Projection au cinéma Mayfair lors de l'IFFO 2023. Crédit image: Ming Wu

OTTAWA – La quatrième édition du Festival international du film d’Ottawa (IFFO) se déroule jusqu’au 24 mars. En plus de présenter des longs-métrages déjà primés, il permet de redécouvrir des films d’époque, de lancer des conversations sur l’industrie et de donner une voix aux femmes, aux communautés marginalisées, aux films canadiens et aux francophones.

Le « festival des festivals » a trouvé sa niche en restant un événement d’ampleur modeste, mais qui présente des films qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres festivals à travers le monde. Le directeur général Tom McSorley et la programmatrice Tish Black surveillent ce qui se passe à Cannes, Berlin, Toronto, Montréal et New York, par exemple.

En entrevue avec ONFR, Tom McSorley témoigne de la minutie avec laquelle la programmation est élaborée. « Nous sommes très petits, affirme-t-il. C’est 28 longs-métrages, cette année. À cause de ça, la sélection est vraiment importante. Nous voulons une diversité de films de partout à travers le monde. »

Image du film canadien Seven Veils, présenté en ouverture de l’IFFO 2024. Crédit image : Amanda Matlovich

Il nomme l’importance de trouver un équilibre entre les films de réalisateurs renommés et les plus obscurs, parfois de premières œuvres, qui font découvrir de nouveaux talents.

Parmi les têtes d’affiche de cette année, on retrouve Seven Veils, d’Atom Egoyan, en ouverture, ou encore Cerrar los ojos (Fermer les yeux) du réalisateur espagnol Víctor Erice.

En français, Solo de Sophie Dupuis est sans doute le film le plus connu, ayant remporté le prix du meilleur long-métrage canadien au Festival international du film de Toronto. « C’est très bien écrit et les comédiens sont extraordinaires », commente Tom McSorley.

Pluralité des voix

Le long-métrage Soleils atikamekw de Chloé Leriche, en français et en cri, s’est aussi taillé une place dans la programmation principale. Basé sur une histoire vraie toujours non résolue, le film mélange fiction et documentaire pour raconter un incident survenu dans la communauté atikamekw de Manawa, au Québec, en 1977. Tom McSorley commente : « C’est très intéressant et très émouvant, à mon avis. Et évidemment, nous voulons programmer des films des communautés autochtones, c’est important pour nous de présenter ces voix. »

Image du film Soleils atikamekw de Chloé Leriche. Source : IFFO

La place des femmes dans l’industrie est aussi un grand sujet de discussions à l’IFFO. La projection spéciale Cinema’s First Nasty Women présente des films muets réalisés par des femmes, trop souvent mises de côté, mais pourtant présentes depuis le début de l’histoire du cinéma.

Le Female gaze, de retour cette année, est un élément imaginé par Tish Black afin de présenter des films écrits et réalisés par des femmes, et d’avoir une « conversation sur le rôle des femmes dans le monde du cinéma et dans la société en général », explique Tom McSorley. Tiger Stripes, de la Malaisienne Amanda Nell Eu, est à l’honneur pour cette projection toujours « très populaire. »

La réalisatrice Emily Diana Ruth lors du segment The Female Gaze, en 2023. Source : IFFO

Malgré l’aspect international, les programmateurs réservent une grande place au savoir-faire canadien, entre autres, au moyen des courts-métrages présentés avant chaque programme principal.

Alors que la plupart des festivals organisent des programmes spéciaux où plusieurs courts-métrages sont projetés les uns à la suite des autres, L’IFFO privilégie cette formule qui impose (doucement) ces œuvres, toutes canadiennes. L’idée est de démocratiser l’art du court-métrage, en plus d’encourager les talents d’ici. « Le but de notre programmation de courts-métrages est de présenter les jeunes talents. Ceux qui deviendront des réalisateurs et réalisatrices de longs-métrages, éventuellement », explique le directeur général.

En terrain connu

Les habitués de l’IFFO ne seront pas dépaysés en 2024. « C’est le même bateau, mais avec différents passagers », illustre Tom McSorley. On retrouve donc des éléments comme le Screen Summit, qui permet à des gens qui auraient envie de se lancer dans l’industrie du cinéma d’entrer en contact avec des professionnels, ou la journée Save as, qui traite de la restauration et de la préservation du cinéma patrimonial. Lors de cet événement du 21 mars, le comédien Jean Leclerc sera présent pour participer aux discussions autour du film Guerres (The Wars), dans lequel il tenait la vedette en 1983.

Image de la soirée d’ouverture 2023. Source : IFFO

Cette année, le segment Les maîtres canadiens mettra à l’honneur la Torontoise d’origine indienne Deepa Mehta. La détentrice de nombreuses reconnaissances, dont une nomination aux Oscars et un titre d’Officier de l’Ordre du Canada, discutera de son parcours lors d’une entrevue qui précédera la projection de son film Funny Boy.

La place du français

Lui-même issu d’une famille exogame du Nouveau-Brunswick, Tom McSorley tient à ce que les communications de l’IFFO et les discours de bienvenue de chaque soirée soient faits dans les deux langues officielles. « Je suis très sensible au bilinguisme. C’est important, nous habitons à Ottawa, la capitale du Canada. De plus, le mois de mars est le Mois de la Francophonie. La présence de la langue de Molière est très importante pour notre festival. »

Tapis rouge 2023. Source : IFFO

Au moment d’élaborer la programmation, ce sont les thèmes exploités, et non la langue, qui dictent les agencements entre les courts et longs-métrages. Il n’est donc pas rare de voir un court-métrage francophone précéder un long-métrage anglophone. « Je pense que c’est normal pour (les festivaliers). C’est juste la réalité de notre environnement. On fait ça chaque année. »

C’est le cas lors de la soirée d’ouverture, où L’été des chaleurs, de Marie-Pier Dupuis, mettra la table pour Seven Veils. Les deux réalisateurs seront présents.

Parmi les autres réalisateurs en visite à Ottawa, on retrouve la Française Nora El Hourch, qui répondra aux questions du public sur son film Sisterhood le 17 mars.

Image du film français Sisterhood (HLM Pussy). Crédit image : Manny Films

Tous les films sont présentés dans leur langue originale, avec sous-titres anglais pour les films francophones, mais aussi pour ceux qui arrivent d’Italie ou d’Islande, par exemple.

Parmi les quatre longs-métrages canadiens sélectionnés pour un programme principal, deux sont francophones. Et parmi les 21 courts-métrages canadiens, on retrouve une dizaine de films en français.

Environ 4000 cinéphiles se donnent rendez-vous chaque année à l’IFFO. L’édition 2024 s’annonce prometteuse, selon Tom McSorley, qui indique que la vente de billets se déroule mieux que l’an passé à pareille date. La soirée d’ouverture se déroulera ce soir, à guichet fermé.