Il existe 276 centres ServiceOntario et plus de 190 d'entre eux sont gérés par le secteur privé, soit 71 %. Crédit image : Rudy Chabannes

La province a annoncé, ce début de semaine, la fermeture de centres ServiceOntario au profit de kiosques ServiceOntario intégrés à l’enseigne américaine Staples/Bureau en Gros. Six premiers centres ouvrent dès ce jeudi 1er février dans le Centre-Sud et le Sud-Ouest de l’Ontario. Une décision controversée qui soulève des questions quant à l’accès aux services en français, la transparence d’un accord avec le privé ou encore la suppression potentielle d’emplois.

Les six premiers kiosques de ServiceOntario ouvrent aujourd’hui à Oakville, Newmarket, Toronto (Scarborough), Strathroy, Tillsonburg et Welland, remplaçant les six centres ServiceOntario qui ont fermé leurs portes le 31 janvier 2024.

« Tous les centres ServiceOntario qui ferment sont remplacés par un nouvel emplacement dans les mêmes communautés. Le service restera ininterrompu », précise le ministère des Services au public et aux entreprises.

Il est annoncé que d’autres kiosques ouvriront également à Hamilton, Keswick et Toronto (Leaside) dans le courant de l’année et que le gouvernement continuera d’étudier la possibilité d’élargir et d’ajouter de nouveaux modèles pour les sites de ServiceOntario, « y compris des co-localisations avec les municipalités, les communautés des Premières Nations, les bibliothèques publiques et d’autres partenaires de vente au détail, qui pourraient inclure des petites entreprises ».

Selon le gouvernement ontarien, l’implantation de services gouvernementaux au sein de Staples/Bureau en Gros pourront faire économiser environ un million de dollars pour la durée du projet pilote de trois ans et offrir des heures d’ouverture prolongées, soit 30 % d’heures de service de plus, par rapport aux centres qu’ils remplacent.

Interrogé sur la possible atteinte à l’accès aux services en français, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario Fabien Hébert nous répond que « le ministère des Affaires francophones nous a assuré que les sous-traitants sont assujettis à l’obligation linguistique que les bureaux de ServiceOntario de la région avaient. Cela ne s’applique que dans les régions qui sont désignées sous la Loi sur les services en français ».

Respect de l’obligation linguistique

Un porte-parole du bureau de Todd McCarthy, ministre des Services au public et aux entreprises, certifie que tous les centres ServiceOntario sont tenus de se conformer à la Loi sur les services en français : « Lorsqu’un centre est situé dans une zone de services en français désignée, les services seront offerts en français et en anglais. ServiceOntario continuera d’explorer des façons innovantes de fournir des services gouvernementaux essentiels à tous les Ontariens dans toutes les communautés. »

M. Hébert s’inquiète toutefois du fait qu’il pourrait en résulter une perte, voire une réduction de services « si les sous-traitants ne prennent pas leurs obligations au sérieux ou s’ils ne réussissent pas à recruter du personnel bilingue ».

« De plus, je présume que les salaires des sous-traitants ne sont pas aussi intéressants que les salaires dans les bureaux de ServiceOntario, ce qui va rendre le processus de recrutement de personnel bilingue plus difficile », ajoute celui-ci.

« Ce qui est sûr, c’est que ServiceOntario a l’obligation de fournir ses services en français conformément à la Loi sur les services en français et à ses règlements. Nous invitons les francophones à nous contacter lorsqu’ils et elles rencontrent des difficultés à accéder aux services en français », a déclaré à ONFR le commissaire aux services en français Carl Bouchard.

Les services gouvernementaux au profit de la consommation?

« ServiceOntario est un maillon essentiel pour aider les gens à accéder aux services gouvernementaux importants, a indiqué dans un communiqué le ministre Todd McCarthy. C’est pourquoi nous nous associons à un détaillant expérimenté bien implanté en Ontario, pour aider à fournir des services là où les gens vivent, travaillent et font leurs courses. »

« Ce projet pilote démontrera que nos magasins constituent une option pratique pour les Ontariens occupés, en offrant des heures plus flexibles pour un meilleur accès aux services dont ils dépendent », croit la présidente de Staples/Bureau en gros Rachel Huckle.

L’opposition officielle n’a pas tardé à pointer du doigt « un contrat à fournisseur unique à une grande entreprise américaine, leur permettant ainsi de tirer profit de la prestation de services gouvernementaux clés », et un manque de transparence sur l’accord.

« Encore une fois, ce gouvernement refuse d’être transparent sur ses accords en coulisses. Nous les voyons confier davantage de nos services gouvernementaux à des méga-entreprises, utilisant l’argent des contribuables pour améliorer les résultats financiers d’une entreprise privée », a déploré Tom Rakocevic, porte-parole de l’opposition officielle en matière de protection des consommateurs.

Le leader du Parti vert Mike Schreiner a, quant à lui, interpellé la vérificatrice générale de l’Ontario pour l’ouverture d’une enquête : « Le gouvernement Ford tente d’empêcher les employés concernés de ServiceOntario de parler publiquement des rouages ​​de l’accord avec Staples. C’est exactement pourquoi j’ai demandé au vérificateur général de mener une vérification de l’optimisation des ressources sur ces échanges de lieux suspects. »

Concernant la question de la perte d’emplois soulevée par les partis d’opposition, le ministère des Services au public et aux entreprises assure pour l’heure que « l’effectif approprié est déterminé emplacement par emplacement, en fonction du volume prévu. Les employés des fournisseurs de services privés touchés ont eu la possibilité de continuer à travailler chez Staples Canada ».

Il existe 276 centres ServiceOntario et plus de 190 d’entre eux sont gérés par le secteur privé, soit 71 %. ServiceOntario a conclu des partenariats de vente au détail avec des entreprises canadiennes, notamment Canadian Tire, IDA et Home Hardware.