L'Université de Moncton Crédit image: Pascal Vachon
L'Université de Moncton Crédit image: Pascal Vachon

MONCTON – Changer le nom de l’Université de Moncton coûterait 4,6 millions de dollars à l’établissement acadien et pourrait même donner lieu à une perte de la clientèle étudiante dans l’avenir.

C’est ce qui est mentionné dans un rapport rédigé par deux experts chargés, par l’administration de l’université, d’évaluer la question. L’étude Dénomination de l’Université de Moncton : un état des lieux a été réalisée par la professeure franco-ontarienne Stéphanie Chouinard, du Collège militaire royal du Canada à Kingston ainsi que par l’historien et spécialiste de l’Acadie coloniale Maurice Basque.

L’Université de Moncton, le plus gros établissement universitaire entièrement francophone à l’extérieur du Québec, porte le nom de Robert Monckton, connu pour son rôle pendant la déportation des Acadiens, en tant qu’officier de l’armée britannique au 18e siècle. Un mouvement au sein de la communauté acadienne a pris de l’ampleur au cours de la dernière année via une pétition signée par plus de mille personnes demandant une modification toponymique à l’établissement possédant trois campus au Nouveau-Brunswick.

Le coût engendré pour cette procédure serait de 4,6 millions de dollars, notamment en raison des changements à l’infrastructure, mais principalement en raison des coûts technologiques de 1,2 million de dollars, un secteur à « risque de problèmes élevé » où « une sous-estimation des coûts est fort plausible », est-il écrit dans ce rapport.

Dans son dernier budget, l’université réalisait un surplus de près de 1,2 million de dollars et son recteur affirmait, en entrevue à ONFR, que l’établissement aurait besoin de 110 millions de dollars en infrastructure au cours de la prochaine décennie.

Une possible perte d’étudiants internationaux

Les deux auteurs préviennent qu’un tel changement de nom pourrait avoir un impact sur l’attraction de la clientèle internationale et sur sa visibilité dans l’univers francophone, car elle pourrait rendre difficile la recherche de l’institution, après la modification, auprès des moteurs de recherche tels que Google. Cela avait été le cas de l’Université Ryerson qui est devenue, en 2022, l’Université métropolitaine de Toronto, donnent-ils en exemple.

« Une perte d’effectifs peut être à prévoir pour cette raison, en particulier à l’international, où ça risque d’être plus difficile de rebâtir les liens », a affirmé Stéphanie Chouinard, lors d’une conférence de presse, vendredi matin, à Moncton.

Si l’on change le nom et que la nouvelle identité fait état d’un fort consensus, on note cependant comme points positifs : un effet bénéfique auprès de l’attractivité de l’institution, l’amélioration de l’expérience étudiante, l’instauration d’un climat de bienveillance et l’accroissement de la fierté et du sentiment d’appartenance envers l’institution.

Le rapport expose que, côté couverture médiatique, 66 % des textes prenant position dans ce débat sont en faveur d’un changement de dénomination, la raison principale invoquée étant le lien avec le lieutenant général Robert Monckton et son rôle dans la déportation des Acadiens en 1755. Maurice Basque et Mme Chouinard notent toutefois qu’« une divergence d’opinions nous permet de constater qu’un consensus ne s’est pas formé sur la question ». En fait, expliquent-ils, un seul étudiant a pris position sur cet enjeu.

« Ce manque d’information sur leur point de vue pose un sérieux problème pour toute tentative de poser un diagnostic sur l’impact, positif ou négatif, que pourrait avoir un éventuel changement de nom. »

Stéphanie Chouinard et Maurice Basque n’avaient pas comme mandat de faire des recommandations, mais plutôt de faire un état des lieux, comme le dit le titre du document. Il reviendra à l’administration de prendre cette décision. Celle-ci a désormais trois options : changer le nom, ne pas le changer ou encore ne pas le modifier, mais décontextualiser le personnage et son legs. Le rapport sera évalué par le Conseil des gouverneurs de l’université lors d’une réunion, la semaine prochaine.