L’insécurité linguistique en Ontario : un défi persistant pour les francophones

TORONTO – L’insécurité linguistique, un phénomène qui touche aussi bien les francophones que les apprenants du français, a été au cœur des discussions lors d’une conférence au Collège Massey ce jeudi à l’occasion du Mois de la Francophonie. Cet événement, qui réunissait des experts issus de divers milieux, a mis en lumière les défis rencontrés par les francophones en situation minoritaire en Ontario et les solutions envisagées pour y répondre.
L’insécurité linguistique, définie comme un sentiment de malaise ou d’anxiété lié à l’usage du français, ne concerne pas uniquement les apprenants de la langue. Comme l’a souligné Marco Fiola, principal du Collège Glendon, même un francophone natif peut ressentir une insécurité face à des variétés de français jugées plus prestigieuses. Il a rappelé que cette insécurité commence parfois dès l’enfance, lorsque les élèves constatent des différences entre le français parlé à la maison et celui enseigné à l’école, prenant pour exemple son expérience personnelle.
« J’ai grandi dans un environnement francophone unilingue, confie-t-il. J’ai grandi dans une ferme, le français était omniprésent autour de moi au quotidien, mais je n’étais pas un francophone scolarisé ni un spécialiste. Quand je suis allé à l’école, j’avais l’impression d’apprendre ma première seconde langue. »
La juge Julie Thorburn qui a introduit le premier des trois panels du jour sur le sujet de l’insécurité linguistique a, quant à elle, mis en avant l’importance du français dans l’identité culturelle et personnelle. « La langue est plus qu’un moyen de communication. Elle est le pont entre l’isolement et la collectivité », a-t-elle déclaré, insistant sur la nécessité de préserver et promouvoir son usage.
Un manque de reconnaissance et de financement
L’un des problèmes majeurs soulevés par Geneviève Grenier, présidente du Conseil scolaire catholique MonAvenir, est le manque de financement pour les services et établissements en français. Cette dernière a pointé du doigt les difficultés d’accès aux écoles francophones dans certaines régions : « En Ontario, certains élèves doivent parcourir jusqu’à 1 h 30 pour accéder à une école secondaire en français. Nous devons nous battre pour nos droits linguistiques et rappeler aux gouvernements leur devoir de financement ».

Ce manque de ressources touche également les services de santé et juridiques. M. Fiola a illustré ce point en expliquant que l’accès à un médecin francophone est une rareté à Toronto, ce qui peut avoir un impact direct sur la qualité des soins reçus par les patients francophones.
Des solutions et un appel à l’action
Malgré ces obstacles, des solutions existent. L’une d’elles est l’encouragement à utiliser activement les services en français pour assurer leur maintien. « Un service en français, s’il n’est pas utilisé, disparaît », a affirmé Marco Fiola, appelant les francophones et francophiles à revendiquer leurs droits linguistiques.
De son côté, Geneviève Grenier a plaidé pour une collaboration renforcée entre les institutions francophones de la province : « Il faut que tous les acteurs de l’écosystème francophone travaillent ensemble pour renforcer notre présence et garantir l’avenir du français en Ontario ».
Enfin, plusieurs intervenants ont mis en avant la richesse que représente la dualité linguistique au Canada. Leorrianne Lim, agente de promotion des programmes de langues officielles, dont le français est sa troisième langue, a insisté sur la nécessité de créer davantage d’opportunités pour pratiquer le français en dehors du cadre scolaire, afin de renforcer la confiance des locuteurs.
Un avenir à construire ensemble
Cette conférence a permis de rappeler que la francophonie ontarienne est une richesse à protéger et à promouvoir. Pour cela, il est essentiel que les francophones et francophiles revendiquent leurs droits, utilisent les services disponibles et encouragent une reconnaissance accrue du français comme une composante essentielle de l’identité canadienne. Comme l’a résumé Marco Fiola, « si le pays entier reconnaissait pleinement la richesse de cette dualité linguistique, nous pourrions faire des miracles ».