Budget ontarien : rien de neuf pour les francophones

Peter Bethlenfalvy, ministre des Finances Crédit image: Jackson Ho

TORONTO – Si le budget du dernier exercice financier de l’Ontario était placé sous le signe de la lutte contre la pandémie et la protection de l’économie de la province, celui de 2022-2023 présenté ce jeudi par le ministère des Finances est plus axé sur le plan de relance économique qui a pour ambition, notamment, d’éliminer le boulet du déficit de la province, et ce deux ans plus tôt que ce qui a été prévu dans le budget de 2021. Quant aux affaires francophones, le document n’apporte aucune fraîcheur dans ce sens.

Et de quatre pour le budget de l’Ontario sous l’ère Ford. En effet, c’est ce jeudi que le ministre des Finances de la province, Peter Bethlenfalvy, a présenté en chambre le budget de 2022-2023.

Toutefois, le contenu du document a quelque chose de déjà vu, car pratiquement tous les investissements futurs et les mesures qui y figurent ont d’ores et déjà étaient annoncés par différents ministres, à l’instar du développement des infrastructures dites essentielles comme les hôpitaux et les routes, l’augmentation du salaire minimum ou encore l’investissement dans les programmes d’emploi et de formation des travailleurs. Sur ce dernier point, la province prévoit une enveloppe d’un milliard de dollars.

Hormis une référence à la modernisation de la Loi sur les services en français – déjà adoptée – et à l’appui aux entreprises francophones pour attirer de la main-d’œuvre, via la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario, les mentions ciblant la francophonie sont rares.

Notons 300 000 $ prévus en 2022-2023 pour « soutenir l’élaboration de séances et de matériel pédagogiques en français » visant à rendre les services en français plus accessibles, ainsi que le financement d’un nouveau toit pour le Centre de santé communautaire à Timmins, annoncé déjà la veille par le ministère des Affaires francophones. Les francophones n’ont rien à se mettre sous la dent ou presque.

Toutefois, à y regarder de plus près, un pourcentage y est pour réjouir la communauté franco-ontarienne. Il s’agit d’une augmentation de 50 % des dépenses du ministère des Affaires francophones, passant ainsi de 6 millions de dollars pour l’exercice 2020-2021 à 9 millions pour celui de 2021-2022. Cependant, la réjouissance sera de courte durée, puisque le gouvernement table sur 7,9 millions pour 2022-2023.

Une neuvième mise à jour au goût du déjà vu

La province compte faire cadeau de 8,9 milliards de dollars en aides aux entreprises ontariennes pour l’année 2022. Cela concernera, entre autres, la réduction du poids salarial, l’allégement des coûts de l’électricité, l’annulation de la taxe sur le carbone et la diminution de l’impôt sur le revenu et de l’impôt foncier.

Un autre présent, sur le plan individuel cette fois, est relatif à la bonification du crédit d’impôt pour les personnes et les familles à faible revenu. Le gouvernement propose de l’étendre de 38 000 à 50 000 $ à compter de l’année d’imposition 2022.

Côté santé, plus de 40 milliards de dollars seront injectés dans ce secteur au cours des dix prochaines années dans le dessein d’appuyer 50 grands projets hospitaliers qui permettront de créer 3 000 lits. De plus, un investissement supplémentaire de 3,3 milliards est programmé pour l’exercice 2022-2023.

Quant à l’infrastructure routière, il est question d’une enveloppe de 25,1 milliards de dollars dispatchée sur les dix prochaines années afin de planifier et/ou de construire des projets d’expansion et de réfection dans les quatre coins de la province. De plus, 61,6 milliards de dollars seront alloués aux transports en commun pendant la prochaine décennie.

Le camp progressiste-conservateur autour du ministre Bethlenfalvy. Crédit image : ONFR+

Par ailleurs, ce sont quelque 14 milliards de dollars de subventions d’immobilisations qui seront réservées au cours des dix prochaines années pour soutenir l’infrastructure scolaire, dont 1,4 milliard pour le renouvellement et l’entretien des écoles durant l’année scolaire 2022-2023.

Le postsecondaire, lui, bénéficiera de 6 milliards de dollars pour les dix ans à venir afin d’épauler les collèges et les universités pour moderniser leurs salles de cours et améliorer leur durabilité environnementale. Quant à savoir quelle est la part réservée aux universités de la Laurentienne et de Sudbury, le ministère des Finances nous donne rendez-vous à quelques jours de la prochaine rentrée universitaire, période où, selon lui, plus de détails seront disponibles sur cette question.

L’Ontario traîne toujours le fardeau de la dette

Si la relance économique prépandémique en Ontario augure de beaux jours avec une augmentation du PIB réel de 3,7 % en 2022, puis de 3,1 % en 2023 pour se stabiliser autour de 2 % par la suite, la dette demeure un véritable boulet pour la province. En effet, pour l’exercice 2021‐2022, l’Ontario a eu recours à des emprunts à long terme d’une valeur de 41,1 milliards de dollars.

Certes, il s’agit d’une baisse de 13,5 milliards de dollars par rapport aux prévisions figurant dans le budget de 2021, mais le gouvernement progressiste-conservateur estime qu’il fera appel à 41,5 milliards d’emprunts à long terme sur les marchés publics pour 2022‐2023. Qui plus est, le ministère des Finances s’attend à payer 13 milliards de dollars en frais d’intérêt en 2021‐2022. De la sorte, le ratio de la dette nette au PIB devrait avoisiner les 40,7 % en 2020‐2021 et 41,4 % en 2022‐2023.

Peter Bethlenfalvy, ministre des Finances. Crédit image : Jackson Ho

Quant au déficit budgétaire, le gouvernement prédit 19,9 milliards de dollars en 2022‐2023 et 12,3 milliards de dollars en 2023‐2024, avant de chuter à 7,6 milliards de dollars en 2024‐2025.

Ceci écrit, ce budget n’a aucune chance d’être adopté. Et pour cause, à un peu plus d’un mois avant les élections provinciales, il n’aura pas le temps d’être débattu en chambre avant son adoption puisqu’il ne reste que quatre journées effectives en chambre avant la trêve parlementaire prévue le 5 mai prochain pour une reprise le 8 septembre 2022.

D’autant plus que l’ombre très proche d’une dissolution plane sur l’Assemblée, ce qui n’a pas manqué de faire dire à l’opposition qu’il s’agit là d’une manœuvre électorale plutôt qu’une présentation d’un budget provincial.