Une saison délicate pour Vanessa Gilles et Cloé Lacasse
[PARIS 2024, UN AN APRÈS]
Un an après les Jeux olympiques de Paris, ONFR vous propose de revenir sur les souvenirs des athlètes franco‑ontariens et surtout sur leur année après les Jeux. Les deux membres de l’équipe féminine de soccer Vanessa Gilles et Cloé Lacasse ont pour leur part connu des difficultés et toutes deux vécu un changement de clubs.
Les Jeux olympiques de Paris 2024 ne représentent pas un bon souvenir pour l’équipe féminine de soccer canadienne, dans la tourmente avant même le début de la compétition.
Rappel des faits : le 22 juillet 2024, Joseph Lombardi, un analyste canadien avait été arrêté près d’un terrain à Saint-Étienne pour avoir fait voler un drone espionnant l’entraînement de l’équipe de Nouvelle-Zélande. Deux jours plus tard, Bev Priestman, l’entraîneure-cheffe de l’équipe canadienne, son adjointe Jasmine Mander et l’analyste étaient suspendus puis renvoyés.
L’équipe s’est retrouvée privée de sa sélectionneuse pour la compétition mais a surtout reçu une pénalité de 6 points qui condamnait Vanessa Gilles, Cloé Lacasse et leurs coéquipières à l’exploit.
Les championnes olympiques en titre devaient absolument remporter leur trois matchs pour espérer se qualifier avec 3 petits points. Après une victoire 2-1 contre la Nouvelle-Zélande en ouverture le 25 juillet et un succès renversant contre la France (2-1) le 28, grâce à un but de Vanessa Gilles au bout de temps additionnel, les Canadiennes l’ont fait! Elles ont battu la Colombie sur le score de 1-0, le 31 juillet, sur un nouveau but de la défenseur ottavienne.
Malgré ces succès, l’aventure s’est arrêtée en quart de finale avec une défaite aux tirs au but face à l’Allemagne. Un an après, il était encore difficile pour Cloé Lacasse de revenir sur cet épisode. L’attaquante n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet délicat malgré nos sollicitations.
Elle était tout de même revenue sur l’expérience vécue par les joueuses canadienne, le 24 septembre dernier dans un entretien exclusif accordé à ONFR.
« Je suis très fière de notre groupe, des 22 joueuses qui ont été aux Olympiques parce que, honnêtement, il fallait qu’on gravisse une montagne. Mentalement, on a réussi à atteindre un niveau supérieur. Je ne pense pas que nous étions conscientes qu’on pouvait atteindre ce niveau, car c’est une situation qu’on n’aurait jamais imaginée. C’était vraiment difficile : il y a des joueuses qui ne dormaient pas, qui ne mangeaient pas… On a vraiment dû garder notre groupe très proche. Nous avons dû adopter cette mentalité de ‘nous contre le monde’. »
Vanessa Gilles : des sommets nationaux… à la fracture émotionnelle
Après Paris, Vanessa Gilles est restée en France et a enchaîné une nouvelle saison avec l’Olympique lyonnais (OL).
Sur le plan national, tout s’est déroulé comme d’habitude. Elle a remporté un nouveau titre de D1 Arkema et la Coupe nationale. Mais la saison a basculé lors de la demi-finale retour de la Ligue des champions, le 27 avril contre Arsenal. Une lourde défaite (4-1, 5-3 cumulés) qui a mis fin aux espoirs de titre européen de la franco-ontarienne venue à l’OL dans ce but.
Cette désillusion a aussi et surtout marqué un tournant personnel pour la joueuse en fin de prêt à Lyon. Désireuse de rester, elle sentait que le club rhodanien n’était pas sur la même longueur d’ondes.
« Pour moi, tout le mois menant au match contre Arsenal, c’était compliqué. Les négociations s’étaient vraiment pas bien passées. Je n’ai pas su voir les signes de stress et d’anxiété, avait-t-elle confié à Radio Canada. Après ce match, j’ai pris conscience à quel point cette année avait été dure émotionnellement, même si ça ne paraissait pas au niveau des performances. Je pouvais quand même performer tous les jours et on gagnait. Je pouvais jouer, je ne me blessais pas, je marquais des buts. Mais au niveau émotif, l’année a été incroyablement stressante. »
Elle poursuit : « Je pense qu’en tant que joueuse, on doit prendre nos responsabilités et je suis la première à le faire. Surtout contre Arsenal, j’ai été catastrophique. Mais je pense que ça, c’est aussi l’aboutissement de toute une saison. Et quand ça craque, ça craque », a-t-elle reconnu.

Cet épisode signe la triste fin de son aventure à Lyon. Les discussions avec le club pour une prolongation se sont éternisées et n’ont pas abouti. Le 20 mai 2025, elle a finalement rejoint le Bayern Munich, « un club qui vise des titres avec des joueuses parmi les meilleures au monde », mais surtout un club où elle s’est sentie désirée et « valorisée, pas seulement comme joueuse, mais aussi comme personne ».
Cloé Lacasse : un nouveau départ puis un gros coup d’arrêt
De son côté, Cloé Lacasse a quitté l’Angleterre et Arsenal dans la foulée des Jeux, après une saison marquée par une forte concurrence.
« À Arsenal, la situation était particulière parce que toutes les joueuses de l’effectif étaient exceptionnelles, a-t-elle confié à ONFR. J’avais surtout besoin d’un nouveau challenge après dix ans passés en Europe. Je voulais aussi être plus proche de la maison. »
Elle a donc rejoint les Royals de l’Utah en NWSL, une équipe en construction qui occupait la dernière place au classement, mais qui comptait sur son apport sur et en dehors des terrains pour progresser.

Ses débuts ont été prometteurs : 4 buts en 9 matchs, dont le premier triplé de la saison 2024 de la ligue et de l’histoire du club, ainsi qu’une remontée à la onzième place au classement.
« Je sens qu’on est une équipe qui est en train de grandir. Avant de venir ici, je ne pense pas qu’elles avaient gagné plus de deux matchs, avait confié l’attaquante à ONFR. On en a déjà gagné deux sur les matchs auxquels j’ai participé. Je pense qu’on va dans la bonne direction. On doit encore beaucoup grandir, mais je ne suis pas venue en NWSL juste pour participer, je suis venue pour gagner des trophées. »
Malheureusement, un mois plus tard, tout s’est effondré. Lors d’un match contre Angel City FC, elle s’est blessée gravement au genou : rupture du ligament croisé antérieur (LCA) et entorse du ligament collatéral médial (LCM). Elle est écartée des terrains jusqu’à ce jour.
L’équipe de l’Utah et la joueuse ont été coupées dans leur élan. Les Royals occupent aujourd’hui la dernière place de la NWSL dans cette saison 2025, avec une seule victoire au compteur en 13 matchs.
Sélection canadienne : une nouvelle ère et des espoirs
Malgré les difficultés personnelles, l’horizon semble plus dégagé du côté de la sélection nationale. L’arrivée de Casey Stoney à la tête de l’équipe a relancé une dynamique plus exigeante et cohérente.
« Pendant ces dernières années, on a peut-être toléré un niveau d’exigence insuffisant. Il y avait une certaine aisance, une routine, a confié Vanessa Gilles. Casey nous a fait comprendre que c’est tous les jours qu’on construit une Coupe du monde. Aux entraînements, aux réunions, dans nos routines personnelles… La préparation pour 2027 (Coupe du monde) commence maintenant. »
Sauf blessure, la défenseure franco-ontarienne est assurée de faire partie de l’équipe nationale. En tant que pilier de l’arrière-garde canadienne, elle semble indéboulonnable à son poste par son niveau de jeu, son expérience du haut niveau et son leadership dans le vestiaire.
Pour Cloé Lacasse, le chemin est plus incertain. Sa blessure retarde son retour en sélection, mais la porte reste ouverte. Casey Stoney est encore à la recherche de la bonne formule dans sa ligne d’attaque. Aux côtés d’Adriana Leon, deux places de titulaires sont encore à prendre. Cloé Lacasse a sa chance mais la concurrence est féroce : Jordyn Huitema, Évelyne Viens, Marie-Yasmine Alidou, Nichelle Prince, Jeanine Sonins … ou encore la jeune sensation Olivia Smith, désormais à Arsenal, postulent toutes pour une place.
Un an après Paris, Vanessa Gilles et Cloé Lacasse incarnent chacune à leur manière la complexité de l’après-Jeux. L’une a dû gérer une surcharge émotionnelle malgré des résultats, l’autre a vu son élan stoppé net par une blessure. Mais toutes deux regardent vers l’avenir avec ambition, bien déterminées à retrouver le très haut niveau… en club comme en sélection.