L’environnement bien secondaire pour le gouvernement Ford

Le ministre de de l'Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, Rod Philipps. Crédit image: Jackson Ho

[ANALYSE]

TORONTO – Entre Doug Ford et les partisans de la défense de l’environnement, le courant passe plutôt mal. Élu il y a bientôt un an sur la base du conservatisme fiscal, le premier ministre de l’Ontario ne brille pas par sa conscience écologique.

La semaine dernière, deux événements ont rappelé que l’intérêt du gouvernement progressiste-conservateur est avant tout celui des affaires. D’une, le ministre de l’Environnement, Rod Phillips, veut un processus de détermination du statut des espèces moins restrictif. En gros, les municipalités et les promoteurs immobiliers pourront maintenant payer pour exploiter des terrains où vivraient des espèces menacées de disparition.

Par ailleurs, Doug Ford en a remis une couche contre la taxe carbone. Le premier ministre a manifestement utilisé l’argent des contribuables pour financer une campagne publicitaire contre cet impôt honni.

Concrètement, cette taxe fédérale, pour quatre provinces dont l’Ontario récalcitrantes à se doter d’un plan de tarification des émissions de gaz à effet de serre, a des conséquences sur les prix à la pompe. Une taxe de 0,04 $ le litre y est ainsi imposée.

Il faut dire que M. Ford est plutôt ragaillardi dans sa lutte contre la taxe carbone en vigueur depuis le 1er avril. Le chef de l’Ontario a trouvé un allié en la personne de Jason Kenney, nouveau premier ministre de l’Alberta depuis mardi dernier, et farouche opposant à cet impôt.

Mesures discutables sur l’environnement

On pourrait penser Doug Ford défenseur des contribuables. Mais pour beaucoup d’observateurs, le slogan « For the people » n’a pas lieu d’être. Le retrait de la province du marché du carbone dès la prise de pouvoir du gouvernement en est la preuve. D’autant que d’après les chiffres du Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario, la fin de cet accord avec la Californie et le Québec aura coûté presque… trois milliards de dollars.

Il y a toutefois bien pire. Et à la suite de la levée de boucliers consécutive à l’abolition du poste de commissaire aux services en français, François Boileau, on avait quelque peu oublié une autre victime : Dianne Saxe. La commissaire à l’environnement dont la fonction a été aussi supprimée lors du « Jeudi noir » avait à plusieurs reprises tiré la sonnette d’alarme.

« Effrayante » et « inadaptée », les qualificatifs employés dans son dernier rapport fin mars pour décrire la politique de l’Ontario en matière d’énergie n’avaient rien de consensuels. Des conseils qui seront maintenant directement intégrés (voire noyés?) dans le rapport de la vérificatrice générale de l’Ontario.

La présentation du budget provincial, le 11 avril, marqué par une amputation de 36 % du montant consacré au ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs, confirme par ailleurs ce sentiment de recul.

400 millions de dollars contestés

Faut-il, dans ces conditions, vouer aux gémonies Doug Ford? En fait, le gouvernement s’est engagé, en novembre dernier, à dépenser 400 millions de dollars sur quatre ans pour un fonds du carbone. Objectif? Inciter les entreprises à investir dans des initiatives réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Pour ses détracteurs, ce plan ne donne aucune tarification sur le carbone, et surtout aucune restriction aux entreprises pour polluer.

Il faudra encore attendre plusieurs mois pour savoir si Doug Ford ramènera l’Ontario sur la voie de prospérité. S’il y parvient, nul doute que ce sera avec quelques sacrifices dans les dépenses environnementales décidément bien secondaires.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 23 avril.