Sortie d’Enfer et paradis, le nouvel album de Kimya
OTTAWA – Sept ans se sont écoulés depuis l‘EP Or et Flamme (2017), qui lui avait valu le Trille or Découverte en 2019. Depuis, si vous pensez que Kimya a changé, c’est parce qu’il a grandi, comme le scande le rappeur dans La légende, la première pièce du nouvel album. Enfer et paradis sera lancé ce vendredi à Quatrième salle du Centre national des arts (CNA). ONFR s’est entretenu avec l’artiste d’origine congolaise, qui fête ses 20 ans au Canada cette année.
Le titre Enfer et paradis fait référence au travail personnel que Kimya a dû faire dans les dernières années, après une entrée remarquée et non calculée dans le monde de la musique, période dans laquelle s’entremêlaient un désir de revendication, des enjeux familiaux et une rage de faire carrière. « Tout est arrivé trop vite et par la suite, je ne savais plus quoi dire. J’ai dû prendre du recul pour apprendre à me connaître et à mieux connaître l’industrie musicale. »
Dualités implicites
Ce n’est pas consciemment que Kimya a choisi des duos d’éléments pour nommer ses projets, Or et flamme et Enfer et paradis. Mais son œuvre est parsemée de dualités, à commencer par les identités congolaises et franco-ontariennes.
« Je trouve que ça vit très bien ensemble. Il y a des fois où je milite pour mes droits en tant que Franco-Ontarien, et des fois où je milite pour mes droits en tant que Congolais. (…) C’est certain que ce ne sont pas les mêmes réalités, ce sont deux combats complètement différents, mais ça fait partie de ma nouvelle identité en étant ici. »
Pour Kimya, il était important d’affirmer davantage son côté congolais sur le nouvel album. On retrouve certaines paroles dans sa langue maternelle, le lingala, sur les chansons Motema (avec Akeem Oh) et Tribal, laquelle présente aussi des « éléments clés de la musique traditionnelle congolaise » comme le tam-tam ou la guitare, par exemple. Dans cette chanson, même s’il parle de « culture grandiose », le rappeur n’hésite pas à dénoncer les atrocités qui se déroulent aussi dans son pays d’origine.
« J’en parle surtout parce que je trouve que les médias n’en parlent pas. Par exemple, dans l’Est du Congo, il y a encore des tueries, des femmes qui se font violer… mais il n’y a aucun média qui en parle ici. Moi, j’ai la chance de pouvoir faire de la musique et que ma voix puisse toucher un petit nombre de personnes. Financièrement, je ne peux pas aider mon pays avec des millions de dollars. Mais ma voix peut au moins faire passer ce message. »
Avec plusieurs de ses proches, Kimya se prépare à retourner au Congo pour la première fois depuis qu’il l’a quitté, en 2004. Une quête identitaire qu’il caresse depuis longtemps et qu’il prépare avec fébrilité. Le trentenaire demande entre autres à sa famille de lui envoyer des photos de lui lorsqu’il était enfant, parce qu’il n’en possède pas. « Ça me permet de revoir toutes ces personnes avec qui j’ai grandi, mais avec qui je n’ai pas nécessairement de rapport. Pour moi, c’est important de pouvoir reconnecter avec eux, d’une certaine façon. »
Le rêve du rap au CNA
En entrevue pour une Rencontre ONFR en 2020, Kimya commentait l’état du monde du rap et son côté marginal. Il affirmait alors : « C’est difficile pour un rappeur de faire le Centre national des Arts », plaidant à la fois pour une plus grande ouverture des salles de spectacles et pour un rap de meilleure qualité.
Exemple parfait du message de détermination véhiculé sur ce nouvel opus, c’est au CNA que sera lancé Enfer et paradis ce vendredi. Il s’agit d’un grand accomplissement pour celui qui a déjà travaillé à cette institution de la rue Elgin à Ottawa, en rêvant de monter sur ses scènes. « C’est aussi de dire aux autres personnes qui viennent ici, au Canada, d’un pays comme le mien, qu’il y a la possibilité de faire de grandes choses si tu y mets du travail », affirme le Congolais.
C’est ce sentiment que Kimya souhaite insuffler aux spectateurs dans ce spectacle unique, pendant lequel il souhaite installer une ambiance d’inclusivité et de partage avec le public. Il sera entouré de D-Track et Akeem Oh, qui font des apparitions (featuring) sur l’album, et d’autres collaborateurs comme Guy Landry, Patrick Pharand, violoniste des Rats d’Swompe ou Fiston Zamwangana, guitariste congolais.
Kimya souhaite aussi que ce nouvel opus donne un souffle à la scène rap franco-ontarienne, qu’il juge plutôt tranquille. Dans les paroles, il salue des amis comme LeFLOFRANCO, DJ Skorpyon et Le R Premier, qui lui a tendu la main en début de carrière et l’accompagne toujours avec son étiquette de disques, L’armure du son.
La vérité sort de la bouche des enfants
La chanson-titre occupe une place particulière dans le cœur de l’auteur-compositeur-interprète, non seulement pour sa signification, mais aussi pour le contexte dans lequel elle a été écrite. Celui qui est aussi animateur culturel venait de donner un atelier devant des élèves de troisième année.
« Je leur disais qu’ils avaient plein de potentiel, qu’ils étaient les chefs d’entreprises de demain, de croire en leurs rêves et que ça allait être eux qui allaient changer le monde. Du coup, il y a une jeune fille qui lève la main et qui dit : ‘Kimya, mais comment est-ce qu’on change le monde?’ Ça m’a tellement fait réfléchir. » C’est à ce moment précis que l’artiste fait référence dans la première phrase de la chanson.
Le choix d’Enfer et paradis comme titre de l’album n’est pas anodin. Kimya souhaite à tout le monde de vivre un processus de connaissance de soi comme celui qui l’a lui-même guidé vers ce nouveau projet.
« Je pense que c’est possible d’être heureux. C’est pour ça que je parle de paradis aussi, parce que j’étais dans cet enfer où je ne voyais rien avancer dans ma vie personnelle. Et le fait d’avoir mis autant d’efforts sur ma santé physique et mentale et sur l’amour que je partage avec les gens autour de moi, j’ai vu un autre côté de moi, que je ne connaissais pas. »
L’album Enfer et paradis sera officiellement lancé le 23 février au CNA. Composé de huit pièces, il paraît sous l’étiquette l’Armure du son et est réalisé par Brodie Larocque.
Kimya offira également une performance au Gala de la francophonie plurielle à la Maison de la francophonie d’Ottawa, le 15 mars. Il y interprétera l’un de ses nouveaux textes, en version slam.