Nouvelle loi en santé : les francophones ont-ils été oubliés?
TORONTO – Alors que la Loi sur les services en français célèbre ses 30 ans, le ministère de la Santé est accusé d’avoir ignoré la communauté francophone dans le développement de sa nouvelle stratégie en santé. L’Association des centres de santé de l’Ontario (ACSO) a tenté de raisonner le gouvernement, le lundi 14 novembre, au parlement.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
« Nous demandons notamment que les tierces parties qui offrent des services au nom du gouvernement respectent les balises de la Loi sur les services en français de l’Ontario, la Loi 8 », explique Jacquie Maund, responsable des relations gouvernementales de l’ACSO. De plus en plus de services sont offerts par des entreprises privées ou des sociétés qui n’ont aucune obligation en vertu de la Loi sur les services en français. C’est notamment le cas de certains services de santé à domicile.
En matinée, elle a exposé une série de modifications proposées par son organisme aux membres du Comité permanent de l’Assemblée législative de l’Ontario, qui étudie le projet de loi 41 aussi appelée la « Loi donnant la priorité aux patients ».
Dans les centres de santé communautaire et pour les soins à domicile, le gouvernement doit s’assurer que les services en français seront aussi offerts, insiste l’ASCO. Et une fois que les services seront disponibles, il y a une nécessité de prévoir une stratégie de promotion en amont, affirme Mme Maund.
L’organisme demande aussi au gouvernement de forcer les Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) à « désigner » un siège de leur nouveau conseil d’administration pour un représentant de la communauté francophone.
Vives inquiétudes
En coulisses, de nombreux acteurs de la communauté franco-ontarienne font pression sur le gouvernement, depuis le printemps, pour qu’il change son fusil d’épaule. Déjà en juin, des intervenants confiaient à #ONfr qu’ils avaient eu des rencontres au sommet pour tenter de « brasser » le gouvernement. « Il n’y a rien pour les francophones, c’est incompréhensible qu’ils n’aillent pas pensé à nous pour un projet de loi aussi important », affirmait sous le couvert de l’anonymat une source proche du dossier.
Le projet de loi 210, déposé en juin, a été écarté au cours des dernières semaines pour laisser la place au projet de loi 41. Des modifications ont été apportées pour mieux répondre aux besoins des francophones, mais il s’agit d’amendements de dernière minute. Le gouvernement aurait dû réfléchir aux besoins particuliers des francophones lors du développement même de la politique, selon plusieurs intervenants concernés. Les modifications actuelles demeurent insuffisantes, disent-ils.
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est notamment montrée inquiète au cours des derniers jours. Lors de l’Assemblée générale de l’AFO à Sudbury, ces craintes ont éclaté au grand jour. Le nouveau président de l’organisation, Carol Jolin, a même dit qu’il y avait urgence d’agir dans ce dossier, la lentille francophone » étant absente, a-t-il martelé.
Le ministre de la Santé, Dr. Éric Hoskins, a paru surpris de cette levée de boucliers, lorsqu’il a été interrogé par #ONfr. « Mon conseil consultatif francophone m’a donné des suggestions et nous avons apporté ces modifications. Et le conseil, qui est très représentatif de la communauté francophone, a applaudi ces changements. Et ils les ont applaudis en face de moi! », a-t-il lancé. « Nous nous attendons à ce que les organisations qui reçoivent des fonds du gouvernement et qui servent les Franco-Ontariens rencontrent leurs obligations par rapport à la Loi [sur les services en français] », a-t-il ajouté.
La ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, a d’abord soutenu que le Dr.Hoskins était un « champion de la francophonie » et a invité les Franco-Ontariens à utiliser davantage les services en français offerts. « Parfois, on ne fait pas la demande, comme francophones, et parfois on le fait et il y a un problème », observe-t-elle, disant vouloir travailler à combler les failles.
Mme Lalonde a ensuite invité les organismes francophones à se faire entendre. « Le projet de loi s’en va en comité et on va avoir l’occasion d’entendre la perspective de plusieurs groupes. J’espère que les francophones seront du nombre », a-t-elle soutenu.
Les organismes francophones pourront-ils se prononcer?
Mais ces organismes francophones pourront-ils le faire? Plus d’une cinquantaine d’organismes, dont plusieurs francophones, ont signifié leur intérêt de prendre la parole devant le comité permanent concernant ce dossier, a appris #ONfr. La moitié seulement a été invitée à le faire et plusieurs organismes francophones ont été écartés.
En matinée, France Gélinas, critique néo-démocrate en matière d’affaires francophones, a proposé au comité d’autoriser davantage d’organismes à venir se prononcer sur le projet de loi à l’étude. Des tractations de dernière minute sont en cours à ce sujet.
Selon elle, il est nécessaire d’entendre les groupes francophones, notamment au sujet des tierces parties.
« La loi sur les services en français s’applique aux tierces parties qui sont à but non lucratif, mais pas à ceux à but lucratif. C’est quoi cette affaire-là! Au niveau des soins à domicile, on parle de personnel qui va venir dans vos maisons où vous parlez en français et qui eux ne parleront pas un mot de français! C’est aberrant », a-t-elle dénoncé.
Lors d’une récente entrevue avec #ONfr, le Commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, a souligné l’importance pour le gouvernement de tenir compte des besoins particuliers des francophones tout au long du processus législatif, notamment dans le développement d’une loi par les fonctionnaires. Il espère d’ailleurs qu’une nouvelle mouture de la Loi 8 prendrait en considération une telle proposition et que ses effets seraient tangibles notamment dans le milieu de la santé.