Vaccination des enseignants : « On doit l’obliger » dit un médecin-hygiéniste
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Le docteur Paul Roumeliotis est le médecin-hygiéniste du Bureau de santé de l’Est de l’Ontario et président de l’Association des agences locales de santé publique.
LE CONTEXTE :
La courbe de la COVID-19 a dépassé ces derniers jours les 500 cas quotidiens en Ontario, à cause du variant Delta. La province se refuse à forcer les enseignants à se faire vacciner. Les syndicats tergiversent aussi sur l’adoption d’une position commune.
L’ENJEU :
À trois semaines de la rentrée scolaire, la province veut éviter un nouveau scénario de fermeture généralisée des écoles et installer des centres de vaccination directement dans les établissements. Mais cette approche incitative suffira-t-elle?
« Est-ce que la recrudescence des cas aux États-Unis vous préoccupe alors que la frontière est désormais ouverte aux voyages américains non essentiels et le sera bientôt aux Canadiens vers les États-Unis?
Plus de 95% des nouveaux cas aux États-Unis sont des gens qui ne sont pas vaccinés. Donc, le risque d’avoir quelqu’un de vacciné qui a la COVID-19 et qui rentre au Canada est minime. Il faut continuer d’exiger les deux vaccins à la frontière.
Ne faudrait-il pas adopter une approche commune à toutes les provinces concernant le passeport vaccinal, pour une efficacité maximale?
Ce serait une bonne chose d’avoir la même approche dans tout le Canada, mais la santé est de la responsabilité de chaque province. La façon dont le Québec va utiliser ce passeport n’est pas une mauvaise idée car c’est en cas de 4e vague. Je préfère avoir des passeports, plutôt que de reculer pour refermer toute l’économie.
Devrait-on obliger le vaccin dans les restaurants, les bars, les salles de concert de l’Ontario?
On ne peut pas obliger tout le monde mais je pense que le marché va définir les règles par lui-même car les gens d’affaires vont comprendre qu’il vaut mieux garder 80 % des clients (part de la population vaccinée dans l’Est) que de risquer d’en perdre pour satisfaire les 20 % qui ne se font pas vacciner.
Faut-il imposer la vaccination à certaines professions sensibles?
Je crois que ça va être important d’obliger les vaccins dans certaines occupations, surtout dans la santé. Même si on n’a pas de carte comme au Manitoba, je pense qu’on devrait obliger certaines professions à avoir le vaccin. Je pense aux écoles, aux étudiants, aux enseignants, là où on risque d’avoir beaucoup de personnes à la fois. Surtout que le variant Delta est trois à quatre fois plus facile à se transmettre.
Doit-on imposer la vaccination aux enseignants?
Plus il y aura d’enseignants et d’élèves de plus de 12 ans vaccinés d’ici la rentrée et moins compliquée sera la rentrée. Les enfants en dessous de 12 ans ne seront pas vaccinés car ce n’est pas encore indiqué. Dans ces circonstances, surtout dans les écoles élémentaires il faut avoir un très bon pourcentage d’adultes vaccinés, car ça va donner une protection indirecte aux enfants. Dans ce contexte, à mon avis, on doit l’obliger.
Plus de 30 jours après l’entrée dans la phase 3, des voix s’élèvent pour rouvrir totalement la province. Est-ce raisonnable?
On voit ce qui arrive quand on ouvre trop vite avec des personnes pas assez vaccinées. Nous avons deux cibles en Ontario : 80% de personnes avec une dose et 75 % avec 2e dose. On est à peine à 80% et 70%. Ça vaut la peine d’attendre encore quelques jours pour qu’on ait une base importante de vaccination. 80 % est une cible pour rouvrir l’économie mais pas un chiffre épidémiologique. Pour être capable d’avoir une immunité communautaire, avec le taux de reproduction du Delta, on a besoin d’avoir 85 à 90 % de la population vaccinée. Au-delà de sortir de l’étape 3, nous les épidémiologistes, on a donc un autre chemin à faire : aller chercher l’autre 10%.
Pourquoi garder une approche provinciale, à ce stade, et ne pas décloisonner des régions moins touchées?
Ce n’est pas indiqué. Le virus ne connaît aucune frontière, aucune barrière. Si les personnes bougent, le virus bouge avec elles. »