Steve Clark, ex-ministre des Affaires municipales et du Logement. Crédit image: Jackson Ho

TORONTO – Steve Clark a remis sa démission ce lundi au premier ministre Doug Ford. Le ministre des Affaires municipales et du Logement avait pourtant écarté une telle issue il y a quelques jours. Il fait les frais d’une gestion controversée de la Ceinture de verdure épinglée par deux rapports indépendants.

Dans une lettre adressée au premier ministre, il déclare que « la crise (du logement) demande quelqu’un qui ne soit pas une distraction du travail important qui doit être fait. Bien que ma pensée initiale était que je pouvais rester à ce poste et établir un processus adapté pour que ces erreurs ne se reproduisent pas, je réalise que ma présence causerait seulement plus de distraction et que j’ai besoin de prendre la responsabilité de ce qui a transparu. »

Le départ de M. Clark intervient après deux rapports sur sa gestion de la Ceinture de verdure et du logement : celui de la vérificatrice générale et celui du commissaire à l’intégrité. Il avait pourtant dans un premier temps écarté l’idée de démissionner, contrairement à son chef de cabinet, et avait fait des excuses publiques. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) étudie quant à elle la possibilité d’ouvrir une enquête criminelle.

Originaire de Brockville, dont il a été le maire de 1982 à 1991, M. Clark s’est lancé dans la politique provinciale en remportant l’élection partielle de Leeds-Grenville-Thousand Islands et Rideau Lakes en 2010, avant de devenir ministre des Affaires municipales et du Logement en 2018, à la suite de l’accès au pouvoir des progressistes-conservateurs.

Une « corruption » bien au-delà de M. Clark, selon l’opposition

Doug Ford a remercié son ministre pour ses années de service au sein de son cabinet, ajoutant que son gouvernement est « en mission pour construire au moins 1,5 million de logements. Après des décennies d’inaction, on commence à voir de vrais résultats : 2022 et 2021 ont connu le plus grand nombre de démarrages de chantier au cours des 30 dernières années ».

« Steve Clark prend finalement certaines responsabilités pour son rôle dans le scandale de la Ceinture de verdure », a réagi pour sa part Marit Stiles, la cheffe de l’opposition à Queen’s Park, « mais le rapport du vérificateur, le rapport du commissaire à l’intégrité et maintenant une éventuelle enquête criminelle montrent clairement que cette corruption s’étend bien au-delà du bureau de M. Clark ».

« Si Doug Ford pense que la démission de son ministre marque la fin du scandale de la Ceinture de verdure de 8,3 milliards de dollars, il a tort », a prévenu de son côté Mike Schreiner, le chef du Parti vert. Et de réclamer « la protection de toutes les terres de la Ceinture de verdure et une enquête publique indépendante sur le don de 8,3 milliards de dollars » (estimation de la valeur de 15 terres retirée de la Ceinture de verdure).

Comment tout a dérapé

La controverse est née de la volonté du gouvernement de rogner sur des terres protégées pour répondre plus rapidement à l’objectif de construire 1,5 million de logements en Ontario sur 10 ans. Pour atteindre cette cible, en décembre 2022, le gouvernement a retiré du Plan de la ceinture de verdure près de 3 000 hectares de parcelles non-constructibles, soit une quinzaine de terres, puis a abrogé la Loi de 2005 sur la Réserve agricole de Duffins-Rouge.

Le projet de loi 97, qui a reçu la sanction royale en juin dernier, a en outre modifié la Loi sur l’aménagement du territoire, donnant au ministre du Logement deux pouvoirs : celui d’exiger qu’un propriétaire foncier conclue une entente avec lui ou une municipalité, et celui d’exempter les terres visées par des arrêtés ministériels de zonage des politiques provinciales et des plans officiels lorsque d’autres approbations d’aménagement sont demandées, comme les plans de lotissement.

Mais les attaques répétées de l’opposition ainsi que la publication d’un premier rapport ont mis à mal cette logique. La vérificatrice générale Bonnie Lysyk a en effet conclu en août dernier que le gouvernement avait favorisé certains développeurs immobiliers et occulté des considérations environnementales.

Ces conclusions ont conduit à la démission du chef de cabinet du ministre Clark, Ryan Amato.

La Ceinture de verdure au 19 décembre 2022, après les retraits de terre. Source : Rapport spécial de la vérificatrice générale de l’Ontario.

Le second coup de semonce, venu du commissaire à l’intégrité, a fragilisé un peu plus la position du gouvernement Ford, il y a quelques jours. Dans son rapport, J. David Wake a signifié que le ministre Clark avait violé la Loi sur l’intégrité des députés qui régit l’éthique des élus, les conflits d’intérêts et les informations privilégiées.

Des excuses publiques de Steve Clark la semaine dernière n’auront donc pas suffi : il a remis sa démission ce lundi, indiquant qu’il continuerait de siéger à Queen’s Park, en sa qualité de député de Leeds-Grenville-Thousand Islands et Rideau Lakes.

Établie en 2005, la Ceinture de verdure est une aire de protection principalement autour de Toronto qui comprend plus de 800 000 hectares de terre et s’étend sur plus de 300 kilomètres depuis l’extrémité est de la moraine d’Oak Ridges, près du lac Rice à l’est, jusqu’à la rivière Niagara à l’ouest. Elle met à l’abri de l’étalement urbain incontrôlé des vallées fluviales, des terres agricoles et des forêts.