Le Sommet était très attendu par la communauté de Sudbury. Crédit image : Inès Rebei

René Lapierre est conseiller municipal de la Ville du Grand Sudbury depuis 2014 et président du Conseil de Santé publique Sudbury et districts, et à l’origine du Sommet contre la crise des opioïdes de Sudbury.

Le Sommet sur la toxicité du Grand Sudbury a eu lieu jeudi et vendredi et avait pour but d’aborder la crise des drogues toxiques qui s’intensifie dans la région. Depuis 2018, Sudbury a connu augmentation de 193 % des taux de décès liés à la toxicité des opioïdes, soit plus de trois fois la hausse enregistrée en Ontario et 38 % plus élevé que dans le reste du Nord de l’Ontario, selon les données du coroner en chef de l’Ontario

René Lapierre revient sur le Sommet et sur ce qui en ressort après deux journées de discussions avec des acteurs du milieu.

« Pourquoi avez-vous fermé le Sommet aux médias et au public quand l’un des buts de celui-ci est la déstigmatisation?

Quand on a commencé le comité organisateur, on a été cherché toute sorte de personnes pour témoigner de leur expérience privée durant le Sommet et celles-ci ont demandé à ne pas être enregistrées par mesure de sécurité et afin de pouvoir livrer leurs émotions sans crainte de jugement.

Êtes-vous satisfait des discussions et du déroulement de cette rencontre?

Oui, je suis vraiment content et pour deux raisons différentes. La première parce que c’est la première fois qu’on s’assoit, 150 personnes ensemble, pour parler de points spécifiques, ce n’est pas simplement une jasette. Aujourd’hui, on a eu 12 grandes lignes avec 136 sous-recommandations qu’on va ressortir dans un rapport. Une des choses communes qui est ressortie, c’est qu’on ne fait pas assez de prévention auprès de nos jeunes. Il faut que l’on commence tôt à sensibiliser les enfants pour éviter une crise comme aujourd’hui.

Avez-vous eu des discussions spécifiques durant le Sommet autour de la variable linguistique, laquelle peut-être une barrière dans la prise en charge des personnes vulnérables?

Justement, cet après-midi, dans une table ronde à laquelle j’ai participé, on a parlé du fait que Sudbury était devenue très multiculturelle. Le français en fait partie, évidemment, mais d’autres langues également, alors dans les prochains avancements, on devra considérer la variable linguistique, comme la traduction des services. On ne pourra pas toujours forcer les services, mais on peut toujours encourager les différentes agences à solliciter un organe gouvernemental qui offrira des services en français ou une autre langue ou bien pour chercher du financement. Pas pour délivrer du service, mais plus pour embaucher des personnes qui sont capables de maîtriser d’autres langues pour offrir ces services.

Le Sommet a eu lieu à Azilda et son organisation a mobilisé plusieurs centaines de personnes. Crédit image : Inès Rebei

La situation autour de la crise des opioïdes est réputée pour être particulièrement tragique à Sudbury, avez-vous réussi à déterminer pourquoi c’est le cas lors de ce Sommet?

Malheureusement, non. Je pense qu’il faudrait analyser chaque décès et regarder des éléments comme le lieu d’habitation, la nationalité, le niveau de vie. C’est des collectes de données qu’il faudrait mener. L’autre chose, c’est qu’il faut regarder les chiffres plutôt que les pourcentages. On a eu une personne d’Edmonton qui a fait une présentation sur les décès à Vancouver, en Colombie-Britannique, où on déplore 5 à 6 décès par jour, ce qui est énorme, donc les statistiques sont hautes, mais les pourcentages sont bas, pour une population d’un million d’habitants.

Un autre élément, peut-être, c’est que nous, dans le nord de l’Ontario, on a une grande population autochtone et ils nous parlent souvent de combien ils sont traumatisés par tout ce qui s’est passé. S’ils sont encore plus affectés par la consommation, c’est peut-être une piste à étudier quand on va ressortir nos recommandations.

Vous avez parlé de financement, quelles seraient les solutions pour mettre sur pied des initiatives, même modestes, mais qui pourraient faire la différence à Sudbury?

Le problème, c’est que plusieurs pensent que c’est à la municipalité de tout régler, on a notre rôle à jouer, mais c’est plus au niveau communautaire qu’on peut faire la différence. On parle d’une volonté d’avoir des salles de bains publiques au centre-ville. Quelqu’un m’a d’ailleurs parlé de salle de bains autonettoyante en Californie, mais ça ne pourrait pas fonctionner ici parce que les tuyaux gèlent en hiver. Qui va financer quoi? C’est toujours un dilemme, mais j’espère que le changement du type de financement sera étudié.

On a plus de 160 différentes agences dans la région qui offrent des services aux personnes vulnérables, alors peut-être qu’au lieu de prendre 100 000 $ à un seul endroit, on pourrait prendre quelques milliers à chacun. Je pense aussi qu’il faudrait financer sur plusieurs années afin d’avoir une réelle idée. Il faut s’assurer d’avoir un financement solide et continu, pour voir l’impact sur six ans par exemple, au lieu d’un financement sur une seule année

Des acteurs du secteur public, privé et un membre des Premières Nations ayant participé à l’événement ont tenu un point de presse vendredi après-midi suite à la clôture du Sommet. Crédit image : Inès Rebei

Quelle est la suite des choses après le Sommet?

Sur le court terme, on va faire un bilan avec le comité organisateur et voir comment on va structurer le rapport qu’on va remettre dès que possible. On va aussi publier le rapport aux agences de services auxquelles on va diriger les recommandations dont on pense qu’elles seraient le plus à même d’être appliquées. Le but ultime, c’est d’établir un plan d’action précis pour la Ville après cela. »