La Loi sur la radiodiffusion adoptée au bonheur du milieu culturel francophone
OTTAWA – Le projet de loi C-11 a été adopté ce jeudi soir ayant obtenu la sanction royale. Les sénateurs ont approuvé la mouture visant à moderniser la Loi sur la radiodiffusion.
C-11 a pour but d’obliger le financement et la promotion du contenu canadien par les plateformes comme Netflix, Spotify et YouTube. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) aura de nouveaux pouvoirs d’exécution en vertu de la loi, et l’obligation de consulter les communautés linguistiques minoritaires avant de prendre des décisions qui pourraient avoir un impact sur leurs activités.
Les différentes associations représentant les professionnels de l’industrie culturelle franco-ontarienne accueillent la Loi de façon majoritairement positive. La plupart de leurs demandes ont été entendues, dont le fait que les communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM) soient explicitement nommées. ONFR+ a questionné plusieurs intervenants.
« Lorsqu’on est absent d’une loi, on peut être facilement oublié. Donc c’était un des premiers objectifs, de faire en sorte qu’on était reflétés dans ce projet de loi, et que la réalité particulière de la production francophone soit aussi mentionnée », explique la directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Marie-Christine Morin.
Alors que certains créateurs de contenu se sont publiquement opposés à C-11, le youtubeur franco-ontarien Phil Rivière se sent un peu entre l’arbre et l’écorce.
« J’ai des émotions mixtes là-dessus. Je vois qu’il y a beaucoup de points positifs, surtout pour les francophones en situation minoritaire comme nous. Mais il y a aussi d’autres points dont je ne suis pas certain à 100 %. »
La levée de boucliers a particulièrement été vive au Canada anglais. Phil Rivière remarque que ses pairs francophones semblent en général moins au fait du projet de loi, dont le texte est assez vague. Les principales craintes des créateurs de contenu, alimentées par les messages que les grandes plateformes envoient à leurs utilisateurs, sont de perdre leur tribune ou de voir leur liberté d’expression censurée.
Selon le responsable des relations publiques à la Guilde canadienne des réalisateurs (GCR), Samuel Bischoff, il n’y a pas de quoi s’en faire. « Ça n’a rien à voir avec de la censure parce que le CRTC en tant que régulateur des médias au Canada n’a rien à voir avec de la censure […] Dans le projet de loi, il n’y a rien fondamentalement pour prendre le contrôle des algorithmes. Mais c’est de s’assurer d’une certaine visibilité. »
La principale critique de l’industrie culturelle est que C-11 prévoit des standards différents pour les entreprises canadiennes et étrangères au niveau de l’embauche de ressources créatives canadiennes.
Dans tous les cas, les intervenants rencontrés par ONFR+ s’accordent à dire que le vrai test sera la façon dont la loi sera appliquée par le CRTC, qui gagne beaucoup de pouvoir avec l’adoption de C-11.
Un long parcours
Il s’agit de la fin d’un long parcours pour la refonte de la Loi sur la diffusion, jamais modernisée depuis 1991. Une première mouture avait été déposée en 2020 avant qu’elle ne meure au feuilleton avec le déclenchement des élections fédérales en 2021. Le gouvernement avait ramené le projet de loi en novembre 2021, mais en le modifiant, en incluant notamment le devoir de consultation des francophones en milieu minoritaire.
S’est ensuite suivie une partie de ping-pong entre la Chambre des communes et le Sénat alors que la haute chambre avait renvoyé le projet en ajoutant des modifications et des amendements.
Certains amendements des sénateurs, qui se voulaient en réponse à une inquiétude de créateurs de contenu que des utilisateurs des plateformes soient limités dans ce qu’il aurait été possible de partager, ont été refusés.
Mardi, le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez se disait « exicté » en vue de l’adoption de C-11, lui qui poussait pour la sanction royale soulignant que le milieu culturel « en avait besoin ».
« C’est le projet de loi qui a passé le plus de temps au Sénat dans l’histoire du Canada. Il a été étudié amplement en Chambre et au Sénat. »
Contrairement au NPD et au Bloc québécois, les conservateurs s’opposaient à ce projet de loi, craignant que le but de prioriser le contenu canadien ait un effet négatif pour sa visibilité. Pour son chef Pierre Poilievre, C-11 vient « censurer Internet » et un gouvernement conservateur annulerait le projet de loi.
Avec les informations de Pascal Vachon.