Singh veut « sauver » l’Université Laurentienne
SUDBURY —De passage à l’Université de Sudbury ce samedi, le chef du NPD Jagmeet Singh s’engage à « investir rapidement pour sauver » l’Université Laurentienne. Le chef des néo-démocrates ne se dit toutefois pas d’accord avec le transfert des programmes en français de La Laurentienne vers l’Université de Sudbury.
Il faut rappeler que l’Université Laurentienne avait coupé en avril dans 69 programmes, dont 28 en français, en plus de congédier une centaine de professeurs. Vendredi, suite à une décision de la Cour, La Laurentienne s’est vu accorder un délai supplémentaire jusqu’au 31 janvier 2022 afin de pouvoir négocier avec ses créanciers.
« C’est essentiel de protéger l’Université Laurentienne parce que ça donne des services bilingues. Ça a un mandat bilingue et ça donne des services essentiels pour les francophones, en particulier dans le Nord de l’Ontario », a affirmé M. Singh de passage dans la ville du Big Nickel dans le cadre de la campagne électorale.
Dans la plateforme du Nouveau Parti démocratique (NPD), aucun passage n’est mentionné concernant le postsecondaire en milieu minoritaire ou encore l’Université Laurentienne, mais le parti s’engage à « améliorer l’enseignement dans la langue de la minorité ».
« C’est essentiel, en particulier ici dans le Nord, qu’on souligne à quel point c’est difficile pour les francophones d’en dehors du Québec d’avoir accès aux services en français et comment c’est difficile d’avoir accès à un haut niveau d’éducation en français. C’est pourquoi on veut défendre les institutions comme l’Université Laurentienne, on veut investir dans ces institutions. C’est pourquoi on dit qu’on doit protéger ces institutions au niveau fédéral, car on a un mandat au niveau fédéral de protéger le bilinguisme. »
Le chef du NPD ne se dit toutefois pas d’accord avec l’idée de transférer les programmes en français de l’Université Laurentienne vers celle de Sudbury, comme le demande l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et certains anciens professeurs francophones de La Laurentienne.
« Notre but est de sauver l’Université Laurentienne et de vraiment avoir plus de programmes et plus d’accès aux services. Pas moins de programmes, pas moins de services. Le travail de l’Université de Sudbury est incroyable et important, mais on ne veut pas réduire les services en français, on veut les augmenter. »
Le NPD a précisé sa position en fin de journée arguant ne pas pouvoir dicter où les programmes sont logés, mais appui le maintien des programmes en français à l’Université Laurentienne et à l’Université de Sudbury. Le NPD indique vouloir reconstruire La Laurentienne en plus de demander au gouvernement fédéral de financer le plan de transformation de l’Université de Sudbury.
L’AFO n’a pas apprécié la réponse du chef du NPD sur le dossier de l’Université de Sudbury se disant « incrédule ».
De son côté, la ministre des langues officielles Mélanie Joly écorche le chef néo-démocrate et plaide que les libéraux vont « continuer d’être en mode solution » .
« La situation qui prévaut à l’Université Laurentienne est inacceptable. Les francophones du Nord de l’Ontario méritent d’avoir une institution forte par et pour la communauté. Jagmeet Singh nous démontre à quel point il est déconnecté de la réalité sur le terrain », a-t-elle écrit via Twitter.
Le postsecondaire dans la campagne électorale
Pour le député provincial de Sudbury, Jamie West, il doit y avoir un argument économique pour le transfert, lui qui veut éviter d’avoir de faibles taux d’inscription pour la communauté francophone dans une des deux universités.
« Je pense que ça doit être ce qui a le plus de sens au niveau économique, si on n’est pas capable d’avoir deux programmes similaires dans deux universités à Sudbury, ça aurait alors du sens d’avoir un seul programme à l’Université de Sudbury. Au bout de la ligne, je veux que les deux universités puissent avoir du succès », avance le néo-démocrate.
Alors que la ministre Joly avait affirmé à Radio-Canada vouloir avancer cinq millions de dollars pour le projet de l’Université de Sudbury, Jagmeet Singh affirme être prêt à faire un engagement nécessaire plutôt pour La Laurentienne, mais ne précise pas un chiffre ou comment il le ferait.
« Notre but est vraiment de s’assurer et de maintenir les programmes et services qui étaient là. Notre engagement est de sauver l’Université (Laurentienne) et on est prêt à faire les engagements pour atteindre ce but ».
« Beaucoup de sensibilisation à faire »
Présent à la conférence de presse, le recteur de l’Université de Sudbury Serge Miville affirme vouloir conscientiser la population et les décideurs politiques sur le bienfait et les avantages du projet de l’Université de Sudbury pour la région.
« Je pense qu’il y a beaucoup de sensibilisation à faire sur la façon qu’on va pouvoir préserver et développer. C’est pas juste une question de préserver le statu quo car, visiblement, ça ne fonctionnait pas. On veut sensibiliser la population sur le fait qu’une institution qui part à partir des francophones et des peuples autochtones est mieux placée pour réaliser et livrer la programmation… On pense vraiment que c’est la solution ultime pour l’avenir du postsecondaire dans le Nord de l’Ontario. »
Ce dernier si dit d’ailleurs enjoué que l’enjeu du financement pour les universités soit présent durant la campagne électorale. Il donne en exemple le 5 millions de dollars sur la table du Parti libéral, alors que les conservateurs se sont engagés de leur côté à investir 30 millions de dollars par année pour le postsecondaire en milieu minoritaire.
« Tous les partis savent que c’est important (…). C’est la première fois qu’on commence à avoir de l’attention sur cet enjeu dans une campagne. Il ne faut pas oublier qu’ils (le fédéral) ont juridiction sur les langues officielles et les questions autochtones, donc ils peuvent aider et investir directement. Notre job à nous est de sensibiliser sur le fait à Sudbury pour qu’on puisse avoir l’appui, car en ce moment, chaque étudiant qui quitte et qui ne viennent pas – il y en a plusieurs – c’est 30 000 $ par année qui disparaît. Ça frappe fort quand t’es une petite ville comme Sudbury et il faut agir dès que possible. »
Jusqu’à présent, le fédéral dit se buter au gouvernement Ford qui affirme ne pas pouvoir bouger dans le dossier tant et aussi longtemps que ça sera devant les tribunaux. Pour le recteur Miville, la récente décision prolongeant le processus ne change rien.
« Ça n’a pas empêché l’Université de Hearst et l’École de médecine du Nord de l’Ontario d’obtenir leur indépendance », plaide-t-il.