jeune garçon va effectuer tout son secondaire dans le nouveau bâtiment. Crédit image : Lila Mouch

Sarah Lasko se rappelle qu’en « 2013, l’école Mille-Îles et l’école élémentaire Madelaine-de-Roybon vivaient sous le même toit, mais la population de la petite école a évolué si vite qu’il nous fallait un nouvel espace ».

La mère de famille explique notamment que le gymnase n’était pas suffisamment adapté, mais que l’écart de services était aussi frappant entre les écoles anglophones et francophones. « Les parents voulaient que leurs enfants aient les mêmes écoles que les anglophones », affirme la francophile. 

Avec un investissement de 39 millions de dollars, le ministère de l’Éducation a financé la construction de cette bâtisse, spécialement conçue pour des besoins immédiats, explique Mme Chatelain.

Cependant, elle révèle qu’avec une croissance très prometteuse, « il va falloir trouver des solutions dans un avenir assez rapproché, parce que l’école va sans doute attirer de nombreuses nouvelles familles de part et d’autre dans les deux écoles ».

Un protocole de fonctionnement commun 

Qui dit première, dit ajustement. Pour Amine Aïdouni, « au niveau de l’usage des locaux communs, il va falloir prévoir toute la logistique associée à la routine scolaire, à l’usage des locaux, l’entreposage, etc. ».

« Nous aurons l’occasion de célébrer ensemble », reprend-il, « et d’ailleurs, nous le faisons déjà dans d’autres écoles sur notre territoire ».

Pour le surintendant du CEPEO, ce pourrait être le cas lors de la célébration de la Journée franco-ontarienne. « On est tous Franco-Ontariens et on lèvera notre drapeau ensemble. »

Éventuellement, « nous pourrions avoir une belle collaboration avec le Centre culturel Frontenac, qui habite sous le même toit que les écoles », espère Jason Dupuis. « On veut attirer les francophones ici, vers ce beau bâtiment, puis permettre aux gens de vivre au quotidien une vie en français. »

Inutile de voir dans ce partage de ressources, les prémices d’une future fusion entre conseils scolaires catholiques et publics.

« Voyons comment les choses évoluent, puis on pourra tirer des leçons de cette belle aventure dans quelques années », philosophe M. Aïdouni. 

Pour Sarah Lasko, « les parents veulent une belle collaboration. Nous sommes tellement contents qu’il y ait deux écoles et tous les autres services francophones dans cet endroit. Nous voulons une communauté francophone unie ».

Mme Chatelain, qui souligne aussi le caractère inspirant de ce projet, pense qu’il va être « suivi partout en province ». 

« Le ministère va certainement regarder ça de près puisque ça pourrait insuffler d’autres modèles. »

La direction des deux écoles peaufine encore les derniers détails, l’installation des salles est toujours en cours. Crédit image : Lila Mouch