Retour sur scène : les artistes rongent leur frein

Les Rats d'Swompe sur scène, une image que l'on a pas vu depuis longtemps. Source: https://lesrats.ca/médias

Remplir des salles de concert, sentir la ferveur du public, être au diapason de ses musiciens… Si tous les artistes franco-ontariens en rêvent, ils ne se font guère d’illusion : la province file tout droit vers une deuxième saison de festivals virtuels à laquelle il faudra s’adapter, encore. Mais, de cette longue « hibernation scénique », pourrait naître de nouveaux albums plus rapidement que prévu.

Ferline Régis fait partie de ceux qui ont misé sur les spectacles virtuels, depuis un an. Aux yeux de la chanteuse d’Ottawa, se produire en ligne était la seule alternative. « On n’a pas eu le choix. Il a fallu s’adapter et donner le meilleur de soi devant un ordinateur » afin de « ne pas perdre le public, montrer qu’on est toujours là, donner de l’espoir aux gens aussi ». Mais elle reconnaît que « rien ne remplace la connexion avec le public », une connexion qui lui manque profondément.

Sur ce dernier point, ce n’est certainement pas Yan Leduc qui la contredira. Le chanteur des Rats d’Swompe commence à trouver le temps long. Après une quarantaine de spectacles annulés l’an dernier, le trio franco-ontarien a encaissé le choc et repensé son approche, évitant d’accepter toutes les propositions virtuelles qui se présentaient.

Yan Leduc, chanteur des Rats d’Swompe. Source : www.lesrats.ca

« On ne voulait pas faire des spectacles dans notre salon, aller dans le boboche. Pour garder notre cachet du gros spectacle, on s’est concentrés sur de bonnes productions. On s’est peut-être retirés en quantité mais on n’ose croire que la qualité était présente. »

Les Rats d’Swompe se sont retrouvés, du jour au lendemain, privés de public, devant un écran froid, sans personne pour faire écho à leurs chansons à répondre. Alors, ils se sont ajustés pour recréer une ambiance de performance live : c’est le reste groupe qui répond et chaque spectacle est unique, tourné en direct, depuis des locaux loués et décorés.

Se diversifier, un impératif

Dans le même temps, nombreux sont les artistes à avoir repris ou accentuer des activités annexes pour continuer de payer leurs factures.

« En 2019, une grande année, on était tout le temps sur les routes. C’était notre gagne-pain », confie Yan Leduc. « On avait mis nos emplois de côté pour vivre notre passion. Quand tout s’est arrêté, chacun est retourné dans son ancien emploi ou a ouvert son business. »

Également professeur de chant dans une école bilingue qu’elle a fondée, Ferline Régis a dû troquer ses cours en présentiel, dans lesquels elle transmettait beaucoup d’énergie et jouait sur le contact, le regard, pour des cours à distance, plus « impersonnels ».

Habitués à ce contact, une partie de ses étudiants ne l’ont pas suivie dans cette voie, mais elle s’est accrochée pour développer des cours attractifs malgré les circonstances.

Le Flo Franco. Source : www.leflofranco.com

Le Flo Franco de son côté, est accaparé par des ateliers d’écriture créative et de musique qu’il réalise notamment auprès du public scolaire. Côté spectacle, le rappeur d’Ottawa a créé des performances enregistrées qu’il vend à ses clients : des festivals et des organisations communautaires.

« C’est très chargé en ce moment », dit-il. « C’est sûr que je voudrais retrouver l’ambiance des salles de spectacle et les foules, mais on doit s’adapter et penser à après. »

Une plus grande place à la création

Les trois artistes s’accordent à dire que la pandémie, qui les a éloignés de la scène, les a rapprochés de la création. Les Rats d’Swompe ont ainsi créé assez de chansons pour passer à l’enregistrement d’un deuxième album qui pourrait voir le jour à l’automne prochain.

« On a créé du contenu sans même se voir, en s’envoyant des maquettes par courriel », relate Yan Leduc qui avait déjà fait cette expérience avec le morceau Icitte à soir. « Cette chanson a été faite chacun dans nos demeures. On l’a chantée pour la première fois ensemble lors de notre premier spectacle virtuel. »

Ferline Régis a aussi profité de cette période pour continuer à écrire et composer avec son musicien, depuis un studio aménagé chez elle, ce qui a comporté de nombreux défis. Elle se dit prête à répondre aux invitations mais « c’est l’incertitude qui prédomine pour les prochains mois », glisse la mezzo-soprano.

Ferline Régis. Source : page Facebook de Ferline Régis

Alors que des festivals ont annulé leur édition 2021, d’autres l’ont repoussé dans l’espoir de concrétiser un événement en mode présentiel. La majorité d’entre eux a d’ores et déjà opté pour une date virtuelle ou n’a tout simplement encore rien décidé.

« Que ce soit en virtuel ou en vrai, on reste prêt, peu importe les circonstances », rebondit le Flo Franco, alors que l’avenir pourrait se jouer selon un modèle hybride, mélangeant public réduit en présentiel et retransmission sur les réseaux sociaux. « On réfléchit à tous les scénarios », assure l’artiste hip-hop.

« C’est sur qu’on va retrouver nos scènes un jour », conclut Yan Leduc. « Je ne sais pas si dans cinq ou dix ans. C’est une grosse pandémie mais ce n’est pas la première. On s’en est toujours remis. »