Stress, anxiété, tension : la santé voit rouge en zone grise

Aline Yon, acupunctrice franco-torontoise, établit un lien direct entre le confinement et la santé mentale et physique. Gracieuseté

TORONTO – Alors que la métropole ontarienne vit sa quatrième semaine de reconfinement, la santé mentale et physique est mise à rude épreuve durant la pandémie. C’est ce que constatent des professionnels de santé qui, face aux dégâts causés par l’isolement et le télétravail, tirent la sonnette d’alarme et prodiguent des conseils pour éviter de sombrer dans la dépression, à quelques jours des fêtes de fin d’année.

« Durant la première vague, les gens attendaient que ça se passe, mais avec la deuxième vague, ils sont plus affectés, déprimés ou anxieux car ils ne voient pas le but du tunnel », rapporte la psychologue franco-torontoise Geneviève Boudreault.

Les patients atteints de troubles de santé mentale sévères semblent moins affectés par la situation, constate-t-elle, évoquant une forme de résilience liée à leurs propres problèmes, antérieurs à la pandémie, et de perception d’une certaine normalité autour d’eux.

En revanche, chez les autres, le stress s’est accru ces dernières semaines. « Je vois arriver de nouveaux patients qui souffrent d’anxiété, de dépression. Je fais aussi plus de thérapies de couple. »

Geneviève Boudreault, psychologue au centre-ville de Toronto. Gracieuseté

Les équipes du Centre francophone du Grand Toronto (CFTG), qui offrent des services de psychothérapie pour les jeunes et les familles, ont eux aussi constaté cette tendance.

« On observe plus d’anxiété et une recrudescence des symptômes de dépression à cause des circonstances de la pandémie, particulièrement chez les gens qui ont perdu leur emploi ou qui n’ont pas de groupe social », relate Marie-Ève Ayotte, coordinatrice des soins de santé mentale.

« Ces gens-là se retrouvent encore plus isolés, surtout avec la période des fêtes qui s’en vient. »

Elle met également en avant d’autres sources de stress comme la gestion des protocoles de santé publique à suivre au travail ou à l’école, mais aussi les nouvelles dans les médias qui, visionnées de façon répétitive, peuvent s’avérer anxiogènes.

Une consommation d’alcool excessive

Un sondage publié ce mardi par le Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, révèle que près d’un quart des participants ont un niveau d’anxiété modéré à sévère et déclarent avoir une consommation excessive d’alcool.

Une autre enquête, menée par l’Association canadienne pour la santé mentale, démontre que 71 % des Canadiens se disent préoccupés par la deuxième vague du virus. 58 % craignent qu’un membre de leur famille meure, et à peine 21 % se sentent optimistes.

40 % des Canadiens font état d’une détérioration de leur santé mentale depuis mars, avec un déclin plus prononcé chez les personnes au chômage (61 %), les jeunes adultes de 18 à 24 ans (60 %), les personnes autochtones (54 %), les membres de la communauté LGBTQ (54 %) et les personnes handicapées (50 %).

Stress et télétravail : des répercussions sur la forme physique

« Le stress est la première cause des maladies », rappelle Aline Yon qui voit défiler des patients avec le moral au fond des chaussettes et des tensions physiques. « Quand on est stressé, le corps se met en position d’autodéfense et s’épuise. La digestion et le sommeil sont perturbés et, forcément, quand on mange moins et qu’on dort moins, on est encore plus fatigué et irrité, surtout qu’on ne peut plus sortir comme avant. »

Cette acupunctrice franco-torontoise décrit un cercle vicieux qui s’est accéléré avec le reconfinement.

« Le rôle de la médecine chinoise et de l’acupuncture est de briser ce cercle vicieux », affirme-t-elle. Pour soulager la douleur et réduire le stress de ses patients, elle stimule le corps en appliquant des aiguilles sur des zones précises de la peau. Cette médecine agirait sur le sommeil, la digestion, les migraines ou encore le système immunitaire.

« En ce moment, je traite beaucoup de douleurs cervicales, dorsales et des maux de tête liés au télétravail », ajoute pour sa part Jessica Bonzon, ostéopathe au centre-ville.

« Ce sont des gens qui passent énormément de temps assis devant un écran dans un environnement de travail qui n’est pas toujours ergonomique. Ça crée des tensions sur tout le haut du corps et ça a un impact psychologique. Quand on dit qu’on en a plein le dos, ce n’est pas anodin. »

Prendre l’air et réapprendre le vivre-ensemble

« L’ennui avec la pandémie, c’est qu’elle a rompu les habitudes sociales comme aller au gym ou se socialiser », appréhende Mme Boudreault. « Or, ce sont les conseils qu’on donne habituellement pour évacuer l’anxiété et le stress. Je crois que le plus important est de ne pas s’isoler, par exemple en restant en contact avec la famille et les amis via les réseaux sociaux, ou même prendre l’air, ça fait une différence. »

Jessica Bonzon, ostéopathe. Gracieuseté

La psychologue recommande de reconstruire une routine, garder du temps pour soi, se coucher et se lever aux mêmes heures et faire attention à son alimentation.

« Ça fait du bien à soi, mais ça enlève aussi un poids au conjoint qui est souvent la seule personne dans la bulle, dans laquelle chaque détail devient un stresseur. »

« Mon conseil est de continuer de bouger, garder de la mobilité dans le quotidien », dit Mme Bonzon. « Le mouvement est le meilleur traitement. Par exemple, essayer de faire une marche ou 30 minutes d’exercice physique par jour, ne pas passer cinq heures d’affilé devant son écran, mais se lever régulièrement et varier les positions. »

« Il faut réapprendre à vivre ensemble », croit enfin Mme Ayotte. « Il est vital d’organiser son espace personnel pour accommoder la famille et le travail. Vivre ensemble physiquement et émotionnellement, c’est un défi à prendre très au sérieux pour passer le cap », dit celle qui a constaté une augmentation des violences domestiques.

Marie-Ève Ayotte, coordinatrice des soins de santé mentale au CFTG. Archives ONFR+