Les Franco-Ténois veulent qu’Ottawa joue un rôle plus accru en éducation

Les organismes francophones veulent qu'Ottawa assure plus de place dans le domaine de l'éducation, notamment à Yellowknife et Hay River. Source: Canva

YELLOWKNIFE – Pour les organisations de la communauté franco-ténoise, une plus grande implication du fédéral est attendue dans le domaine de l’éducation pour permettre l’atteinte de l’égalité réelle entre les francophones et les anglophones. Le continuum en éducation est vu comme l’une des mesures clés pour éviter un transfert des Franco-Ténois vers la langue de Shakespeare.

C’est un des messages qui ont été envoyés mardi aux fonctionnaires et membres du gouvernement Trudeau qui était de passage à Yellowknife dans le cadre des consultations du Plan d’action pour les langues officielles. Ce plan qui sera en vigueur dès avril 2023 est ce qui guide le gouvernement durant cinq ans sur sa façon de gérer les enjeux relatifs aux communautés en milieu minoritaire.

« Il y a de gros problèmes au niveau du continuum de l’éducation du français aux Territoires du Nord-Ouest », observe Patrick Arsenault.

Ce dernier est le directeur général du Collège nordique francophone, le seul établissement francophone postsecondaire dans le Grand Nord. Pour celui-ci, il y a un manque d’opportunités offert aux élèves francophones qui décident soit de partir vers les provinces ou encore d’aller étudier en anglais.

« Un important facteur qui contribue à ça est qu’on n’a pas d’établissement francophone où on est au niveau postsecondaire. Veux veux pas, beaucoup d’étudiants commencent à penser à leur futur. Beaucoup partent vers le Sud, on est d’accord, mais ils se disent, dans tous les cas, je pourrais étudier en anglais ici, c’est un bon plan B. Par contre, il n’y a pas de plan B en français. »

Son collège espère régler la situation grâce à un aide financier du fédéral et du territoire, annoncé mardi. L’établissement devrait ainsi d’ici 2024 devenir entièrement indépendant pour pouvoir offrir des diplômes et ainsi offrir une option aux francophones à la fin de leurs parcours au secondaire.

« Tant qu’on n’a pas ça, c’est difficile de garder les élèves dans le système en français, car on n’a pas le même type d’opportunité disponible. Étudier en français dans le Sud, c’est loin, c’est au Québec et en Ontario. Mais si on se rapproche dans l’Ouest, c’est vraiment limité en français et je pense que ça fait peur aux élèves, car ils veulent s’ouvrir des portes », remarque Patrick Arsenault.

Si l’éducation est une compétence provinciale, le fédéral a son rôle à jouer dans son mandat de promouvoir l’égalité réelle entre les deux groupes linguistiques, estime la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO).

« Pour améliorer ou construire de nouvelles infrastructures, on nous dit tout le temps qu’il n’y a pas d’argent », se désole Jean de Dieu Tuyishime, président de la CSFTNO.

« C’est pour ça qu’on parle d’égalité réelle avec les écoles dans les mêmes régions pour que nos élèves puissent bénéficier des mêmes infrastructures que les autres. On aimerait que le gouvernement fédéral ajoute un plus, car on est toujours en compétition avec les anglophones », ajoute-t-il.

Étudiants en hausse

Il cite les infrastructures plus développées et les opportunités offertes aux élèves comme des écoles de métiers ou des programmes spécialisés pour expliquer l’écart et cette compétition entre anglophones et francophones.

« Les jeunes sont souvent attirés par ces variétés-là. Même s’ils sont arrivés chez nous dès le départ, on constate qu’il y a un grand départ des élèves entre la 8e et 10e année vers les écoles anglophones. Ces autres écoles ont des programmes d’immersion et ces programmes viennent combler le programme francophone dans lequel il était. »

Collège Nordique francophone
Le Collège nordique francophone est la seule institution postsecondaire disponible pour les francophones dans le Grand Nord. Crédit image : gracieuseté Collège nordique francophone

À l’heure actuelle, près de 250 élèves fréquentent les deux écoles à Yellowknife et Hay River et la commission scolaire prévoit une augmentation de près de 30 % d’ici deux ans. Pourtant, l’enveloppe monétaire en matière d’éducation dans la langue de la minorité n’a pas changé depuis 2009, dénonce Jean de Dieu Tuyishime.

« Le soutien financier actuel permet de nous garder sous le respirateur. Sans ce soutien-là, nos écoles ne seraient pas en train de fonctionner. On perdrait plus de ⅓ de membres de notre personnel, car ça nous permet de soutenir les salaires. »

Garderies

Le continuum en éducation implique aussi un besoin d’infrastructures grandissant, notamment en petite enfance. Le président de la CSFTNO cite le branle-bas de combat depuis quelques années pour obtenir une garderie publique francophone à Hay River.

« Ce n’est pas dans les compétences du fédéral, mais on pense que le soutien fédéral pour les infrastructures devrait passer au niveau territorial pour qu’on ait accès à ces garderies de façon beaucoup plus soutenue et avoir une pérennité pour ces garderies francophones », soutient Jean de Dieu Tuyishime.

L’enveloppe monétaire en provenance d’Ottawa revient aussi dans les objectifs de la Fédération franco-ténoise qui espère une modification dans le mécanisme de financement.

« Il faut favoriser un financement de fonctionnement, de moins y aller exclusivement par du financement de projet, ce qui alourdit la tâche administrative et ne permet pas d’avoir de la stabilité à long terme. Ça amène beaucoup d’insécurité et c’est difficile de se développer et de projeter à long terme », affirme Audrey Fournier, la directrice générale de l’organisme francophone.