Registres linguistiques et rapprochement avec le Québec, les francophones contre-attaquent à TLMEP

Stéphanie Chouinard, Chloé Freynet-Gagné et Caroline Gélineault, dans l'émission Tout le monde en parle, diffusée ce dimanche. Source: Facebook TLMEP

MONTRÉAL – L’image s’avérait impossible il y a une semaine. Autour de la table des invités de Tout le monde en parle (TLMEP) ce dimanche, Stéphanie Chouinard, Chloé Freynet-Gagné, et Caroline Gélineault côte à côte, et prêtes à répliquer à Denise Bombardier. Sur le plateau de la même émission le 6 octobre, la romancière et journaliste avait déchaîné les francophones en milieu minoritaire.

En cause? Le portrait brossé par Denise Bombardier quant à la survie du français en milieu minoritaire. Une vision jugée pessimiste et affichée dans son documentaire de 52 minutes Denise au pays des Francos, diffusé quelques jours avant l’émission.

Lors de son passage sur le plateau, la romancière de 78 ans s’était surtout attirée les foudres de bon nombre en sous-entendant la qualité inférieure du français parlé par les jeunes en dehors du Québec.

Cette révolte perceptible sur les médias sociaux avait incité TLMEP à offrir un droit de réplique à trois représentants de ces communautés francophones. La politologue Stéphanie Chouinard, ainsi que les étudiantes Caroline Gélineault et Chloé Freynet-Gagné, avaient toutes les trois participé au documentaire de Mme Bombardier tourné cet été.

C’est justement Stéphanie Chouinard, du Collège militaire royal du Canada à Kingston, qui a amorcé en première la contre-attaque.

« Le fait est que les statistiques, on peut leur faire dire plein de choses. En pourcentage, nos communautés sont de plus en plus petites par rapport aux communautés majoritaires, mais si on regarde les chiffres absolus, ces communautés sont très stables, voire même, elles grandissent. »

Visée directement et personnellement pour la qualité de son français par Denise Bombardier, Caroline Gélineaut est revenue sur cet épisode.

« C’est (se faire reprendre pour le français) quelque chose que l’on vit presque au quotidien (…) On se fait souvent reprendre sur la façon dont on parle. Avec Denise Bombardier, on a les mêmes objectifs, mais on n’a pas les mêmes moyens pour les atteindre. »

Registres linguistiques

L’étudiante franco-ontarienne, bachelière en linguistique, a reçu une salve d’applaudissements après que le « fou du roi » Dany Turcotte eut salué son geste de « tenir tête » à Mme Bombardier.

Caroline Gélineault a ensuite évoqué les registres linguistiques. « Il y a des registres de langue, certains soutenus, d’autres plus relaxes, et donc toutes sortes de niveaux à l’intérieur. Il faut enseigner aux jeunes que tous ces registres de langue sont bons et il faut apprendre à s’en servir. »

Caroline Gélineaut (à droite) évoquant les registres linguistiques. Source : émission diffusée sur Radio-Canada

Chloé Freynet-Gagné a de son côté insisté sur l’ennemi de « l’isolation » et « du manque d’intérêt à la francophonie ».

L’étudiante franco-manitobaine, qui réside aujourd’hui à Montréal, avait été l’une des premières à inviter Denise Bombardier à se rendre chez elle, à Saint-Vital. C’était en octobre 2018, au lendemain d’un premier passage controversé de la romancière sur le plateau de la TLMEP. Mme Bombardier avait alors laissé entendre que « toutes les communautés francophones (hors Québec) ont à peu près disparu ».

Réactions diverses

En pleine campagne des élections fédérales, la venue des trois francophones sur le plateau de la TLMEP clôt une longue semaine pendant laquelle Denise Bombardier a semblé éclipser plusieurs enjeux pour les francophones.

Malgré le rejet suscité par ses propos, l’ancienne journaliste avait pu compter sur le soutien de nombreux Québécois, notamment par l’intermédiaire de chroniques dans Le Journal de Montréal.

L’un de ces chroniqueurs, Mathieu Bock-Côté, s’est fendu d’un tweet contesté, peu après l’émission, ce dimanche.

« Je suis fasciné par ces francophones hors Québec qui nient à peu près la domination qu’ils subissent au Canada et qui préfèrent se retourner contre le Québec, qui est pourtant leur seul allié. »

Au cours des 17 minutes de la séquence d’entrevue sur le plateau de TLMEP, Chloé Freynet-Gagné avait pourtant insisté sur le rapprochement.

« Il faut qu’on arrête de se mettre dans des silos. On dit souvent que le Québec et les francophones hors Québec vivent deux solitudes, mais on est ici pour briser cette solitude-là, car on est plus fort ensemble (…) On a besoin du Québec et le Québec a besoin de nous. »

Denise Bombardier lors de son passage à TLMEP diffusé dimanche 6 octobre. Source : Facebook TLMEP

Dans l’ensemble, les prestations de Stéphanie Chouinard, Caroline Gélineault et Chloé Freynet-Gagné ont reçu beaucoup d’éloges de la part des francophones en contexte minoritaire sur les médias sociaux.

« Trois excellentes ambassadrices », a par exemple écrit la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada sur son fil Twitter. « Chapeau bien bas à vous trois mesdames! On regarde en avant! », a pour sa part commenté Josée Vaillancourt.

La dernière phrase de Denise Bombardier

Durant la semaine, beaucoup, surtout au Québec, ont aussi souligné que le message de Mme Bombardier avait été dévoyé, rappelant au passage la dernière phrase concluant son passage à TLMEP.

« Je voudrais une chose : je voudrais que tous les francophones des autres provinces aient les mêmes protections et les mêmes droits que les anglophones du Québec. »

Interrogée par l’animateur Guy A. Lepage sur le chef fédéral le plus à même de satisfaire les francophones, Stéphanie Chouinard n’a pas fait de choix, mais admis que le gouvernement de Justin Trudeau avait réinvesti dans les langues officielles après le « manque à gagner » des neuf années au pouvoir du gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Ce n’était pas la première fois qu’un groupe de francophones en contexte minoritaire état invité à TLMEP. Le 25 novembre 2018, quelques jours après les compressions du gouvernement ontarien dans les services en français, l’avocat Ronald Caza, la députée Amanda Simard, la co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), Marie-Pierre Héroux, ainsi que la présidente du conseil d’administration de l’Université de l’Ontario français, Dyane Adam, avaient répondu aux questions des animateurs.