Que devons-nous retenir de 2016?

Le drapeau franco-ontarien. Archives ONFR+

[CHRONIQUE]

L’hiver prend tranquillement ses droits et c’est le temps du bilan annuel pour l’Ontario français. Sans être exhaustif, voici quelques moments marquants de la scène politique ontarienne dans la dernière année.

MARC-ANDRÉ GAGNON
Chroniqueur invité
@marca_gagnon

Le gouvernement ontarien : transition et symbolisme

La première chose que l’on retiendra est la transition effectuée à la tête de l’Office des affaires francophones en juin. Après plus d’une décennie en tant que ministre déléguée, Madeleine Meilleure a choisi de se retirer de la vie publique. Depuis, il échoit à Marie-France Lalonde, élue pour la première fois en 2014, de porter les enjeux de la minorité linguistique au cabinet. Jusqu’à présent, il n’y a pas de changement de stratégie du côté du gouvernement provincial. Les dossiers suivent leurs cours et le ton est à la continuité.

La province poursuit donc sa politique de reconnaissance envers les Franco-Ontariens. À ce chapitre, notons deux initiatives prises cette année. En février dernier, le député libéral de Sudbury, Glenn Thibeault, obtenait de ses collègues des excuses officielles pour le Règlement XVII, mesure adoptée en 1912 afin d’interdire l’enseignement du français. Certains peuvent y voir un geste purement symbolique qui réduit la question des crises scolaires du début de la Confédération aux seules frontières provinciales. Laissons toutefois de côté la mémoire et ses interprétations pour souligner que le cabinet de Wynne ne s’est pas engagé outre mesure à donner une forme concrète à ces excuses.

L’autre geste symbolique concerne l’adhésion de l’Ontario à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Avec un statut d’observateur, le gouvernement espère que ce rôle lui vaudra une reconnaissance de ses efforts pour la protection et la promotion du français. Toutefois, on peut déplorer la place minime faite aux questions culturelles et linguistiques dans le discours des acteurs politiques lors de cet événement. L’économie et l’immigration semblent être les véritables motivations derrière l’intérêt envers la francophonie multilatérale.

 Le projet d’une université franco-ontarienne : toujours loin d’une solution globale

Si vous avez participé à la campagne d’inscription virtuelle à l’université franco-ontarienne en 2015, il est fort à parier que vous rongez votre frein. L’année qui s’achève n’a pas été celle du déblocage pour ce projet phare de l’Ontario français. Et si vous souhaitiez une solution aux problèmes d’accessibilité à l’enseignement postsecondaire en langue française, l’année 2016 vous laissera un mauvais souvenir ; le gouvernement semble privilégier, à l’heure actuelle, une réponse touchant uniquement le Centre et le Sud-Ouest de la province.

La nomination de l’ancienne commissaire aux langues officielles, Dyane Adams, à la tête du conseil de planification chargé d’étudier les options relatives à la création d’une université francophone devait marquer un temps fort. Or, depuis, le gouvernement n’envoie pas de signal clair à la communauté en choisissant un comité Toronto-centrique et en accordant un échéancier flexible pour l’étude.

Il est à parier que les discussions se poursuivront dans la veine tracée par le Comité consultatif en matière d’éducation postsecondaire en langue française dans la région du Centre-Sud-Ouest dont le rapport final a été déposé en février dernier. Rappelons que ce document privilégiait la création d’une université régionale francophone dans le Grand Toronto pour 2020.

À l’Assemblée législative, le projet fait également du surplace. En raison de la prorogation des travaux en septembre, le projet de loi de la députée de Nickel-Belt, France Gélinas, est mort au feuilleton. Après un discours du trône marqué par l’absence d’engagement au sujet de l’éducation postsecondaire, elle a déposé à nouveau son projet de loi, dont le principe fut adopté en première lecture le 21 septembre dernier. Depuis, c’est le silence radio.

Le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) continuent toutefois d’engranger des appuis. Ce mois-ci, le Comité français de la ville de Toronto recevait favorablement le projet. Reste à savoir comment ces déclarations positives se transformeront en initiatives concrètes.

Que nous réserve 2017 ?

Il est difficile de prévoir en cette fin d’année l’agenda législatif du gouvernement, car l’actualité politique change continuellement. Certains dossiers seront toutefois à suivre dans la nouvelle année. Retenons-en deux.

Le premier est la modernisation de la Loi sur les services en français. Alors que l’on célébrait, il y a quelques semaines son trentième anniversaire, plusieurs intervenants du monde politico-juridique ont réclamé sa mise à niveau. François Boileau, commissaire aux services en français, affirmait que l’Ontario était désormais « dépassée » par d’autres provinces au chapitre de la protection des minorités linguistiques. Il sera intéressant de voir comment le dossier cheminera à Queen’s Park après l’engagement formel de la ministre Lalonde en novembre dernier.

Cette réforme nécessaire donnerait des munitions aux communautés qui ne sont pas actuellement désignées sous la loi, comme à Oshawa où l’ACFO Durham-Peterborough milite pour obtenir davantage de services provinciaux dans leur langue. La réalité démographique franco-ontarienne a changé depuis son adoption, ce qui fait que le nombre de francophones vivant hors des zones désignées a bondi pour atteindre près de 100 000 personnes. Espérons que le gouvernement aille de l’avant.

Le second concerne les recommandations du rapport d’expert sur l’immigration francophone rendue publique le mois dernier. Depuis 2009, l’Ontario peine à attirer les personnes de langue française avec des seuils avoisinant entre 2 et 3 % du nombre de résidents permanents admis dans la province. Force est de constater que l’objectif de 5 % fixé par le gouvernement n’est pas atteint. De plus, les enjeux liés à l’immigration tels que l’accueil, l’intégration au marché de l’emploi et l’éducation demandent une attention particulière. Comment les autorités s’engagent-elles à mettre en place la feuille de route proposée par le rapport?

Rappelons que 2017 sera une année préélectorale avec les bons côtés et les travers que l’on y connait. Il est fort à parier que le gouvernement voudra profiter également des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération pour poursuivre sa politique de reconnaissance de la communauté franco-ontarienne. À suivre.

Marc-André Gagnon est doctorant en histoire à l’Université de Guelph.

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