Un enseignant franco-ontarien piégé par des activistes anti-pédophilie

le groupe Regional Devieant Watch affirme avoir remis les pièces en sa possession à la police locale. Crédit image: LightFieldStudios / iStock / Getty Images Plus via Getty Images
Le groupe de chasseurs de prédateurs sexuels Regional Deviant Watch affirme avoir remis les pièces en sa possession à la police locale. Crédit image: LightFieldStudios / iStock / Getty Images Plus via Getty Images

TORONTO – Une association qui traque les prédateurs sexuels allègue avoir piégé un enseignant d’une école secondaire franco-torontoise après s’être fait passer pour un mineur, avoir échangé des messages et convenu d’un rendez-vous, via un site internet de rencontre. Le Conseil scolaire Viamonde a mis à l’écart son employé, le temps qu’une enquête interne fasse la lumière sur ces allégations.

Tournée le 12 février dernier, une vidéo circule sur YouTube, cumulant plus de 8 000 vues. On y voit des échanges de messages sur le site de rencontre Grindr entre un supposé mineur et un adulte au courant de l’âge du jeune. Les deux protagonistes conviennent alors d’un rendez-vous mais sur place, pas d’adolescent : l’adulte se retrouve face à des activistes de Regional Deviant Watch, un groupe qui traque les prédateurs sexuels dans le Niagara.

La scène est également filmée. Questionné à son arrivée devant un logement, l’homme affirme rentrer chez lui, avant de reculer et prendre la fuite en voiture. La plaque d’immatriculation relevée par les activistes, leur aurait permis de déterminer l’identité du propriétaire de la voiture et de faire le lien avec son profil Linkedin qui depuis a été retiré du web.

Mise à l’écart et enquête en cours

Le Conseil scolaire Viamonde a depuis suspendu son employé. « Une publication sensible impliquant un membre du personnel d’une école secondaire du Conseil circule actuellement dans les médias sociaux. Étant donné la nature de la publication, nous avons enclenché un processus d’examen interne en plus de porter la situation à l’intention des autorités, qui décideront des étapes à suivre », peut-on lire sur une note interne adressée aux parents le 18 février et dont ONFR+ détient copie.

Le Conseil Viamonde a « exigé que la personne représentée dans cette vidéo ne soit pas présente dans les écoles du Conseil », souligne la note aux parents.

« Tout ce que je peux dire à ce stade, c’est que, dès qu’on a été mis au courant de cette vidéo circulant dans le net, des actions ont immédiatement étaient prises pour mener une enquête interne qui se poursuit actuellement » , indique le directeur de la communication du Conseil, Steve Lapierre. Et de poursuivre : « En attendant que les conclusions de cette enquête soient disponibles, la personne en question ne sera pas présente dans nos écoles. »

À la lumière de ces allégations et de cette vidéo virale, des parents d’élèves ont manifesté leurs troubles. « Après le choc et la surprise qu’a suscité la vidéo en moi, c’est maintenant l’inquiétude qui prédomine, d’autant plus que ce monsieur était loin de tout soupçon auprès des parents », confie, sous couvert d’anonymat, une mère de famille qui dit suivre avec attention la suite de la procédure.

Plus de vingt cas rapportés à la police selon un activiste

« On a tout envoyé à la police et aux détectives le soir-même et averti le conseil scolaire », relate un des auteurs de la vidéo et membre de Regional Deviant Watch, affirmant avoir piégé plus d’une vingtaine de présumés prédateurs.

Les autorités tentent de dissuader ces traques car elles font courir des risques à ceux qui les entreprennent. Mais le militant estime que c’est son devoir de mettre hors-circuit les présumés prédateurs, afin de faciliter le travail des enquêteurs.

« On fait ça pour protéger nos enfants », justifie-t-il, souhaitant conserver lui aussi l’anonymat afin de pouvoir poursuivre ses activités. « On le fait pour que les gens savent ce qui se passe. »

Il nous explique comment il procède : « Je m’inscris sur une application avec le profil d’un jeune homme de 18 ans, parce que l’application n’accepte pas les mineurs, ensuite j’attends qu’on me contacte. Ce point est très important : on n’entre jamais en contact en premier. Ensuite, j’échange mon numéro avec la personne et, par textos, je lui annonce, à plusieurs reprises, que je suis un garçon de 15 ans. Si cet âge ne le dérange pas, on se donne rendez-vous pour un éventuel acte sexuel. »

Une fois que la personne qui pense avoir rendez-vous avec un adolescent arrive sur place, le piège se referme. L’auteur du faux profil ainsi que ses collègues surgissent pour filmer l’arrivée du suspect sur les lieux du rendez-vous. Puis, ils le confrontent sur les motifs de sa venue. Après quoi, la vidéo et les échanges écrits sont diffusés sur le web et envoyés également à la police.

C’est ce scénario qui s’est déroulé avec l’enseignant franco-ontarien. « Celui-là était particulièrement méfiant », prétend l’activiste, qualifiant de facteur aggravant le fait qu’il travaille en milieu scolaire, au contact de jeunes. « Je suis complètement sidéré. »

ONFR+ n’a pas été en mesure de joindre l’enseignant, dont toute trace a été effacée sur les réseaux sociaux. Le Service de police de la région de Niagara n’a pas divulgué si une enquête était en cours et affirme qu’aucune charge ne pèse sur lui au moment où nous écrivons ses lignes.

Article écrit co-signé avec Rudy Chabannes.