Quelles options pour Amanda Simard?
OTTAWA – La déclaration fracassante de la députée franco-ontarienne, Amanda Simard, lui a valu de nombreux commentaires de soutien sur les médias sociaux. Mais d’autres lui demandent d’aller plus loin et de quitter le Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario. Pour l’élue de Glengarry-Prescott-Russell, les options sont limitées.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Dans sa déclaration et au cours des quelques entrevues que Mme Simard a accordées depuis hier soir, la députée progressiste-conservatrice a dit se laisser du temps afin de réfléchir. Pour la politologue du Collège militaire royale du Canada, Stéphanie Chouinard, l’élue n’a que deux options.
« Elle peut rester au sein du Parti progressiste-conservateur pour tenter de faire pression, mais elle a dit avoir tenté de le faire cette semaine et ça n’a pas donné grand-chose. Sinon, elle pourrait siéger comme indépendante. En tout cas, je ne la vois pas passer du côté libéral ou néo-démocrate. »
Les sirènes libérales pourraient toutefois sonner fort dans les oreilles de Mme Simard qui a arraché une circonscription qui était restée rouge, au niveau provincial, depuis 37 ans.
« Les libéraux pourraient essayer de l’attirer, car elle leur permettrait de redevenir un parti officiel avant les changements législatifs annoncés [le gouvernement propose de faire passer de 8 à 12 députés, soit 10 % du nombre total de sièges à l’Assemblée, le minimum requis pour qu’un parti soit reconnu]. Ça rendrait la tâche des progressistes-conservateurs plus difficile », explique le politologue à l’Université McMaster, Peter Graefe.
Simple coïncidence? La députée d’Ottawa-Vanier Nathalie Des Rosiers a été l’une des premières à féliciter Mme Simard sur les médias sociaux, hier soir. Mais le passage dans les troupes de John Fraser ne serait pas forcément dans l’intérêt de Mme Simard, juge Mme Chouinard.
« Les électeurs ont du mal à supporter les changements d’allégeance politique », dit-elle, sans oublier que Mme Simard a été élue par les électeurs progressistes-conservateurs il y a cinq mois et demi à peine, ajoute M. Graefe.
Caution francophone
La réponse du Parti PC, lapidaire, laisse la place à beaucoup d’interprétation sur l’avenir de Mme Simard au sein des progressistes-conservateurs.
« Le parti n’a pas tardé à réagir et semble laisser passer sa sortie. Peut-être qu’il a considéré que c’était plus stratégique, car elle est un peu la caution francophone du gouvernement », rappelle Mme Chouinard.
La politologue juge que la députée aurait très bien pu ne s’exprimer qu’en coulisses, au lieu de se désolidariser publiquement de son gouvernement, un geste assez rare. Mais pour M. Graefe, la situation aurait été difficilement tenable.
« Politiquement, il fallait qu’elle réagisse, car c’est un enjeu dans sa circonscription. Ça a aussi permis au Parti progressiste-conservateur de démontrer un certain niveau d’ouverture face à la critique et envers les Franco-Ontariens. Stratégiquement, le parti ne sait pas encore s’il aura une aussi forte majorité aux prochaines élections et chaque siège peut compter, d’autant que les progressistes-conservateurs lorgnent sur Orléans. »
Il ajoute que la question franco-ontarienne reste encore très peu audible dans la province, ce qui pourrait expliquer la clémence d’un parti qui n’aime pas les mutineries et qui veut offrir un visage uni.
Quel impact pour les francophones?
Pour les Franco-Ontariens, le choix que fera Mme Simard ne changera pas grand-chose, estime la politologue du Collège militaire royal du Canada.
« Elle n’a pas une alliée très forte avec Caroline Mulroney [ministre déléguée aux Affaires francophones] et même si elle dit avoir fait pression sur Doug Ford, celui-ci est resté campé sur ses positions. Mais peut-être qu’elle se dit qu’elle pourrait avoir un rôle à jouer pour les francophones afin d’empêcher d’autres compressions. »
Pour Mme Chouinard, la sortie de Mme Simard a sans doute hypothéqué ses chances de conserver son poste d’adjointe parlementaire à la ministre déléguée aux Affaires francophones sur le long terme. Et si elle continue à se montrer critique envers le gouvernement, sa situation pourrait rapidement évoluer.
« Il va falloir qu’elle rentre dans le rang si elle veut rester », estime M. Graefe, qui souligne que son poids pour les francophones deviendrait encore plus réduit si elle siégeait comme indépendante.
Avenir politique incertain
Si les deux politologues rappellent qu’il reste encore trois et demi avant les prochaines élections et que beaucoup de choses pourraient arriver d’ici là, M. Graefe juge que Mme Simard aura beaucoup de travail à faire si elle veut être réélue.
« Elle va devoir rétablir sa crédibilité auprès de l’entourage de Doug Ford qui ne lui est pas acquis et si la question francophone devient un enjeu dans sa circonscription aux prochaines élections, ce sera difficile. »
Mme Chouinard rappelle le précédent Noble Villeneuve, dans Stormont-Dundas-Glengarry, au moment de la crise entourant la fermeture de l’hôpital Montfort.
« Il avait fait une annonce publique contre cette annonce-là, mais n’avait pas quitté le caucus. C’est peut-être ce qui lui a coûté son siège en 1999. »
Attendue ce dimanche devant ses électeurs, dans sa circonscription, à l’aréna de St-Isidore, Mme Simard pourrait révéler le fruit de sa réflexion.
« Si elle avait voulu quitter le parti, je pense que ce serait sans doute déjà fait », glisse toutefois Mme Chouinard.
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