Les Ontariens pas pressés de traverser la frontière américano-canadienne

Drapeau américain sur le bord de la rivière Détroit. Crédit image: Rudy Chabannes

SARNIA – Alors que les États-Unis rouvrent leurs portes à tous les Canadiens doublement vaccinés, ce lundi, après 20 mois de fermeture, le coût du test de dépistage PCR, le taux de contamination américain et la crainte de voir la frontière saturée par les premiers voyageurs dissuadent beaucoup d’habitués du Sud-Ouest ontarien de tenter le saut dans le Michigan.

C’est à partir de ce lundi que les Canadiens peuvent à nouveau se rendre aux États-Unis par voie terrestre pour des raisons non essentielles comme le tourisme ou le rapprochement familial, à condition d’être entièrement vaccinés. Deux doses de vaccins différents sont aussi admises.

À leur retour, ils devront présenter un résultat négatif à un test moléculaire de dépistage de la COVID-19, de mois de 72 heures, afin de remettre les pieds sur le sol canadien.

Les amis, les loisirs, les restaurants et le magasinage manquent beaucoup à Marie Briand. Cette résidente de Sarnia avait coutume de traverser régulièrement la frontière, y compris pour assister aux matches des Canadiens de Montréal à Détroit. Elle explique que la pandémie a même brisé sa relation amoureuse avec un Américain, une situation endurée par de nombreux Franco-Ontariens.

Marie Briand, Franco-Ontarienne de Sarnia. Gracieuseté

Elle n’entend toutefois pas reprendre ses habitudes de sitôt : « La frontière entre Sarnia et Port Huron est vraiment occupée avec parfois des kilomètres de camions qui attendent en ligne. Alors avec la réouverture et les contrôles sanitaires, on risque d’avoir une foule incroyable qui passe au compte-goutte. »

Même si elle est entièrement vaccinée, elle redoute aussi le taux de contamination élevé au Michigan. « Ça dissuade d’y aller, surtout à l’approche de l’Action de grâce américaine. Ça risque d’être plus chargé et c’est à ce moment-là qu’on risque le plus d’attraper le virus », appréhende-t-elle.

L’État frontalier a enregistré, en 48 heures, plus de 10 000 nouveaux cas de COVID-19 et 90 décès liés au virus vendredi, atteignant la moyenne quotidienne la plus élevée depuis avril dernier. Les hospitalisations augmentent depuis plusieurs semaines. Comparativement, l’Ontario avoisine les 600 contaminations quotidiennes.

Des tests moléculaires hors de prix

Une autre raison refroidit son envie de se rendre à nouveau en territoire américain : le coût du test moléculaire PCR, qui peut atteindre les 200 $. Plusieurs élus se sont élevés contre cette mesure, dont le maire de Détroit Drew Dilkens.

« S’il suffisait de faire un test rapide, ce serait moins coûteux », confie Mme Briand. « Payer plus de 20 $ ne m’intéresse pas. Je vais attendre, car il va y avoir tellement de pression du milieu touristique, artistique, politique et des affaires, que les gouvernements n’auront pas d’autre choix que de revoir leurs conditions, voire se contenter de la preuve vaccinale. »

Bruno Hache, résident d’Ingersoll. Gracieuseté

Un avis partagé par Bruno Hache, un résident franco-ontarien d’Ingersoll. « Ça ne m’intéresse pas de traverser la frontière à ce prix-là. Je vais attendre que ça baisse », signale-t-il.

M. Hache traversait régulièrement la frontière pour des raisons professionnelles avant la pandémie. « Je travaillais aux States et je faisais donc beaucoup de va-et-vient. Mais mon travail a été coupé de 60% à cause de la fermeture de la frontière et j’ai dû le quitter pour trouver un emploi en Ontario. »

Il estime par ailleurs que le Canada et les États-Unis auraient dû synchroniser leur ouverture. Les citoyens américains peuvent entrer sur le territoire depuis le 9 août, tandis que les Canadiens ont dû attendre jusqu’à ce lundi. « Ça ne fait pas de sens, d’autant que les cas de COVID-19 sont beaucoup plus élevés aux États-Unis. Aujourd’hui, avec deux doses, on est protégé », croit-il. « Je ne comprends pas pourquoi on nous demande quand même un test. »

Les touristes canadiens très attendus de l’autre côté de la frontière

De l’autre côté de la frontière, coupée de sa famille, de ses amis et d’une partie de ses clients, Claude Pellerin a ouvert son restaurant durant la pandémie en septembre 2020, à Birmingham, dans la banlieue nord de Détroit. Cette Française installée dans le Michigan depuis sept ans est heureuse de voir la frontière à nouveau ouverte car les Canadiens représenteraient 10% de sa clientèle.

Claude Pellerin, gérante du restaurant Ze French Lady, à Birmingham (Michigan). Gracieuseté

« Au début on a ouvert en vente à emporter. On a eu beaucoup de soutien de la communauté. La réouverture de la frontière va nous amener une clientèle supplémentaire », se réjouit-elle. « Les amis qui sont à Montréal vont aussi pouvoir revenir. Ils adorent mon bœuf bourguignon et plaisanter en français. »

Dans les restaurants et commerces du Michigan, ni le port du masque ni le vaccin ne sont requis.