Série mondiale : l’Ontario francophone croit en ses Blue Jays
TORONTO – L’aventure se poursuit dans les séries éliminatoires de la Ligue majeure de baseball pour les Blue Jays, et avec elle, l’engouement d’une francophonie sportive qui suit chaque lancer avec passion. Après avoir éliminé Seattle en finale de la Ligue américaine, Toronto affronte désormais le colosse hollywoodien, les Dodgers de Los Angeles dans la Série mondiale.
Avec une égalité 1-1 avant le match 3, ce lundi soir en Californie, l’optimisme est grandissant aussi bien chez les partisans que chez les spécialistes francophones qui croient de plus en plus en l’exploit.
La semaine dernière, George Sherwood et Liam Rajab, deux jeunes partisans francophones de Toronto, expliquaient à ONFR suivre de près la série contre les Mariners et continuer d’y croire malgré un retard de 0-2 après les deux premiers matchs.
Les faits leur ont donné raison : les Blue Jays ont renversé Seattle en sept matchs (4–3) et remporté le match ultime 4–3 grâce à un circuit décisif de George Springer en septième manche, décrochant ainsi leur billet pour la Série mondiale.
« On ne pouvait pas le croire! raconte George, 16 ans, en repensant à ce moment. J’étais avec ma famille, et quand il a frappé, c’était la folie. »
Son ami Liam, du même âge, se souvient de la même scène : « J’étais avec mon père, on a crié, sauté, on n’y croyait pas. »
Les deux élèves à l’École secondaire Michelle-O’Bonsawin, dans l’est de Toronto, n’ont pas pu suivre la rencontre ensemble comme ils l’avaient envisagé « parce qu’il y avait école le lendemain », mais ont savouré de la même manière, chacun de leur côté, cette qualification pour la Série mondiale 32 ans après la dernière participation de la franchise torontoise à l’événement.
David contre Goliath version baseball
Pour les commentateurs québécois Gavino De Falco et Jérémy Filosa, animateurs du Podcast des Blue Jays, diffusé sur une chaîne communautaire du réseau Rogers à Ottawa, cette Série mondiale illustre à merveille le choc entre le petit et le grand.
« Les Dodgers, c’est Hollywood, » décrit Gavino De Falco. « Une masse salariale de près de 400 millions, des vedettes qui valent des dizaines de millions chacune, un effectif d’étoiles. »
Filosa renchérit : « Ça fait dix ans qu’ils font les séries. Ils ont gagné l’an passé. Et ils ont Ohtani, Mookie Betts, Freeman… c’est l’élite mondiale. »
Mais les Jays se plaisent dans le rôle du négligé. « Les gens aiment prendre pour l’équipe qui n’est pas censée gagner, souligne Jérémy Filosa. Cette fois, c’est Toronto. »
Le phénomène Shohei Ohtani
Difficile d’évoquer cette finale sans parler de Shohei Ohtani, la superstar japonaise des Dodgers.
« C’est un extra-terrestre, s’enthousiasme, Jérémy Filosa. Il lance, il frappe, il brise des records. »
Son co-animateur ajoute : « Sa constance est hallucinante. Année après année, il reste au sommet. On parlera encore de lui dans cent ans. »
Même les jeunes fans torontois, partagés entre admiration et rivalité, le reconnaissent.
« On est chanceux de le voir jouer, mais dommage qu’il soit contre nous! » sourit Liam.
George, plus pragmatique, ajoute : « Je ne vais pas me plaindre qu’il ne joue pas très bien dans ces séries pour l’instant! »
Une série qui s’équilibre
Le match 1, remporté par Toronto, a été un véritable coup de tonnerre dans cette Série mondiale. Alors qu’ils tiraient de l’arrière 2-0 après quatre manches, les Blue Jays ont complètement renversé la situation avec neuf points inscrits dans la sixième, une manche devenue instantanément historique.
Le moment clé : le grand slam d’Addison Barger, qui a fait exploser le Rogers Center et propulsé Toronto vers une victoire de 10-4.
« Avant la série, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, raconte George. Mais quand j’ai vu ce grand chelem, je me suis dit : « Wow, ça va être une série très amusante à regarder, peu importe le résultat. » »
Liam, lui, n’a jamais douté. « J’y crois depuis le début, affirme-t-il. Même contre les Dodgers, je me dis qu’on peut le faire. »
Pour le commentateur Jérémy Filosa, cette victoire s’explique aussi par l’audace du gérant John Schneider.
« Il a bougé ses pions sans hésiter. Il a fait appel à ses joueurs de banc, et Varsho comme Barger ont enfin débloqué leur puissance. Beaucoup de crédit à David Popkins, le nouvel instructeur des frappeurs. »
Le deuxième match, en revanche, a rappelé la dure réalité du baseball avec un score sans appel de 5-1 pour les Californiens.
« Les Jays avaient Yamamoto dans les câbles dès la première manche, deux coureurs sur les buts, aucun retrait, résume Filosa. S’ils avaient marqué à ce moment-là, le match aurait été différent. »
Los Angeles, nouveau tournant
Ce lundi soir, les Blue Jays entament trois matchs à Los Angeles. Le défi : tenir tête à une rotation redoutable des Dodgers.
« Sur papier, l’avantage des partants est du côté de Los Angeles, reconnaît Gavino De Falco. Mais si Scherzer et Bieber, du côté des Jays, sont capables d’offrir de bonnes performances, tout devient possible. »
L’expert québécois nuance : « Scherzer a été phénoménal contre les Mariners, même s’il a connu des hauts et des bas en fin de saison. Bieber a eu des départs plus courts, mais s’il retrouve sa précision, Toronto peut surprendre. »
Entre superstition et espoir
Liam n’oubliera jamais sa soirée du match 1 : « J’étais à un anniversaire, tout le monde était chic, moi j’avais mon chandail des Jays. Ils perdaient 2-0, je l’ai enlevé… et ils ont remonté! Depuis, je ne le porte plus. »
Pour les deux amis, la défaite du match 2 n’a rien de dramatique.
« On ne va pas les battre 4-0, explique George. Mais si on revient à Toronto à égalité, on peut gagner. »
Liam approuve, si les Blue Jays parviennent à prendre un match à Los Angeles et revenir à Toronto, ils peuvent le faire.
« Si on revient à Toronto à égalité, avec l’énergie du Rogers Center et la foule, tout est possible », conclut George.
Au-delà de l’Ontario
À Toronto, impossible d’ignorer la ferveur.
« Chaque deux personnes ont une casquette ou un t-shirt des Blue Jays », observe George. « Même ceux qui n’ont jamais regardé un match en parlent. »
Gavino De Falco confirme la même chose depuis Montreal : « l’engouement est réel. On sent que le baseball, au Canada francophone, redevient une passion collective. »
Et Filosa de conclure sur l’importance de la rotation des lanceurs partants pour les Blue Jays qui vont devoir se surpasser : « C’est vraiment là la clé. Sur papier, les Dodgers ont l’avantage au monticule, surtout avec l’inversion de Scherzer et Bieber pour les matchs 3 et 4. Scherzer pourrait lancer deux fois si la série va au bout, mais il n’a pas été constant en fin de saison. Et Bieber a eu de la difficulté à dépasser la troisième manche dans ses derniers départs, donc Schneider a dû ajuster sa rotation. »