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Loi 21 : l’Ontario et des conseils scolaires francophones interviendront en Cour suprême

La Cour suprême du Canada. Photo : Stéphane Bédard

OTTAWA — L’Ontario et cinq autres provinces canadiennes interviendront pour protéger l’utilisation de la clause dérogatoire dans le cadre du dossier de contestation de la Loi 21 du Québec devant la Cour suprême du Canada. Des conseils scolaires francophones de la province seront aussi de la partie comme intervenants.

La Cour suprême du Canada (CSC) a autorisé près de 38 intervenants ou groupes d’intervenants, un nombre record pour un seul dossier. Il faut aussi compter à cela 22 autres intervenants ou groupes qui ont le droit de participer parce qu’ils l’ont fait dans des tribunaux inférieurs.

Les provinces, par l’entremise de leur procureur général, soit l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, l’Alberta, le Manitoba, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan, font partie de la liste. Le gouvernement fédéral, qui avait depuis longtemps signalé son désir d’intervenir devant la plus haute juridiction au pays, y est aussi.

Aucune date d’audience n’a encore été fixée pour la cause, mais la Cour suprême a approuvé à la mi-juillet cette liste d’intervenants. La presque quarantaine d’intervenants ont jusqu’au 17 septembre pour déposer un mémoire et pourront présenter des plaidoiries orales lors du procès. 

Le bureau du Procureur général de l’Ontario, Doug Downey, a refusé de répondre à nos questions lorsque nous avons demandé la raison derrière l’intervention de la province dans ce dossier. Mais dans une motion de requête visant à obtenir le statut d’intervenant qui a été déposée en juillet dernier, l’Ontario et les cinq autres provinces veulent être entendus sur la base que les pouvoirs des provinces à invoquer la clause dérogatoire « pourraient être profondément affectés ». 

Comme il s’agit d’une simple motion visant à pouvoir être entendue lors de l’audience, les avocats des provinces ne rentrent pas dans le fond de leur argumentation. Mais ces derniers soulignent que la souveraineté législative des provinces « pourrait être directement mise en cause par tout résultat ».

Le gouvernement de Doug Ford a utilisé la clause dérogatoire à deux reprises depuis son arrivée au pouvoir. Photo : Rudy Chabannes/ONFR

Les provinces signalent aussi qu’une « majorité » des intervenants qui seront entendus par le plus haut tribunal au pays sont d’avis que « de nouvelles conditions et exigences sont nécessaires » concernant l’utilisation de la clause dérogatoire.

« Des plaidoiries écrites et orales approfondies de la part des procureurs généraux des provinces sont nécessaires pour garantir que la Cour reçoive un équilibre des points de vue sur les questions importantes soulevées », écrivent-ils à l’unisson.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le premier ministre Doug Ford a utilisé la clause dérogatoire à deux reprises pour déroger de la Charte canadienne des droits et libertés.

En 2021, il avait notamment utilisé la disposition pour la première fois, afin de contrer la Loi sur la protection des élections. Puis en 2022, il avait fait adopter un projet de loi avec la clause dérogatoire pour empêcher une grève dans les écoles de la province. Dans ce dernier cas, le gouvernement avait finalement fait marche arrière en retirant cette loi.

Long procès en vue

Cette cause oppose le gouvernement du Québec à la Commission scolaire English-Montréal, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) et l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC). Ces derniers contestent la Loi sur la laïcité de l’État, qui interdit le port de signes religieux pour les employés de l’État comme les policiers et les professeurs. L’utilisation de la clause dérogatoire par le gouvernement du Québec dans le cadre de cette Loi est aussi contestée. 

En 2021, la Cour supérieure du Québec avait maintenu la validité de la Loi 21, mais tranché que celle-ci ne pouvait s’appliquer aux commissions scolaires anglophones dans la province. En 2024, la Cour d’appel du Québec a de nouveau maintenu sa légalité et rejeté l’argument de la Cour supérieure comme quoi les commissions scolaires anglophones pouvaient en être exemptées. 

Les contestataires de la législation du gouvernement de François Legault, adoptée en 2019, ont alors porté la décision en appel devant le plus haut tribunal au pays. La Cour suprême a accepté en janvier d’entendre la cause.

Ces nombreuses interventions pourraient forcer la tenue d’audiences sur trois jours, une situation exceptionnelle, avait souligné le juge en chef Richard Wagner en juin lors d’une conférence de presse. La CSC ne prend qu’une journée maximum pour une audience normalement.

Des écoles franco-ontariennes interviendront

L’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO), qui représente quatre conseils scolaires et 153 écoles francophones dans la province, a aussi obtenu le statut d’intervenant dans le cadre de cette cause judiciaire. L’ACÉPO et la Commission nationale des parents francophones sont les deux seuls intervenants éducatifs francophones en milieu minoritaire qui présenteront leurs arguments.

Contacté par ONFR, l’ACÉPO a refusé de répondre à nos questions sur la raison ayant poussé l’association franco-ontarienne à se joindre à la cause juridique.

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick et le Commissariat aux langues officielles apparaîtront aussi devant les magistrats de la Cour suprême, selon la liste dévoilée par la CSC. Le commissaire aux langues officielles avait déjà démontré son intention à intervenir en janvier dernier, car cette « loi a indéniablement des effets sur les écoles de la minorité au Québec ».

Parmi les autres participants ontariens dans cette cause, on note la Fédération des Associations du Barreau de l’Ontario et la Commission ontarienne des droits de la personne.