Roy McMurtry, alors juge en chef de l'Ontario, s'adressant à une réunion avec des juges à Toronto en janvier 2000. Crédit image : CP/Kevin Frayer

L’ancien procureur général de l’Ontario Roy McMurtry est décédé ce mardi à l’âge de 91 ans, 40 ans après l’adoption à son initiative de la Loi sur les tribunaux judiciaires, une contribution monumentale à la cause francophone qui fera du français une langue officielle dans la justice.

Député provincial d’Eglinton pour le Parti progressiste-conservateur, procureur général et solliciteur général de 1975 à 1985 sous le gouvernement de Bill Davis, Roy McMurtry est nommé juge en chef associé de la Cour supérieure de l’Ontario en 1991, avant de prendre les fonctions de juge en chef de l’Ontario en 1994.

Reconnu pour ses contributions sur des avancements sociétaux notables, notamment en matière de droit de la famille, dès 1976, il entame les premières démarches pour créer un système légal bilingue en Ontario, à commencer par la traduction de lois en français et la création d’un projet-pilote de tribunal bilingue à Sudbury.

En 1984 est adoptée, à son instigation, la Loi sur les tribunaux judiciaires, ajoutant le français comme langue officielle utilisée par les tribunaux en Ontario. Décoré de l’Ordre de l’Ontario en 2007, il devient officier de l’Ordre du Canada en 2009.

« On peut considérer qu’il a véritablement mis en œuvre la stratégie des petits pas de son gouvernement », indique la chercheuse Linda Cardinal, vice-rectrice adjointe à la recherche à l’Université de l’Ontario français, citant le projet pilote d’accès en français aux tribunaux à Sudbury, la Loi sur les tribunaux judicaires ou encore son appui à la création de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) « car il pensait que cela aiderait les fonctionnaires de son ministère ».

Un « allié extraordinaire » à la diplomatie décisive

« Il a été un allié extraordinaire de la francophonie canadienne, abonde le juriste François Larocque. Les pierres qu’il a apportées à l’édifice des droits linguistiques des Franco-Ontariens sont fondamentales, tout aussi importantes que celles de Bernard Grandmaitre. »

Le professeur de droit à l’Université d’Ottawa explique qu’une des conséquences directes du projet pilote de Sudbury aura été « la naissance d’un programme de Common Law en français qui a abouti à la formation d’un millier de juristes, incluant des champions de la francophonie tels que Mark Power, Ronald Caza, Marc Cousineau ».

« Il a joué un rôle clé dans le mouvement de désobéissance civile C’est l’temps, recontextualise par ailleurs Mme Cardinal. Les gens allaient prendre des contraventions délibérément pour se retrouver devant les tribunaux et montrer l’absence de services en français. Roy McMurtry, qui était procureur général à cette époque, les a rencontrés pour régler le problème. »

« Il faut aussi se rappeler de son rôle crucial dans le rapatriement et l’adoption de la Charte des droits et des libertés avec ce qu’elle contient de droits linguistiques, complète M. Larocque. Il était un de ceux qui, avec Roy Romanow et Jean Chrétien (anciens premiers ministres du Canada et de la Saskatchewan), avaient le mandat de cogner aux portes des procureurs généraux des autres provinces pour les convaincre que c’était la chose a faire. Son influence et sa diplomatie ont été décisives. »  

Un legs juridique unanimement salué

Roy McMurtry a joué « un rôle de leadership dans l’implantation du bilinguisme dans nos cours de justice », a salué l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario par la voix de son président Fabien Hébert. 

La politologue Stéphanie Chouinard considère que le ministre de la Justice du gouvernement Davis a « fait œuvre dans le domaine de la justice en français ».

Le Bureau de l’ombudsman de l’Ontario a insisté sur son « impact sur la vie publique en Ontario » et son soutien à l’institution dès le premier jour : « À l’occasion de notre 35e anniversaire, il nous a qualifiés de moyen efficace d’humaniser le gouvernement ».

« Sa contribution monumentale au système judiciaire bilingue restera gravée dans l’histoire juridique du Canada »
— Alina Sklar, avocate et vice-présidente de l’ACFO-Toronto

L’avocate et vice-présidente de l’ACFO Toronto Alina Sklar salue son héritage : « Sa contribution monumentale au système judiciaire bilingue, notamment la Loi sur les tribunaux judiciaires, restera gravée dans l’histoire juridique du Canada. »

« En tant que fervent défenseur des droits linguistiques, Roy McMurtry a joué un rôle essentiel dans la protection et la promotion de la langue française au sein de la justice ontarienne. En tant que co-commissaire de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province d’Ontario (Commission Hall-Dennis), il a contribué à mettre en lumière l’importance de l’éducation bilingue et de la diversité culturelle dans le système éducatif. »

« On se souviendra de son engagement indéfectible envers la justice, son impact durable au sein du gouvernement, son leadership fort et pour avoir inspiré ceux qui recherchent une société plus juste et équitable », a réagi pour sa part le procureur général Doug Downey, qualifiant M. McMurtry de « géant à part entière ».