OIF : quand l’Ontario fait du surplace

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[ANALYSE]

Le 26 novembre 2016, l’Ontario devenait membre observateur de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Une annonce saluée alors à l’unanimité par la communauté franco-ontarienne laquelle s’apprêtait à connaître un nouveau chapitre de son histoire, fait d’opportunités économiques et d’une reconnaissance accrue sur la scène internationale. Du moins, le pensait-on.

Quatre ans après, force est d’admettre qu’aux promesses du Sommet de Madagascar, lieu de cette adhésion, a succédé un enthousiasme fondant comme neige au soleil.

Bien sûr depuis 2016, il y eut quelques avancées, comme la signature d’une entente de coopération entre l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et le Réseau de développement économique et de l’employabilité de l’Ontario (RDÉE-Ontario). En 2017, l’Ontario envoyait une délégation pour la Conférence des femmes de la Francophonie à Bucarest.

Trop peu cependant en quatre ans.

Depuis 2016, la nomination d’un « sherpa » vedette censé représenter l’Ontario à la table des 88 gouvernements membres n’a jamais été effectuée.

Pour ne rien arranger, l’Ontario, lequel n’est pas membre de plein droit – à la différence du Québec et du Nouveau-Brunswick – ne peut pas intervenir dans les grandes réunions de l’institution, ni présenter de candidats aux postes à pourvoir, et n’est pas autorisé à faire partie des séances à huis clos.

Raisons politiques, économiques et scandales

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce désintérêt manifeste.

Les explications sont d’abord politiques. Élue en 2018, l’équipe de Doug Ford n’a jamais fait montre d’un intérêt marqué pour l’organisme. La même année, le nouveau gouvernement refusait d’envoyer une délégation ontarienne au Sommet de la Francophonie à Erevan, en Arménie.

La ministre aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, l’avait dit alors sans ambages : « La priorité de notre gouvernement est d’appuyer les Franco-Ontariens et les Franco-Ontariennes, ici en Ontario. »

Les explications sont aussi liées à l’image de l’OIF. En quatre ans, plusieurs scandales ont miné la crédibilité de l’organisme. D’abord, les accusations des dépenses excessives de l’ancienne secrétaire générale, Michaëlle Jean. Cette semaine encore, les révélations selon lesquelles l’institution aurait dépensé, en 2018, plus de 40 % de son budget de programmation dans les voyages, ont de nouveau jeté une ombre sur la gestion interne.

Autant d’allégations qui motiveraient le gouvernement provincial à freiner des quatre fers quand il s’agit de l’OIF.

Enfin, le contexte inédit de l’année 2020 réduit l’opportunité de relancer l’intérêt de l’OIF. À la crise sanitaire, laquelle limite les voyages et missions internationales, s’est ajoutée une crise économique considérable.

Et avec un déficit budgétaire qui a subitement gonflé à 38,5 milliards de dollars, il n’y a aucune chance que le gouvernement offre aux francophones le statut dispendieux de membre de plein droit au sein de l’OIF. Un statut pour lequel le précédent gouvernement libéral avait aussi fermé la porte.

L’utilité de l’OIF

Quoi qu’il en soit, se désintéresser totalement de l’OIF n’est pas une solution.

Les visées peuvent être économiques. Par l’intermédiaire de l’OIF, l’Ontario français pourrait améliorer ses relations commerciales avec les pays africains.

En soignant sa relation avec d’autres pays via l’OIF, l’Ontario aurait de surcroît la possibilité de dynamiser son immigration francophone. La pénurie d’enseignants laquelle s’aggrave, et le démarrage de l’Université de l’Ontario français fixé en septembre 2021, ajoutent à l’urgence d’une reconnaissance internationale plus affirmée.

Malgré ses défauts, l’institution demeure une clé pour les plus de 600 000 Franco-Ontariens. Négliger ces atouts ne ferait qu’entretenir un statu quo problématique.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 28 novembre.