Les prémices d’un corridor canadien de la francophonie économique

Montage ONFR+

TORONTO – Avec la création de l’Alliance de la francophonie économique canadienne (AFEC), les acteurs du monde des affaires de l’Ontario, de l’Alberta, du Nouveau-Brunswick et du Québec ont l’intention d’accroître l’influence de la langue française dans les échanges économiques entre provinces comme à l’international.

Formalisé en marge du 18e Sommet de la francophonie et officialisé il y a quelques jours, ce nouveau réseau compte peser de tout son poids pour défendre les intérêts des entrepreneurs francophones et grossir leur chiffre d’affaires.

Plusieurs idées sont sur la table à dessin : resserrer les liens entre les chambres de commerce et les associations de gens d’affaires, animer une communauté de gens d’affaires francophones et francophiles à l’échelle canadienne ou encore impulser des projets de collaboration.

« L’avantage de se mettre ainsi en réseau, c’est d’abord de formaliser notre collaboration, créer une dynamique, échanger de bonnes pratiques et, éventuellement, de mettre sur pied des délégations de gens d’affaires qui participent à des missions commerciales », entrevoit Dominic Mailloux, président de la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario (FGA), une des quatre organisations fondatrices de l’AFEC.

Dominic Mailloux, président de la FGA. Crédit image : Rudy Chabannes

La moitié des entreprises détenues par des francophones hors Québec sont implantées en Ontario dont le dixième du PIB est produit par des travailleurs bilingues. Si le Québec reste son plus important partenaire commercial interprovincial (33 % du total des exportations interprovinciales ontariennes), la francophonie pourrait ouvrir de nouvelles opportunités dans les autres provinces.

Aux côtés de la FGA, le Conseil de développement économique de l’Alberta (CDÉA), le Conseil économique du Nouveau-Brunswick (CÉNB) et la Fédération des chambres de commerces du Québec (FCCQ) complètent ainsi une alliance qui pourrait s’enrichir, à terme, de nouveaux membres issus des autres provinces, notamment la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et la Colombie-Britannique.

Créer « une famille, un réseau, une confiance »

« Peu de gens savent que 2,7 millions de francophones évoluent et vivent très bien en milieu minoritaire au Canada. Le français comme langue d’affaires est sous-utilisé et, avec ce corridor des affaires, on veut mettre en avant cet atout », insiste Guillaume Bédard, président du CDÉA.

« On peut faire du commerce avec qui veut en anglais à travers le monde », convient cet entrepreneur de longue date partie du Québec pour tenter sa chance en Alberta, « mais quand on le fait dans la langue première de notre interlocuteur et la nôtre, alors on ouvre le cœur et on développe une relation de partenariat à bien plus long terme qu’une simple transaction. Ça crée une famille, un réseau, une confiance ».

Guillaume Bédard, président du CDÉA. Source : page Facebook CDÉA

Derrière ce rapprochement, les membres ne cachent pas leur volonté de faire entendre leur voix pour défendre les intérêts des employeurs francophones confrontés à de multiples défis que ce soit l’apport en main-d’œuvre bilingue, le développement des échanges interprovinciaux ou l’ouverture de nouveaux marchés à l’international.

« Un tiers de notre population au Nouveau-Brunswick est francophone, tandis que la proportion d’immigrants francophones est inférieure à 20 % », contextualise Gaétan Thomas, PDG du CÉNB. « Si on continue dans cette direction, d’ici 20-30 ans, ça risque de créer des déséquilibres. On pourrait donc avoir des positions communes sur ce genre de politiques. »

Une synergie pour développer de nouveaux marchés

Cet ancien patron de l’opérateur public provincial Énergie Nouveau-Brunswick croit fermement au potentiel international de la francophonie économique canadienne. « En joignant nos expertises dans la traduction, le service à la clientèle, l’ingénierie ou encore le tourisme, on peut positionner le français comme une langue incontournable pour faire des affaires à l’étranger », escompte-t-il.

« On serait capable d’exporter vers l’Europe et l’Afrique. Le Nouveau-Brunswick est très bien situé avec deux ports de haute mer », fait-il remarquer. « Ici, on est en train de développer des centrales de petits réacteurs modulaires qui pourraient être exportés en Europe ou Afrique. L’Alberta, l’Ontario et le Québec ont eux aussi des expertises complémentaires qu’on peut mettre en synergie pour développer de nouveaux marchés. »

Gaetan Thomas, PDG du CÉNB. Source : AFEC

La participation de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et son réseau de 123 chambres de commerce pourrait aussi favoriser un environnement d’affaires innovant et concurrentiel croient l’ensemble des partenaires cofondateurs de l’AFEC.

M. Bédard résume cette alliance comme à la fois « une porte d’entrée pour les nouveaux gens d’affaires francophones qui veulent s’implanter » dans les provinces parties prenantes et comme « un tremplin pour affirmer davantage la force économique de la francophonie canadienne ».