
Manque de respect des langues officielles dans les commissions d’enquête fédérales

OTTAWA — Dans son rapport annuel déposé mardi, le commissaire aux langues officielles (CLO) Raymond Théberge dénonce le manque de respect des langues officielles des commissions d’enquête publique du gouvernement fédéral. Le nombre de plaintes pour l’année 2024-2025 repart d’ailleurs à la hausse par rapport à l’an dernier.
Il vise principalement la Commission sur l’état d’urgence, chargée d’enquêter sur l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence lors du convoi de la liberté en 2022 par le gouvernement fédéral. Le Commissariat aux langues officielles avait conclu à des manquements linguistiques de la part de l’organe dirigé par le juge franco-ontarien, Paul Rouleau, comme le manque de traduction de documents et témoignages.
Ce dernier précise qu’il n’a pu faire de recommandation dans le cadre de son enquête, car la commission a cessé ses activités. Son enquête visait aussi le Bureau du conseil privé (BCP), dont relèvent les commissions d’enquête, « qui a un rôle à jouer, à faire respecter, durant leur existence, les règles du jeu en matière linguistique, entre autres ».

Il fait donc la recommandation à un comité parlementaire de se pencher sur la question et « de suggérer des moyens, législatifs ou autres, visant à améliorer le respect de leurs obligations linguistiques ».
La Commission sur l’ingérence étrangère était aussi dans le viseur du commissaire, avait rapporté Radio-Canada. Raymond Théberge avait conclu que celle-ci avait enfreint la Loi sur les langues officielles en omettant de traduire et de publier sur son site Internet tous les documents qu’elle produit simultanément en français et en anglais.
« Loin d’être un cas unique, la situation illustrée par cette Commission (d’état d’urgence) me préoccupe, car toute commission dont le mandat est national doit respecter des obligations linguistiques quand elle communique avec le public canadien », est-il écrit dans le rapport de M. Théberge.
Il demande donc au Bureau du conseil privé de rappeler aux présidents de commissions d’enquête leurs obligations linguistiques, « notamment celle de servir le public dans les deux langues officielles à toutes les étapes de vie d’une commission d’enquête ». Il recommande aussi au BCP, le ministère chargé de conseiller le premier ministre et de surveiller la fonction publique, de fournir à ces enquêtes publiques « les ressources requises pour que les commissions puissent fonctionner de façon optimale dans les deux langues officielles ».
Plaintes : de retour à la hausse
Le Commissariat aux langues officielles fait état de 1 163 plaintes pour 2024-2025, en hausse par rapport à 2022-2023 (847). Le principal objet des plaintes continue d’être le service offert au public avec 766 sur les 1 163 plaintes considérées recevables par le CLO, suivi par la langue de travail avec 255.

Rapport après rapport, le commissaire souligne le non-respect des obligations linguistiques des institutions fédérales et celui-ci ne fait pas exception. Il demande à ce que le Conseil du Trésor soit plus sévère envers les institutions fédérales, soulignant qu’elles « ont besoin d’un réel encadrement de leurs responsabilités, ainsi qu’une marche à suivre claire ».
« Présentement, on donne beaucoup de marge de manœuvre aux institutions fédérales pour la mise en œuvre de la Loi », a-t-il dénoncé lors d’une conférence de presse mardi matin.
De nouveaux pouvoirs toujours en attente.
Dans son document annuel, Raymond Théberge rappelle à nouveau qu’il est toujours en attente de l’adoption de règlements en lien avec ses nouveaux pouvoirs obtenus lors de la modernisation de la Loi sur les langues officielles en 2023.
Il mentionne notamment celui de pouvoir distribuer des pénalités financières ou d’émettre des ordonnances aux mauvais joueurs en matière de langues officielles. Il indique avoir commencé à utiliser certains de ses nouveaux pouvoirs comme le fait de conclure des accords de conformité avec les instances fédérales ou l’utilisation d’un processus de médiation.
Raymond Théberge a aussi fait échos à de nombreux règlements touchant les communautés de langue officielle qui restent à être adoptés, rappelant « l’importance d’agir diligemment afin de respecter les objectifs de la Loi modernisée ».
« Nous avons dit clairement ce que nous voulions pour ce règlement et Raymond Théberge y fait écho dans son rapport, a réagi Liane Roy, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). Il faut que les institutions fédérales aient une marche à suivre claire pour se conformer à leurs obligations, pour consulter nos communautés et pour rendre des comptes sur ce qu’elles auront fait », ajoute-t-elle.
Il s’agit en principe du dernier rapport délivré par Raymond Théberge, dont le mandat doit prendre fin le mois prochain.