
Le projet de Maison de la francophonie à Toronto tombe à l’eau

TORONTO – Malgré des signes d’espoir il y a quelques mois, les porteurs du projet estiment aujourd’hui avoir usé de tous les recours auprès des gouvernements durant ces deux dernières années et n’ont d’autre choix que de dissoudre leur comité.
Le projet de Maison de la francophonie à Toronto nécessitait, dans sa dernière mouture, d’un financement de plus de 18 millions de dollars (dont 14,3 millions demandés au fédéral). Ses bénévoles ont tenté le tout pour le tout en répondant aux sollicitations régulières des fonctionnaires en charge du dossier, ce malgré plusieurs changements de ministre. En vain.
Ils en arrivent aujourd’hui à la conclusion que le gouvernement fédéral ne concrétisera pas leur rêve d’offrir à la communauté un lieu de rassemblement sous un toit commun qui leur appartient, comme il en existe ailleurs au pays à Ottawa, Edmonton et Vancouver.
« La Francophonie torontoise n’était pas une priorité pour le gouvernement, fait l’amer constat son président Kip Daechsel, dans une lettre adressée à ses partenaires. Après plus de 20 ans d’effort, la Maison suspend ses activités et progressa vers la dissolution. »
Après les élections fédérales de 2021, le projet semblait pourtant prendre le bon chemin en 2022 alors que le comité avait jeté son dévolu sur une maison historique disponible au centre-ville, dans la rue Charles, appuyée par un promoteur immobilier prêt à débourser un million de dollars de sa poche pour convaincre les bailleurs de fonds de le suivre.
La ministre des Langues officielles de l’époque, Ginette Petitpas Taylor affirmait alors à ONFR qu’il s’agissait d’un projet « très important ». Il fallait alors un engagement de Patrimoine canadien à hauteur de 13 millions de dollars pour acheter l’édifice (pour un coût de 17 millions au total), mais à force de va-et-vient administratifs, techniques et une réévaluation du bâtiment « truffée d’erreurs » selon M. Daechsel, le projet avait fini par filer entre les doigts, dans un marché immobilier sous pression.
L’équipe de bénévoles s’était remise en quête d’un nouveau site, dénichant au printemps 2023 un édifice à quelques pas de là, dans la rue Isabella, à proximité immédiate de la rue Yonge. Plus spacieuse, mieux ajustable et moins contraignante en termes de règles patrimoniales que celle de la rue Charles, la demeure de plus de 600 mètres carrés offrait l’avantage d’être moins chère, un argument qui aurait pu faire pencher la balance…
Cette nouvelle tentative, la plus récente, requérait 12 millions de dollars de Patrimoine canadien, mais les fonctionnaires de Patrimoine canadien auraient émis un avis négatif, recommandant à la ministre Rachel Bendayan de ne pas donner suite à son financement. Cette dernière aurait alors décidé d’allouer tout de même une somme moindre, une solution de rechange que M. Daechsel qualifie de « mirage ».
En effet, elle n’aurait pas permis à la Maison une viabilité financière, en plus de lui faire perdre deux financements complémentaires : un engagement privé déjà confirmé et la somme de 2,3 millions de dollars émanant du Programme fédéral pour les bâtiments communautaires verts et inclusifs (PBCVI) pour laquelle elle aurait été inadmissible.
M. Daechsel croit aussi que la Province aurait pu influencer en mettant de l’argent au pot à hauteur de 2,5 millions mais n’aurait pas donné suite. « Malgré plusieurs demandes, la ministre (des Affaires francophones) Mulroney a sciemment tourné le dos à cette initiative communautaire, » affirme l’avocat torontois impliqué de longue date dans le projet.
« Ce refus a laissé la voie ouverte aux fonctionnaires fédéraux d’avoir recours au ping-pong fatal entre les niveaux gouvernementaux comme prétexte officiel pour mettre fin au projet », est convaincu celui dont le comité était parvenu à réunir près de 246 000 $ de contributions privées et plus de 170 000 $ de financement public en complément.
Ni Patrimoine canadien ni le ministère des Affaires francophones de l’Ontario n’avaient donné suite à nos sollicitations médiatiques à l’heure où nous écrivions ces lignes.
Une « insulte à la francophonie », réagit le chef Jagmeet Singh
En pleine campagne électorale fédérale, le chef néo-démocrate a qualifié le refus de financement d’« insulte à la francophonie de Toronto et du pays. La Maison de la francophonie est un lieu de rassemblement, d’échanges et de services pour les Franco-Torontois. »
« À un moment où nous devons se rassembler face aux menaces de Donald Trump, il est complètement déconnecté de renoncer au financement de ce centre qui prône la culture et la langue francophone. Le NDP fera le contraire, et assurera le financement nécessaire pour soutenir ce projet. »