Trudeau était « très très confortable » à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence

Convoi de la liberté
Arrestations durant une des manifestations à Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – La décision d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence était celle à prendre, car c’était la « bonne chose à faire à ce moment-là », a témoigné Justin Trudeau à la Commission Rouleau vendredi.

« Je suis absolument certain et confiant d’avoir fait le bon choix en acceptant de l’invoquer. J’étais très très confortable », a soutenu Justin Trudeau, qui est le dernier d’une soixantaine de témoins à la Commission.

Lors d’une réunion du Groupe d’intervention en cas d’incident le 13 février (le gouvernement à invoquer la Loi le 14 février), la décision faisait consensus autour de la table, a ajouté le premier ministre. Ce groupe incluait notamment plusieurs ministres du cabinet ainsi que le chef du Service canadien du renseignement de sécurité David Vigneault et la commissaire de la GRC Brenda Lucki.

« Ça commençait à être pas mal clair que la situation était si urgente et une préoccupation que ça pourrait empirer et dégringoler ailleurs. Il y avait une urgence d’agir. L’outil pour amener ces outils spécifiques, c’était la Loi sur les mesures d’urgence », a ajouté M. Trudeau.

Selon Justin Trudeau, la menace que portait le Convoi de la liberté correspondait à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Il pointe notamment vers la Loi où il est écrit que « les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique au Canada ou dans un État étranger ».

L’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence était donc raisonnable, car elle satisfaisait les critères de la définition de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Il cite en exemple les armes retrouvées à proximité de la frontière à Coutts en Alberta et l’utilisation d’enfants comme « boucliers humains ».

« C’étaient de vraies menaces de violence. Nous ne pouvions pas dire qu’ils n’auraient pas potentiels pour d’autres menaces de violences. Nous voyions les choses s’aggraver, pas être sous contrôle. »

Justin Trudeau lors de son témoignage à la Commission Rouleau. Capture d’écran de la Commission sur l’état d’urgence.

Les avis des différentes agences fédérales impliquées, dont le ministère de la Justice, ont fait pencher la balance au bout de la ligne, soutient le politicien canadien.

« Ça serait possible que sans la note du secteur public on ne soit pas ici aujourd’hui… Si j’avais été convaincu qu’un autre gouvernement provincial ou une autre loi au Canada aurait pu (faire changer la situation), on n’aurait alors pas atteint le seuil pour invoquer la Loi. »

Il a aussi critiqué le plan de différents corps de polices présenté au cabinet le 13 février, dont celui de la Police d’Ottawa. Ce plan de 73 pages a été présenté vendredi aux témoignages, mais il était caviardé. Le premier ministre qui a eu accès à des passages du plan a toutefois tempéré en affirmant que si les gens avaient pu voir ce document, il aurait vu « qu’il n’y avait pas de plan pour mettre fin à l’occupation ».

C’est seulement au matin du 14 février, soit quand la greffière du Conseil privé lui a présenté le décret à signer que la décision est devenue réelle à ses yeux, a soufflé le premier ministre.

Du jamais vu

Dès les premiers jours du Convoi de la liberté, il y avait un sens que c’était un autre niveau de type de manifestation comme Ottawa et le pays n’avait jamais vu auparavant, a souligné le chef libéral.

« Il y a une différence entre une occupation, dire qu’on ne va pas partir tant qu’il n’y aura pas de changement, et aller protester. »

Pour le premier ministre, l’arrivée des camionneurs à Ottawa lui rappelait ce qu’il avait vécu durant la campagne électorale d’automne 2021 où il avait été poursuivi par des manifestants anti-mesures sanitaires lors de ses événements à travers le pays.

« Il y avait un niveau de mépris envers les autres que nous avions constaté pendant la campagne électorale », donnant en exemple le fait que des manifestants auraient volé de la nourriture de l’organisme pour sans-abris Shepherds of Good Hope.

En anglais comme à l’image de la Commission

La première partie de l’interrogatoire de Justin Trudeau s’est déroulé principalement en anglais avec quelques passages de français. Son contre-interrogatoire avec les différents partis présents à la Commission s’est déroulé entièrement en anglais.

Jeudi, le premier ministre a convenu que le français n’avait pas suffisamment de place à la Commission.

« Je trouve que c’est dommage », avait-t-il lancé avant de faire son entrée à la période des questions.

Seul un témoin a comparu entièrement en français, Steeve Charland, le leader du groupe les Farfadaas, qui s’étaient déplacés à Ottawa pour manifester leurs oppositions aux mesures sanitaires. Des francophones et des ministres du gouvernement Trudeau ont témoigné quasiment exclusivement en anglais. La veille, il avait justifié qu’il n’y avait « pas eu beaucoup de questions en français » et que c’était « difficile de répondre en français ».

Le premier ministre était le dernier d’une liste d’une soixantaine de témoins ayant réuni notamment la vice-première ministre Chrystia Freeland, l’ex-chef de Police d’Ottawa Peter Sloly ou encore l’ancien maire d’Ottawa Jim Watson. La Commission avait sommé Doug Ford de venir, mais le premier ministre ontarien avait remporté sa bataille devant les tribunaux, lui qui refusait de témoigner.

Les audiences ont révélé beaucoup de frustration du fédéral envers notamment la Police d’Ottawa et aussi le gouvernement ontarien. On a notamment pu voir des textos révélés mercredi lors du passage du ministre de la Justice David Lametti traitant Peter Sloly « d’incompétent ».

Le juge Paul Rouleau préside les audiences de ce qu’on appelle de plus en plus la Commission Rouleau. Crédit image : Gracieuseté de la Commission sur l’état d’urgence

Amorcée le 13 octobre, la Commission doit remettre un rapport avec des recommandations d’ici le 6 février 2023.

Ce texte sera mis à jour au cours du témoignage de Justin Trudeau. Cet article a été mis à jour pour la dernière fois à 15h39.