Les députés néodémocrates de Nickel Belt, Sudbury et Mushkegowuk-Baie James étaient accompagnés de leur cheffe, Marit Stiles, pour discuter de l'Université de Sudbury. Crédit image : Inès Rebei

SUDBURY – La cheffe du Nouveau Parti démocratique de l’Ontario (NPD), Marit Stiles, a réagi ce jeudi à Sudbury, aux révélations faites par ONFR et celles, plus tôt ce matin, par le quotidien Le Droit. Celui-ci dévoilait que l’Université de Sudbury aurait fait une première demande de financement en 2022 que la province avait acceptée avant de se rétracter après que l’établissement aurait sollicité des fonds supplémentaires dans une nouvelle demande.

« La patience des Franco-Ontariens est arrivée à sa limite », a lancé Marit Stiles en marge de son passage à Sudbury où elle a donné une conférence jeudi après-midi, accompagnée des députés néo-démocrates locaux, France Gélinas, Guy Bourgouin et Jamie West.

Les révélations faites plus tôt ce jeudi par le journal Le Droit et celles d’ONFR ont occupé une bonne part de la conférence. Une semaine plus tôt, on apprenait que la province avait ignoré un rapport indépendant favorable au financement de l’université que Toronto avait pourtant commandé.

« Ils ont caché le rapport, ils l’ont bloqué, enterré, ils l’ont perdu derrière un cabinet et ils ont tourné le dos aux Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes du Nord », a clamé Mme Stiles avant d’ajouter qu’« ils ont refusé leur droit fondamental à l’éducation dans leur propre langue ».

Le document de la Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire (CEQEP/PEQAB), obtenu par ONFR en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, stipulait que l’Université de Sudbury « satisfait ou dépasse la norme » de chacun des huit standards exigés par la commission d’évaluation.

Dans l’article du Droit, on apprenait, selon une note interne obtenue en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et à la vie privée, que la province avait validé la première demande de financement de l’établissement en août 2022 mais sans en aviser le recteur Serge Miville qui n’a été mis au courant qu’au moment de parler avec le journal.

Un « non » graduel

« Le gouvernement voulait dire non dès le début, ce qu’ils ont fait c’est qu’ils nous ont dit non graduellement », a estimé encore Guy Bourgouin.

Même son de cloche chez France Gélinas : « Le gouvernement Ford n’a jamais eu l’intention de financer l’Université de Sudbury, ce qu’ils font c’est qu’ils nous ont niaisés. »

En 2022, le gouvernement fédéral avait injecté 1,9 million de dollars pour appuyer l’établissement, notamment à la demande du gouvernement provincial dans le cadre d’un programme provincial-fédéral qui permet le financement de projets d’enseignement postsecondaire des langues minoritaires.

« M. Ford, il n’y a aucun ‘getting it done’ qui se fait à présent, quelle honte! »
— Joanne Gervais, présidente de l’ACFO du Grand Sudbury

« Je pense qu’on est rendu à un point d’entêtement » a fait savoir de son côté, Joanne Gervais, présidente de l’ACFO du Grand Sudbury. Et de continuer : « Votre slogan de campagne M. Ford était ‘get it done’, je peux vous assurer que de notre perspective il n’y a aucun ‘getting it done’ qui se fait à présent, quelle honte. »

Pour les néo-démocrates, cette demande n’avait aucun sens et démontrait déjà un manque d’engagement de la part du gouvernement conservateur.

M. Bourgouin, qui est également porte-parole de l’opposition officielle aux Affaires francophones, en a profité pour souligner le silence de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, qui s’était montrée plutôt favorable au projet de l’Université de Sudbury. « Elle est censée être le chien de garde de nos droits francophones, elle est où elle? », regrette-t-il.

« Puis elle dit que c’est pas son ministère qui gère la demande, je m’excuse mais c’est faux, son ministère touche à tout », rajoute-t-il.

Répondant à la question d’un éventuel faux pas du recteur qui avait retiré sa première demande faite en août 2022, pour en soumettre une autre réclamant davantage de fonds en avril 2023, le député de Mushkegowuk-Baie James répond : « C’est pas un faux pas, c’est de la magouille du gouvernement qui ne l’a pas avisé que sa première demande était acceptée. »

Et de continuer : « C’est un manque de respect envers le recteur et un gros manque de respect envers notre culture. »

Continuer le combat

« On a déjà vu ce scénario avec les conservateurs », a lâché Marit Stiles qui a tenu à faire savoir que le gouvernement avait déjà reculé devant la pression des néodémocrates, citant en exemple le scandale de la ceinture de verdure.

Joanne Gervais a rappelé que le combat de l’Université de Sudbury ne date pas d’il y a seulement quelques années. Elle a montré, documents à l’appui, que depuis 50 ans la communauté réclame une université franco-ontarienne dans le Moyen Nord.

Joanne Gervais tient entre les mains plusieurs documents dont le Manifeste de Franco-Parole de mars 1973 et la revue du Nouvel Ontario en 1985 intitulée Pour une université française en Ontario. Crédit image : Inès Rebei

« S’il pensent qu’on va baisser les bras, ils ne nous connaissent pas », a-t-elle fini par conclure.

« On dirait qu’ils pensent que, si assez de temps passe, ce projet-là va tomber à l’eau, que ca sera plus important et qu’ils n’auront plus à le financer », craint Mme Gélinas.

« Assez c’est assez, on est unanime, on veut notre université par, pour et avec tout de suite et il n’y a aucune raison qu’ils disent non », a-t-elle lancé avec émotion.

Répondant à la question des moyens de pression prévus pour faire bouger le gouvernement, les députés affirment qu’il y aura prochainement un caucus néo-démocrate et que la question de l’Université de Sudbury sera « en haut de la liste des priorités ».

Les députés ont aussi lancé un appel aux citoyens de manifester leur mécontentement auprès du gouvernement afin de faire monter la pression populaire.

Quelques jours avant l’opposition néo-démocrate, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait réitéré sa demande de voir Queen’s Park reconsidérer un financement pour l’établissement dans le cadre de consultations pré-budgétaires.