Le fédéral tente d’amener des minorités francophones en Cour suprême
OTTAWA – Le gouvernement fédéra veut amener la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) devant la Cour suprême pour contester une décision rendue favorable aux droits des minorités linguistiques du pays. À la fin janvier, la Cour d’appel fédérale avait alors conclu que le fédéral avait manqué à ses obligations linguistiques en signant une entente sans tenir compte de l’impact négatif qu’elle était susceptible d’avoir sur la minorité linguistique francophone.
C’est dans un document dont ONFR+ a obtenu copie que le gouvernement Trudeau signale son intention d’amener le tout devant la Cour Suprême d’ici le 29 mars. Il demande aussi un sursis à la Cour, qui devait cesser une entente conclue avec la Colombie-Britannique sur les services et programmes d’aide à l’emploi d’ici le 29 mars. La Cour d’appel fédérale avait alors jugé que le fédéral n’aurait pas dû signer cette entente en sachant l’impact négatif qu’elle était susceptible d’avoir sur les Franco-Colombiens.
Les avocats du gouvernement Trudeau jugent que la Cour d’appel a été trop loin dans son jugement, notamment dans la partie VII, qui porte sur les mesures positives à adopter envers les minorités linguistiques.
« La Cour d’appel fédérale n’aurait pas dû tenir compte de l’action ou de l’inaction de la Colombie-Britannique dans l’examen du respect de la partie VII de la Loi sur les langues officielles par le ministère de l’Emploi et du Développement social; puisque la province a toute la latitude (et la compétence) pour élaborer la prestation de services d’aide à l’emploi », écrivent les avocats gouvernementaux dans leur requête.
Cette décision avait motivé le retard du dépôt de la réforme de la Loi sur les langues officielles. La ministre Ginette Petitpas Taylor arguant que cette décision avait un impact.
« Le gouvernement dit qu’il doit revoir sa modernisation de la Loi sur les langues officielles, d’une part en raison du jugement de la Cour dans ce cas-ci. Ensuite, on observe qu’il bonifie la partie VII sur les Langues officielles. On consacre dans le projet de loi certains gains de devant la Cour d’appel fédérale. Mais d’un autre part, le ministère de la Justice porte ce jugement en appel alors c’est une incongruité totale », note Darius Bossé, avocat chez la firme Juristes Power, qui représente les minorités francophones dans cette cause.
Une « incohérence » selon les Franco-Colombiens
La FFCB s’est dite « abasourdie » soulignant « un flagrant délit d’incohérence gouvernementale ».
« Comment pouvons-nous croire que le projet de loi actuel, vague sur les contraintes linguistiques et les ententes de dévolution, puisse protéger nos communautés quand Emploi et Développement social Canada procède déjà à une opération de sabordage et relance d’éreintantes procédures judiciaires? », se questionne la fédération.
Emploi et Développement social Canada avance que la parti VII de la Loi doit se faire dans le respect des domaines de compétence et des pouvoirs des provinces, ce qui n’est pas pris en compte dans la décision rendu à la fin janvier, selon les avocats du fédéral.
« En outre, le jugement de la Cour d’appel fédérale est le premier à se pencher sur l’interprétation à donner à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Ce seul enjeu justifie, à lui seul, de conclure qu’il existe des questions sérieuses en l’espèce », peut-on aussi lire.
Le bureau de Carla Qualtrough, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap explique que « cette décision aurait des conséquences graves et imprévues pour les habitants de la Colombie-Britannique, voire de tout le Canada, en interrompant la formation professionnelle et d’autres services d’emploi en Colombie-Britannique ».
« Bien que nous demandions l’autorisation d’interjeter appel de cette décision, notre gouvernement est fermement résolu à faire en sorte que les services fédéraux continuent d’être pleinement accessibles dans les deux langues officielles, y compris la formation professionnelle et l’acquisition de compétences. »
Le ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor a refusé de commenter le dossier.
Une contradiction
Cette action survient alors que le gouvernement Trudeau encense depuis un mois les modifications apportées à sa réforme de la Loi sur les langues officielles, qui est notamment venue bonifier la partie des mesures positives.
« On croyait la partie VII presque derrière nous avec la modernisation de la Loi. C’est quasiment étourdissant. Quelle est la politique fédérale en matière de langues officielles? Ça serait bon de le savoir et que l’on nous la clarifie. Il faudrait que le Canada français hors Québec sache sur quel pied danser », réagit le collègue de M. Bossé, l’avocat Mark Power.
Co plaintif avec la FFCB dans ce dossier, le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge affirme qu’il va s’opposer à la demande de sursis présentée. Il s’explique mal la décision dans le contexte actuel.
« La protection des droits linguistiques de la population canadienne et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont au centre de la modernisation de la Loi. La décision de porter cette décision devant la plus haute instance juridique au pays me semble en contradiction avec les efforts faits par le gouvernement fédéral jusqu’à présent. »
Pour la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), le gouvernement « doit des explications à la francophonie » pour cette action qu’elle qualifie de « gifle au visage des francophones de la Colombie-Britannique ».
« C’est d’autant plus intolérable que pas même un mois ne s’est écoulé depuis le dépôt du projet de loi C-13, qui vise justement à renforcer et clarifier les obligations des institutions fédérales en vertu de la partie VII », a fustigé sa présidente Liane Roy.
Ce texte à été mis à jour à 19h45