Le fédéral ordonnerait de payer pour négocier en français, dénonce un syndicat
OTTAWA – Le Syndicat des agents correctionnels du Canada allègue qu’Ottawa lui exigerait de payer les services de traduction afin de pouvoir négocier en français à la table des négociations, sans quoi il mettrait fin à celles-ci.
Selon le syndicat UCCO-SACC–CSN, le Conseil du Trésor aurait demandé aux négociateurs syndicaux de renoncer à la traduction simultanée ou a assumé 50 % des frais pour ce service, sous peine de refus de négocier.
Depuis janvier 2023, les deux parties ont tenu trois sessions de négociations où aucun service de traduction n’était disponible. Cela a donné lieu à des « séances laborieuses où tout le monde a travaillé en double », qualifie Frédérick Lebeau, le vice-président national d’UCCO-SACC-CSN qui est aussi à la table des négociations.
Les représentants de 7 500 agents correctionnels dans 49 établissements situés, entre autres, en Ontario, au Québec et en Atlantique, dénoncent un changement par rapport aux quatre dernières négociations, depuis sa création il y a 20 ans. Un service de traduction, payé par le fédéral, était alors mis à la disposition des deux camps.
Selon M. Lebeau, le Conseil du Trésor aurait indiqué qu’il s’agit d’une question de diminution des coûts.
« On est capable de sacrifier l’esprit de la Loi sur les langues officielles pour une question de coût malheureusement », déplore-t-il.
Au bureau de la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, on déclare que pour toutes négociations, « les deux parties partagent le coût des traductions à parts égales ».
« Pour les négociations avec le Syndicat des Agents Correctionnels du Canada, nous payons notre juste part », indique Monica Granados, l’attachée de presse de la ministre.
Cette dernière précise que les négociateurs du Conseil du Trésor sont bilingues. Le syndicat avance avoir des membres bilingues, autant francophones qu’anglophones. Le syndicat estime que les coûts ne devraient pas être une raison pour assurer des négociations dans les deux langues.
« Selon mon expérience personnelle, je pense que ça ne leur dérangerait pas de seulement négocier en anglais », considère Frédérick Lebeau.
Le syndicat des agents correctionnels n’est pas contre le fait de payer pour des services de traduction. « Il faut juste le savoir à l’avance. On ne peut pas arriver à l’aube d’une négociation et dire : ‘’Ah ah, surprise, vous allez payer la moitié ou la totalité des coûts de traduction’’. On n’a pas l’argent et ces budgets-là n’ont pas été adoptés », avance M. Lebeau.
Avoir un service de traduction ou une langue commune simplifie énormément les choses, explique le syndicaliste.
« On peut commencer le matin dans une langue ou une autre et là en fin de journée. Tu commences à chercher tes mots (…). Chaque mot peut avoir une influence sur un article de la convention collective donc il faut bien faire la traduction et avoir une corrélation entre le français et l’anglais est primordial. »
Réaction politique
Sur la colline parlementaire, le Nouveau Parti démocratique (NPD) demande au « Conseil du Trésor de corriger cette erreur flagrante et d’investir toutes les ressources nécessaires pour assurer l’interprétation simultanée ».
« Les travailleuses et travailleurs en train de négocier de bonne foi leurs conditions de travail avec le gouvernement fédéral doivent être en mesure de le faire dans la langue de leur choix, sans contrainte (…). Voici devant nous un autre exemple de mépris auprès des travailleuses et travailleurs francophones au sein de notre fonction publique, c’est intolérable », a dénoncé le député Alexandre Boulerice.
Au Bloc Québécois, ce « nouvel écueil ne fait que confirmer qu’à Ottawa, la seule réelle langue officielle, c’est l’anglais ».
« Parce qu’il veut négocier en français, le syndicat doit payer la note. Si le comité de négociations parlait entièrement anglais, il n’y aurait pas de traduction, donc pas de frais », déplore le député Mario Beaulieu.