Une page se tourne au Nouveau-Brunswick
FREDERICTON – La commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Katherine d’Entremont, a officiellement quitté ses fonctions, lundi. Le nom de la personne qui lui succédera devrait être connu après les élections provinciales du 24 septembre.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Les cinq années de Mme d’Entremont à la tête du Commissariat n’auront pas été de tout repos.
« Elle a fait l’objet de beaucoup d’attaques et n’a reçu que peu d’appuis politiques », reconnaît l’avocat, spécialiste des droits linguistiques, Michel Doucet.
Critique dès son premier rapport en 2014, Mme d’Entremont n’a pas hésité à rappeler à l’ordre les institutions et le gouvernement libéral de Brian Gallant, année après année.
« Quand elle a été nommée, il y avait des doutes, car elle arrivait d’une longue carrière dans la fonction publique provinciale. On se demandait si elle ne serait pas trop conciliante. Mais elle a pris très au sérieux ses fonctions et c’est l’opposé qui s’est produit », constate M. Doucet.
« Elle a apporté un dynamisme et une crédibilité à l’institution, malgré le peu de moyens dont elle disposait » – Michel Doucet, avocat
Une attitude qui lui a valu d’être souvent prise à partie, comme lorsqu’elle a décidé elle-même d’enquêter, en 2015, après avoir constaté l’unilinguisme de certains agents de sécurité à l’entrée des édifices gouvernementaux provinciaux, subissant le désaveu du premier ministre Gallant et du ministre Donald Arseneault, responsable du dossier des langues officielles.
Est-ce la raison pour laquelle elle a décidé de quitter ses fonctions deux ans avant le terme de son mandat? L’intéressée a assuré que c’était avant tout un choix personnel.
Bilan positif
Même si elle quitte avant le terme de son mandat, le bilan de Mme d’Entremont reste positif, estime la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).
« Mme d’Entremont est une fonctionnaire intègre, travailleuse, honnête et courageuse qui a fait l’objet d’attaques de gens ignorants. Elle a œuvré à faire respecter la Loi sur les langues officielles et à faire comprendre que cette Loi s’inscrit dans le cadre plus large de l’égalité des deux communautés de langue officielle de la province », analyse le vice-président de l’organisme, Patrick Clarke. « Elle a travaillé pour tout le Nouveau-Brunswick! »
Reste que l’impression a souvent été que malgré des rapports « tranchants et bien rédigés », des « recommandations fortes », l’impact aura été limité, reconnaît M. Doucet, citant notamment le rapport sur le bilinguisme dans la haute fonction publique provinciale ou celui, récent, sur l’examen d’accès à la profession d’infirmières en français.
« Le gouvernement Gallant n’a pas démontré une volonté d’être proactif dans ce dossier. Les partis sont frileux à aborder la question linguistique. Lors du dépôt de son dernier rapport annuel, cela n’a duré que 30 minutes et la seule question a été posée par le chef du Parti vert. »
Des changements à apporter
Après 50 ans de bilinguisme au Nouveau-Brunswick, l’avocat plaide pour donner plus de mordant à la Loi sur les langues officielles de la province, en dotant le commissaire du pouvoir d’aller devant les tribunaux et d’imposer des sanctions aux institutions récalcitrantes. Une piste de solution que le vice-président de la SANB se refuse à appuyer formellement.
« Ça reste à examiner. Car même si les partis n’appuient pas les recommandations tout de suite, on voit que celles-ci finissent par avoir un impact. Je ne doute pas que ses recommandations sur l’examen d’accès à la profession d’infirmières en français, par exemple, finiront par permettre de régler le problème d’ici deux ou trois ans. »
Pour lui, le travail revient aussi à la communauté acadienne.
« Parallèlement au travail du commissariat et du gouvernement, on doit agir pour faire connaître nos revendications. Nous avons un poids suffisant pour faire une différence et on ne peut pas uniquement s’appuyer sur les tribunaux. »
Une analyse que partage M. Doucet.
« On ne peut pas jeter tout le blâme sur le politique. Il y a aussi eu une complaisance de la communauté acadienne qui ne s’est pas servie des recommandations de Mme d’Entremont pour en faire ses propres es revendications. »
Processus en cours
Le Nouveau-Brunswick a déjà enclenché le processus pour combler le poste de Mme d’Entremont. Les personnes intéressées ont jusqu’au 10 août pour poser leur candidature pour un mandat de sept ans non renouvelable. Leurs dossiers seront examinés par un comité de sélection indépendant qui fera ses recommandations au premier ministre, chargé ensuite de consulter les chefs des partis politiques représentés à l’Assemblée législative. En attendant, c’est le prédécesseur de Mme d’Entremont, Michel Carrier, qui assurera l’intérim.
« C’est positif de voir que le processus est déjà enclenché », note M. Doucet.
Pour la personne qui sera nommée, il faudra une cuirasse épaisse, prévient-il.
« Ce n’est pas un poste facile et ça peut décourager certains candidats ou les encourager à être moins agressifs. Pourtant Mme d’Entremont avait la bonne approche, car quand on est trop conciliant, ça ne donne pas de résultats concrets. »