Une motion sur les soins de longue durée en français adoptée mais critiquée à Queen’s Park

Passe d'armes entre les députés Kusendova, Simard et Mantha à Queen's Park. Source. Assemblée législative de l'Ontario

TORONTO – Les députés ontariens ont adopté ce mercredi soir une motion progressiste-conservatrice visant à développer la place du français dans les soins de longue durée, en termes de personnel bilingue et de désignation de foyers sous la Loi sur les services en français. Libéraux et néo-démocrates sont tout de même montés aux barricades, dénonçant une manœuvre de façade à l’approche d’une intervention de la ministre Mulroney lors du congrès de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

Auteure de la motion, la députée de Mississauga-Centre, Natalia Kusendova, a essuyé de très vives critiques des députés Simard, Collard, Mantha, Bourguoin et Harden, avant que le texte soit adopté.

Cette motion incite le gouvernement à rehausser la qualité des soins pour les francophones de l’Ontario dans les foyers de soins de longue durée en se saisissant d’un train de mesures comme l’augmentation du vivier de personnel de santé bilingue via la mise en place de programmes éducatifs ciblés, de corridors d’immigration et de mécanismes de transférabilité des titres de compétences interprovinciaux pour le personnel non réglementé.

Natalia Kusendova, adjointe parlementaire de la ministre des Affaires francophones. Source : Assemblée législative de l’Ontario

La motion souligne par ailleurs la nécessité de soutenir les services de traduction, d’améliorer la collecte de données spécifiques aux francophones et de mettre l’accent sur les besoins linguistiques dans les plans de soins infirmiers des résidents.

Elle encourage enfin les foyers de soins de longue durée qui offrent des services en français à demander une désignation en vertu de la Loi sur les services en français, afin de garantir cette offre de façon pérenne.

« Manigance de relations publiques », rétorque Simard

La députée de Glengarry-Prescott-Russell, Amanda Simard, a regretté que l’initiative soit privée et non gouvernementale pour un sujet « si important » et intervienne « à 38 heures du congrès annuel de l’AFO », qualifiant la manœuvre conservatrice de « manigance de relations publiques ».

« Le gouvernement n’a rien fait dans l’entièreté de son mandat, sauf couper tout ce qui est important. Alors pourquoi ne pas présenter une motion non contraignante à la dernière limite qui dit un peu n’importe quoi et sonne tout beau et tout bon, et qu’on va certainement appuyer, pour se donner un petit stock avant vendredi? » a-t-elle contre argumenté en chambre.

« Les conservateurs n’ont jamais été et ne seront jamais les amis des francophones » – Amanda Simard

Et d’ajouter : « Toutes les crises linguistiques en Ontario ont été déclenchées par un gouvernement conservateur : le Règlement 17, la crise Montfort, la crise de 2018… Les conservateurs n’ont jamais été et ne seront jamais les amis des francophones. C’est cette députée (Natalia Kusendova) qui a voté pour éliminer la commissaire aux services en français, qui a annulé le projet de l’UOF et qui n’a toujours pas de projet de modernisation de la LSF présenté après trois ans en poste. »

Amanda Simard, députée libérale de Glengarry-Prescott-Russell. Source : Assemblée législative de l’Ontario

S’adressant à Amanda Simard, le député néo-démocrate d’Algoma-Manitoulin, Michael Mantha, lui a dit de ne pas retenir ses coups, avant d’enfoncer le clou : « Le système ne rencontre pas les besoins. Si vous voulez faire un pas dans la bonne direction, faites les bons investissements », a-t-il lancé en direction des bancs opposés.

Son collègue et porte-parole aux Affaires francophones, Guy Bourgouin, a été le premier à décocher une flèche un peu plus tôt, dénonçant des salaires peu engageants dans les professions de santé.

« On ne pourra améliorer la qualité des services en français sans avoir accès aux infirmières et aux PSSP », a fait valoir l’élu de Mushkegowuk-Baie James, indiquant que le projet de loi 124 (qui plafonne entre autres les salaires de la fonction publique) ne faisait que « repousser et décourager les infirmières dans la poursuite de leur carrière. Le gouvernement manque le bateau ».

Plusieurs questions en suspens

Si la motion a, au final, été adoptée, elle soulève de nombreuses questions. Sur le plan de l’immigration, la province n’a pas, pour l’heure, réévalué à la hausse sa cible en immigration francophone de 5%. Quant à la transférabilité des diplômes hors province, le gouvernement a exclu, dans le récent projet de loi déposé par le ministre McNaugthon, les professions de santé.

La députée Kusendova espère toutefois suivre le modèle de projet pilote établi entre l’Ontario et la France pour recruter des enseignants de langue française pour l’appliquer au domaine de la santé.

Sur le dossier du nombre de foyers et de lits désignés sous la Loi sur les services en français (LSF), bien que le gouvernement se soit engagé à créer 30 000 nouveaux de lits d’ici 2028 et à embaucher 27 000 travailleurs, aucune obligation ne régit la proportion de lits ou de personnels réservés aux patients de langue française.

Huit foyers se sont positionnés pour gérer des lits pour les francophones, sans toutefois être des établissements désignés en vertu de la Loi sur les services en français (LSF). Natalia Kusendova veut leur donner des incitatifs pour qu’ils aillent de l’avant, évoquant « le double du montant des fonds » habituellement octroyés.

Guy Bourgouin, porte-parole de l’opposition officielle aux affaires francophones. Source : Assemblée législative de l’Ontario

L’adjointe parlementaire de Caroline Mulroney, qui vise une cible de 5% de nouvelles licences francophones, veut à travers cette motion systématiser dans les plans de soins la notion de « besoins linguistiques ».

« Ma motion vise à encourager nos chefs de file en soins infirmiers à mettre en œuvre des stratégies de soins linguistiquement inclusifs » – Natalia Kusendova

« Des études montrent que la capacité de communiquer efficacement avec son fournisseur de soins conduit à de meilleurs résultats en matière de santé et à une meilleure qualité de vie. Ma motion vise à encourager nos chefs de file en soins infirmiers à mettre en œuvre des stratégies de soins linguistiquement inclusifs dans leurs routines de soins quotidiens, afin de faire de l’Ontario une province plus accessible sur le plan linguistique. »

« Cette motion contribue à offrir des conditions propices pour augmenter l’accès aux services en français », selon Mme Mulroney. La ministre des Affaires francophones estime que le texte de son adjointe parlementaire est aussi « une occasion d’augmenter la main d’œuvre bilingue et francophone, renforcer les services en français existants, et prioriser la diversité linguistique dans les plans des services des résidents de maison de soins de longue durée ».