Marit Stiles compte « absolument » inverser la courbe démographique francophone


La cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD), Marit Stiles, a répondu aux questions d’ONFR au cours d’un long entretien. Si elle devient première ministre le 27 février prochain, elle affirme que son gouvernement relancera la démographie francophone en augmentant les services en français pour attirer des travailleurs qualifiés de langue française. Elle ramènera aussi, dit-elle, la formation des enseignants à un an pour atténuer la pénurie de personnel en éducation.
« Avez-vous suivi le débat des représentantes des chefs en français organisé par TFO et Radio-Canada la semaine dernière? Qu’avez-vous pensé de la prestation de votre porte-parole, la députée sortante de Nickel Belt, France Gélinas?
Oui j’ai suivi le débat. France Gélinas est une championne de la communauté franco-ontarienne et je la considère comme une des députées les plus solides en Ontario. Elle a apporté des points importants et je suis très fière qu’elle ait représenté le NPD.
Un désaccord est survenu dans ce débat sur la pertinence de faire de l’Ontario une province bilingue. Croyez-vous que ce soit un projet réaliste quand on connaît toute la difficulté de recruter des agents publics qualifiés pour offrir ces services?
Je crois que c’est réaliste, oui, à condition d’avoir un gouvernement qui priorise les services en français. C’est essentiel d’écouter les Franco-Ontariens et de respecter leur culture. Nous, dans un gouvernement NPD, on va améliorer les services en français.
La part relative des francophones en Ontario est en baisse, au plus bas depuis 50 ans. Est-ce possible d’inverser cette courbe démographique et comment vous y prendriez-vous?
Oui, il le faut absolument! Il faut en priorité s’attaquer à la pénurie de travailleurs bilingues qualifiés et créer les conditions dans lesquelles les francophones pourront vivre dans leur langue ici en Ontario. Il faut des services de santé en français, des garderies, des écoles, des universités comme celles de Sudbury et Nipissing, des soins de longue durée, etc. Si on n’a pas tous ces services, on ne pourra pas attirer et retenir les travailleurs. Je vais aussi investir dans l’éducation francophone, les conseils scolaires et les garderies.
Justement, en matière d’éducation, vous comptez dans votre plan investir 830 millions pour réparer les écoles et accroître l’apprentissage en langue française… Seulement, depuis 2015, la formation des enseignants allongée à deux ans a précipité la pénurie d’enseignants. Le NPD s’engage-t-il à la ramener à un an, comme avant?
Oui, c’est quelque chose que nous allons faire. C’est très difficile pour les conseils scolaires d’attirer les enseignants francophones et c’est dans notre plateforme de les aider.
Au cours des deux dernières années, à titre de cheffe de l’opposition officielle, vous n’avez cessé d’interpeller Doug Ford sur les défis en éducation. Pourtant, dans cette campagne, les gens semblent ne pas accrocher à ce thème. Comment l’expliquez-vous?
Vous savez, l’éducation est une des raisons pour lesquelles je suis entrée en politique. Mais, pour beaucoup de gens, d’autres priorités sont venues prendre le dessus comme payer ses factures, chercher un médecin de famille, trouver un logement… Mettre son enfant dans une bonne école vient s’ajouter à tout cela, mais Doug Ford ne veut pas parler de ces sujets.
Il a quitté son poste au moment où notre pays fait face à une guerre commerciale dans une période où les familles doivent choisir entre faire leur épicerie ou payer leur loyer. Il ne veut pas non plus parler d’éducation, car les écoles sont dans un état déplorable et les enseignants déconsidérés. On remettra les écoles debout et on revalorisera le métier d’enseignant.
Doug Ford est soutenu par plusieurs syndicats. Votre parti est-il toujours celui des syndicats et des travailleurs, comme le présentiez?
Oui! Nous sommes le parti qui va introduire la législation la plus forte pour les travailleurs et les syndicats. M. Ford n’est pas l’ami des travailleurs. Au contraire, il protège ses riches amis.
Vous voulez rendre l’autoroute 407 gratuite. Mais supprimer des péages est plutôt une caractéristique fordiste. Le premier ministre sortant l’a fait pour les autoroutes 412 et 418. Ne reprenez-vous pas à votre compte une approche progressiste-conservatrice?
Je ne vois pas les choses ainsi. On est dans une période difficile pour beaucoup de personnes. Les gens en ont marre des embouteillages monstres et du coût de la vie. Donc, on veut simplement remettre de l’argent dans la poche des gens pour qu’ils puissent vivre. Au lieu de ça, M. Ford veut construire un tunnel sous la 401, mais ce n’est pas solution. Rendre la 407 gratuite est quelque chose de réalisable immédiatement, sans coût de construction ni délai.
Une autre urgence pour vous est le système de santé. Vous voulez plus d’infirmiers, plus de médecins, plus d’hôpitaux, de plus gros salaires pour les travailleurs de la santé… Cela ne risque-t-il pas de coûter extrêmement cher aux Ontariens?
Si on n’investit pas maintenant, cela va nous coûter encore plus cher plus tard. On va injecter 4,1 milliards de dollars sur quatre ans pour recruter 3 500 nouveaux médecins de soins primaires, dont 200 médecins de famille et 150 spécialistes pour le Nord. Nous recruterons plus de personnel de santé, car ça coûte trop cher d’avoir des patients dans les hôpitaux ou dans les couloirs.
Restons sur le Nord. Les chefs ont mis beaucoup d’énergie dans la région de Toronto, peu sur le Nord. Il a fallu attendre un débat pour mieux cerner leurs intentions. Vous considérez-vous comme le parti qui défend le mieux le Nord?
Il n’y a que notre parti pour défendre les gens du Nord et je suis fière de nos engagements envers les résidents de ces régions. J’ai présenté mon plan à Sudbury il y a quelques jours qui consiste à élargir les autoroutes 11, 17 et 69 et bâtir une voie de contournement de Cochrane pour améliorer la sécurité de tous. On y construira plus de logements abordables et d’infrastructures, mais on doublera aussi le nombre de postes de résidence à l’École de médecine du Nord de l’Ontario (EMNO) et on embauchera au moins 350 médecins dans le Nord.
Vous êtes moins vocale sur les taxes et les impôts. Faut-il s’attendre à ce que vous financiez toutes ces politiques par des hausses d’impôt?
Nous allons au contraire geler les impôts pour 98 % des Ontariens.
Comment répliquer, selon vous, à la politique tarifaire agressive des États-Unis sur les tarifs douaniers?
Le NPD se tiendra debout pour les travailleurs et protégera nos industries, mais il ne faut pas croire qu’on peut être seuls dans ce combat. Nous travaillerons avec les autres provinces et le palier fédéral pour défendre nos emplois partout au Canada. J’ai parlé à beaucoup de gens dans l’industrie de l’acier, du bois, de l’automobile… Je peux vous dire qu’ils sont inquiets et demandent un vrai leadership. On ne peut pas compter sur Doug Ford pour ça, comme on l’a vu en 2018 quand Trump a appliqué une première vague de tarifs (lors de son premier mandat).
Quel est votre plan pour le logement?
Un gouvernement néo-démocrate va accélérer la construction de logements pour tous. On va lancer le programme de construction de logements le plus vaste de tous les temps. On va aider les locataires en exerçant un vrai contrôle des loyers et nous stopperons les hausses de loyer exagérées. On élargira l’aide sociale et les droits des locataires. Nous allons construire 350 000 logements abordables et 60 000 logements sociaux. Car au final, où sont les maisons de M. Ford? La Colombie-Britannique fait quatre fois mieux avec un gouvernement néo-démocrate… On compte bien s’en inspirer!
Bonnie Crombie fait des appels du pied aux électeurs néo-démocrates ces derniers temps pour tenter de ravir des circonscriptions acquises à votre parti. Qu’est-ce qui vous différencie vraiment des libéraux sur les idées, et que diriez-vous aux électeurs pour les convaincre de continuer à vous soutenir?
La cheffe des libéraux fait cela par opportunisme. Au fond, nos valeurs sont proches de celles de beaucoup d’électeurs en Ontario. Je vais continuer à parler à chacun d’entre eux pour faire passer les circonscriptions du bleu à l’orange partout en Ontario. C’est mon seul objectif. »