La clause dérogatoire, « le seul outil qu’on avait », se défend Ford

Le premier ministre ontarien, Doug Ford. Crédit image: Jackson Ho

TORONTO – La clause dérogatoire était la seule option possible pour régler le conflit des travailleurs de soutien en éducation, a dit Doug Ford une journée après que son gouvernement a fait marche arrière.

Qu’est-ce qui a fait pencher la balance au cours des derniers jours? Doug Ford évoque la colère de la population à propos de l’augmentation de 2,5 % de salaire qu’offrait son gouvernement pour ceux gagnant en deçà de 43 000 $ par année et de 1,5 % pour les autres.

« Le pouls de la population est — tout le monde dit la même chose — de ne pas se soucier de ceux faisant 100 000 $, mais de ceux des travailleurs à faibles revenus. J’écoute les gens et je ne suis pas gêné. Je l’ai prouvé au cours des quatre dernières années, s’il faut que je change d’avis, ainsi soit-il. Je veux juste une négociation et les enfants en classe. »

Hier, le gouvernement a annoncé qu’il retirerait sa loi spéciale si le syndicat revenait à la table. Une offre acceptée par les travailleurs de soutien signifiant le retour des élèves dans les écoles à la grandeur de la province aujourd’hui.

« Croyez-moi, je n’aime pas utiliser la section 33 (la disposition de dérogation), mais à la fin de la journée, c’était le seul outil qu’on avait », a justifié Doug Ford mardi en conférence de presse.

Mais ça ne tient pas la route selon le professeur de l’Université d’Ottawa Gilles Levasseur. Doug Ford a ouvert une possible boîte de Pandore avec un outil qui ne doit pas servir à ça, évoque-t-il.

Le professeur de l’Université d’Ottawa Gilles Levasseur. Gracieuseté.

« Le pouvoir dérogatoire, normalement, on l’utilise dans une situation extrême où il n’y a pas de recours et d’urgence », rappelle le spécialiste en droit constitutionnel.

« On ne peut pas l’utiliser pour essayer d’imposer un système fiscal ou financier parce qu’on n’a pas d’autres options avec les syndicats (…) Là, on l’évoque sans qu’il y ait une urgence et une nécessité en utilisant le concept que l’on veut que les élèves en restent en classe. »

Et maintenant?

Concernant l’utilisation de l’article 33, Doug Ford a souligné que le Québec l’avait utilisé plus d’une vingtaine de fois et « que c’est un outil qui existe ». Hier, suite aux critiques de Justin Trudeau, Doug Ford avait invité son homologue à « s’asseoir avec tous les premiers ministres et avoir une conversation à propos de la constitution ». Ottawa refuse le tout et avance depuis plusieurs mois attendre après une décision de la Loi 21 présentement à la Cour d’appel au Québec avant d’envoyer le dossier à la Cour suprême.

Justin Trudeau et Doug Ford lors d’une rencontre à Queen’s Park le 30 août. Gracieuseté : Adam Scotti/ Cabinet du Premier ministre

Mais la façon la plus simple et surtout plus rapide serait pour Ottawa de ne pas attendre les tribunaux québécois et de faire un renvoi à la Cour suprême. Comme le plus haut tribunal au pays possède la primauté du droit, il aurait le dernier mot dans ce dossier.

« On l’a fait dans le cadre de la loi sur l’égalité des sexes dans le mariage. Le gouvernement de Paul Martin avait fait un renvoi pour énoncé si le mariage du même sexe était constitutionnellement valide ou pas. La Cour suprême a dit oui et on a adopté la loi. La Cour suprême a énoncé les règles et elle pourrait faire la même chose sur la question du pouvoir dérogatoire », donne en exemple Gilles Levasseur, mais qui note qu’une telle approche ouvrirait un conflit avec le Québec.

Ce type de démarche permettra au plus haut tribunal du pays de se pencher sur les paramètres permettant de l’utiliser, comme dans un conflit de travail.

« En ce moment, il n’y a pas de paramètres. C’est ça qui a permis qu’on menace de l’utiliser. La Cour suprême ne dit pas dans quel contexte on peut l’utiliser ce pouvoir dérogatoire là. On pourrait l’utiliser contre les entreprises qui mettent trop de sel dans leur viande. Liberté de goût! », image le professeur.