Parc industriel de Russell : les Comtés unis réticents à mettre la main à la poche
RUSSELL – Le maire de Russell, Pierre Leroux, n’a jamais caché son intention d’élargir le parc industriel de sa municipalité. Promouvoir l’attractivité et la compétitive de la région est aussi une priorité de plusieurs maires de l’Est ontarien. Alors qu’une grande entreprise européenne, Nübuild, voudrait s’installer à Russell, certains demandent plus de clarté.
Le parc industriel de Russell est un emplacement convoité, notamment en raison de son accès au gaz naturel, mais aussi grâce à sa proximité avec Ottawa. Depuis plusieurs années, les Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR) veulent favoriser le développement commercial et industriel dans la région.
Pourtant, cet espace n’est toujours pas relié au réseau d’aqueduc et aux égouts, ce qui ralentit son expansion. Pour Pierre Leroux, il est urgent d’y remédier pour accommoder les entreprises et en attirer des nouvelles.
« Dans les dernières années, il y a eu une explosion des demandes pour notre parc industriel. On a eu beaucoup d’entreprises et d’entrepôts qui s’y sont établis », explique-t-il en entrevue avec ONFR+.
« Il nous manque encore l’eau et les égouts, mais nous avons tous les autres services. On est conscient que lorsque ces services seront là, on atteindra d’autres entreprises, des start-ups et des bureaux », ajoute celui qui veut ouvrir ce parc industriel à d’autres possibilités.
Il y a quelques mois, l’entreprise de construction Nübuild a justement acheté un terrain sur le site, près de l’autoroute 417. Elle a reçu 300 millions de dollars d’aide pour s’installer dans la région, dont 150 millions en prêt des différents paliers de gouvernement.
« En tant que municipalité, nous allons avoir besoin du soutien de la province et du fédéral, puisque pour amener les services dans ce parc, l’investissement tourne autour de 40 à 50 millions de dollars », précise la maire de Russell.
Pierre Leroux veut du financement, les municipalités demandent un plan
Les Comtés unis de Prescott et Russell ont été sollicités à plusieurs reprises afin d’appuyer le raccordement à l’eau et aux égouts dans le parc industriel de Russell. Mais le temps presse, alerte M. Le roux : « Plus on attend et plus la facture sera élevée. Au départ, nous avions besoin de 15 millions de dollars. Aujourd’hui, c’est le triple. »
Lors de la réunion des CUPR du 26 avril dernier qui a réuni à L’Orignal sept maires de l’Est ontarien, la possibilité d’un financement provenant d’un fonds de réserve a été soulevée par le maire de Russell. Pour lui, le parc industriel sera bénéfique à tous les voisins. C’est pourquoi il souhaite qu’un programme d’appui aux municipalités sous l’intitulé PRAP fund (Prescott-Russell area partnership fundamental understanding of new development), puisse trouver des financements adéquats.
Dans cette optique, les maires de l’Est semblaient très peu optimistes à l’idée que la province de l’Ontario ou le fédéral leur viennent en aide. D’autant qu’en marge de l’installation de Nübuild dans la région, accélérer la mise en place de services devient crucial. Toutefois, des doutes subsistent.
« Est-ce que les Comtés unis sont la banque des municipalités? » – Mario Zanth, maire de Clarence-Rockland
« On est tous excités par l’arrivée de Nübuild. Je ne suis pas contre le développement. Je veux juste savoir comment on utilise les taxes des gens. Est-ce que les Comtés unis sont la banque des municipalités? », a questionné Mario Zanth, maire de Clarence-Rockland, durant la réunion.
« Ma principale préoccupation, c’est pourquoi la municipalité de Russell n’a-t-elle pas épuisé sa capacité d’endettement et ses frais de développement? »
« Vous êtes-vous préparé, plutôt que de faire peser le fardeau sur les contribuables de toutes les municipalités de Prescott et Russell? Ce n’est pas une critique, mais, vous vous vantez ouvertement que la municipalité de Russell a les taxes les plus basses et maintenant, vous nous demandez à tous de les augmenter », a-t-il protesté.
Francis Brière, le maire de La Nation, a affirmé que les idées innovantes de M. Leroux étaient très intéressantes. Pour autant, il a expliqué avoir l’impression que cette décision était un peu hâtive.
« Les chiffres sont impressionnants, mais comment cela nous impacte-t-il? Nübuild est le bon exemple. Je ne dis pas non, je ne dis pas oui. »
Du côté de Casselman, la mairesse Geneviève Lajoie s’inquiète de l’impact sur les communautés, notamment en raison d’une vague d’immigration potentielle. Elle craint que Russell n’ait en effet pas les infrastructures nécessaires pour accueillir les 600 immigrants que Nübuild promet d’amener.
« À Casselman, nous avons déjà de la difficulté à répondre aux besoins de nos propres habitants. Nous n’avons pas les moyens de supporter d’autres personnes, sans compter que le parc industriel n’est pas connecté aux eaux et aux égouts. »
Être plus compétitif sur le marché, c’est possible dans l’Est
« Je vois toutes les grosses compagnies qui viennent s’installer au Canada, puis, je me dis, pourquoi pas Prescott et Russell? Pourquoi pas l’Est ontarien? », se demande Pierre Leroux. « Nous avons l’expertise ici. On a tout ce qui faut pour réussir, mais je pense que, parfois, on oublie l’Est et les francophones. »
Pour lui, une entreprise du calibre de Nübuild qui s’installerait à Russell serait une belle opportunité et positionnerait la région « sur la scène internationale ».
Le président des Comtés unis et maire de la municipalité de Champlain, Normand Riopel, reconnaît que le parc industriel de Russell promet des avantages pour les villes et villages de la région.
« Cette municipalité (Russell) est en pleine croissance », affirme-t-il. « C’est positif, puisque lorsqu’il y a de la croissance, nous ne sommes pas obligés d’aller chercher plus d’argent en taxes auprès de nos résidents. »
En effet, recevoir des taxes commerciales peut être un avantage. Cette taxe est un impôt municipal sur les activités commerciales et industrielles. Elle peut varier d’une municipalité à l’autre et est utilisée pour financer des programmes et des services municipaux, ce qui permettrait de ne pas nécessairement augmenter les taxes résidentielles.
« Je ne pense pas que le projet de Nübuild soit trop gros. Ce que je peux comprendre c’est que les autres municipalités ont besoin d’un plan. Les bénéfices doivent aider les huit municipalités et c’est d’ailleurs ce qui est clair dans la proposition de M. Leroux. »
« Il faut qu’on soit prêt à accueillir. C’est important d’être prêt », défend M. Riopel.
« J’ai besoin que la région nous donne un coup de main » – Pierre Leroux, maire de Russell
M. Leroux souhaiterait que ces confrères pensent à l’unisson : « J’ai besoin que la région nous donne un coup de main. »
Le Russellois travaille sur ce projet depuis 2015. « Ce qu’il faut, c’est mettre en place un programme régional qui sert toutes les municipalités », croit-il. « Je comprends les inquiétudes de mes collègues et j’espère que l’administration des Comtés unis va trouver une solution pour mettre ce programme en place. »
« Si on le fait pour Russell, on le fait pour tout le monde. Faire un précédent, c’est bon pour tout le monde », a-t-il conclu.