Un rapport souligne la détérioration des conditions de travail des enseignants
Pressions externes, besoins qui s’apparentent davantage à des services sociaux, surcharge de travail, dévalorisation de la profession, enjeux grandissants en matière de santé mentale… Le rapport du Sommet sur l’avenir de l’éducation franco-ontarienne cerne plusieurs défis cruciaux en vue d’une feuille de route d’ici mars 2025.
La majorité des participants jugent le système éducatif de langue française en Ontario « en assez mauvais état et souvent pas assez inspirant ou concurrentiel » face au système d’éducation de langue anglaise ».
Le statu quo n’est « pas tenable à long terme », conclut le document, fruit d’une vaste consultation lancée en 2021, qui a duré près d’un an, et à laquelle a pris part le gouvernement. « Un véritable dialogue, inclusif et courageux doit être instauré pour que s’opère une réelle transformation du système d’éducation franco-ontarien. »
Face à des besoins des élèves croissants, pour sauver le système du naufrage, les auteurs de cette synthèse croient qu’il faut entre autres veiller à transmettre un sens d’appartenance aux élèves, les ouvrir au monde communautaire, les amener à privilégier le français ou encore renforcer leurs compétences en savoir-faire et savoir-être.
Ils mettent en relief également la nécessité de revoir la Politique d’aménagement linguistique et de reconnaitre davantage les principes d’ouverture, d’inclusion et d’évolution de la culture franco-ontarienne.
Revoir le modèle avec des ressources adéquates
Seulement, pour y parvenir, cela imposerait de revoir complètement le modèle d’enseignement, redéfinir la fonction du personnel et repenser le milieu de vie. Un vaste chantier qui passe par plus de ressources, à commencer par recruter et retenir le personnel.
« C’est le morceau le plus gros qui est ressorti de ce rapport », commente Anne Vinet-Roy, présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO). « C’est ambitieux oui, mais on s’engage au niveau collectif en reconnaissant que le système a besoin d’être ajusté si on veut d’une éducation de qualité équivalente au système anglophone. Et le financement doit refléter ce besoin, que ce soit au niveau de la pédagogie, de la diversité, du recrutement. »
Le rapport identifie en effet le manque de personnel comme « la plus grande menace pour la pérennité de la qualité de l’éducation » et incite à des efforts considérables pour valoriser la profession et « agir pour trouver, de façon urgente, des moyens efficaces mettant fin aux pénuries ».
« La pénurie n’est pas seulement en éducation, mais certains de ces emplois souffrent d’être en bas de l’échelle salariale. On demande au gouvernement de tenir compte de ce rapport car ce sont des recommandations favorables à tout l’Ontario. Il faut vraiment qu’on s’y attarde », signale Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).
Son organisation s’inquiète entre autres du taux de roulement et de la pénurie de main-d’œuvre. L’AFO croit que la communauté doit impérativement se demander pourquoi un tiers des élèves francophones se retrouvent dans le système scolaire de la majorité, malgré les bonnes performances de nos écoles.
Une feuille de route pour les cinq prochaines années
En 2021, un premier rapport sur les origines et les solutions à la pénurie de travailleurs en éducation avait livré plusieurs recommandations. Mais toutes n’ont pas été suivies, l’AEFO critiquant en mai dernier un « manque d’ambition politique », dans une lettre adressée au ministre de l’Éducation. Le recrutement dans les conseils scolaires reste fragile en Ontario.
Le document prône la mise en œuvre d’une feuille de route incluant des initiatives, des cibles et des mesures concrètes pour jauger les progrès en termes de pédagogie, de curriculum et de réussite éducative, avec à l’appui les ressources financières et, en point de mire, mars 2025 pour évaluer l’évolution de cette feuille.
« Ça va demander un effort concerté », prévient M. Hébert. « Ce n’est pas seulement le rôle du gouvernement mais c’est aussi à la communauté de définir ce qu’elle veut. On doit tous s’y mettre pour s’assurer par exemple que le continuum d’éducation soit effectif de la petite enfance au postsecondaire. »
« Le gouvernement a participé au sommet – en décembre dernier à Ottawa – qui a abouti à ce rapport et on rencontre régulièrement ses membres depuis, en les rappelant à leurs responsabilités », renchérit Mme Vinet-Roy.