Une réforme de la Loi sur les langues officielles d’ici la fin 2022, souhaite Petitpas Taylor

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor. Crédit image: Stéphane Bédard.

OTTAWA – La fin de session parlementaire à Ottawa jeudi est signe de bilan, notamment dans le cadre des langues officielles. La ministre Ginette Petitpas Taylor dresse un résumé « pas parfait », mais dit avoir le sentiment d’en avoir accompli beaucoup. Elle espère que son projet de loi C-13 réformant la Loi sur les langues officielles sera adopté d’ici la fin de l’année 2022.

Nommé par Justin Trudeau au portefeuille des Langues officielles à l’automne dernier, son mandat aura été marqué par cette nouvelle mouture de cette Loi, qui tarde toujours à être adoptée après plusieurs années de promesses libérales. Il y a aussi eu des sagas au niveau judiciaire. Tout d’abord à la fin mars, les libéraux sont passés proches d’aller en Cour suprême contre des minorités francophones, se retirant à la dernière minute à la suite de pressions internes. Quelques semaines plus tard, le gouvernement Trudeau a porté en appel une décision des tribunaux qui invalidaient la nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone au Nouveau-Brunswick. Ce geste a soulevé l’ire des organismes acadiens et quelques députés néo-brunswickois qui ont dénoncé l’action de leur propre gouvernement.

« C’est sûr que ce n’était pas parfait, mais on a accompli beaucoup… Il faut prendre quand même un pas de recul, c’était un nouveau dossier pour moi. Il y avait beaucoup de nouvelles personnes que je devais rencontrer et que je voulais connaître. Donc, ç’a été huit mois chargé », avance Ginette Petitpas Taylor en entrevue avec ONFR+.

Mais pour les conservateurs, les sagas des derniers mois comme dans le cas du lieutenant-gouverneur au Nouveau-Brunswick ont démontré « le manque d’intérêt » du gouvernement à vouloir s’attaquer au déclin du français.

« On voit que les libéraux sont en chicane à l’interne. Il y a un groupe qui défend la langue française, mais la majorité des gens qui siègent au conseil des ministres ne sont pas de cet avis-là (…) Il ne semble pas y avoir de cohérence et de coordination au sein de ce parti », observe le député Joël Godin.

Le critique aux Langues officielles chez le Parti conservateur Joël Godin. Crédit image : Twitter

Ginette Petitpas Taylor « a eu la malchance d’arriver seconde » après la mouture de Mélanie Joly en juin dernier, mais l’étape après C-13 sera cruciale, estime la politologue Stéphanie Chouinard.

« C-32 marquait un pas et un changement de direction dans les principes avancés par rapport à la Loi sur les langues officielles de 1988. C’est certain que dans un cas comme dans l’autre, c’était des projets de loi qui étaient perfectibles et qui le sont toujours (…) On sait qui sont les mauvais élèves au sein de la fonction publique alors avoir une bonne loi est un excellent départ, mais il faudra aussi qu’il y ait une mise en œuvre sérieuse et que les suivis soient faits », analyse la professeure au Collège militaire royal de Kingston.

Loi sur les Langues officielles

C-13 doit retourner au Comité des langues officielles pour une quinzaine de séances alors que la chambre sera de retour à la mi-septembre.

« J’espère que je vais avoir pour Noël un projet de loi qui va avoir la boucle rouge dessus et puis qu’on pourra dire que ça sera le produit final, mais on va attendre de voir ce qui va se passer à l’automne », soutient Mme Petitpas Taylor.

« C’est un peu décevant qu’on n’ait pas réussi à finir le travail aux Communes avant l’été », soupire la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) Liane Roy. « Chaque mois où on n’a pas de loi a un impact sur nos communautés. Alors c’est quand même très important que ça se fasse très rapidement à l’automne », ajoute-t-elle.

« C’est un projet de loi historique et il ne faut pas perdre notre temps, mais il faut assurer que ça soit amélioré. »

La néo-démocrate Niki Ashton

L’organisme porte-parole des minorités francophones a l’appui de toutes les oppositions pour ses six amendements proposés à cette pièce législative, comme l’ajout de clauses linguistiques dans les ententes avec les différents gouvernements provinciaux.

Liane Roy en compagnie de la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor.
Liane Roy en compagnie de la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor. Crédit image : Twitter.

La ministre évite de dire si son parti appuiera les revendications de la FCFA ou encore les plus récentes suggestions du commissaire aux langues officielles.

« Le comité continue à faire l’étude du projet de loi. J’ai bien hâte de voir quels seront les recommandations et amendements finaux. Moi, ce que je veux, c’est le meilleur projet de loi possible… Tout projet de loi peut-être amélioré, on peut toujours faire des ajouts. Quand on regarde ce qui existe actuellement, on voit qu’il y a déjà beaucoup d’améliorations et qu’il y en a beaucoup par rapport à C-32 », considère-t-elle.

Même si déposer en dehors des 100 jours promis, la proposition des libéraux auraient pu avoir obtenu la sanction royale, mais « les membres de l’opposition ont choisi de ne pas coopérer avec nous », critique cette dernière.

Mais pour les néo-démocrates, C-13 dans sa forme actuelle ne mérite pas la sanction royale.

« Il doit y avoir des améliorations. C’est un projet de loi historique et il ne faut pas perdre notre temps, mais il faut assurer que ça soit amélioré. Pour nous, c’est clair que les libéraux ont une chance de le faire et on espère qu’ils vont écouter les communautés francophones », dit la députée néo-démocrate Niki Ashton.

De son côté, le Bloc Québécois, qui s’oppose au projet de loi en tant que tel, dit vouloir se ranger derrière l’appel du gouvernement québécois dans ce dossier-là.

« On sera là pour soutenir le français au Québec dans tous les scénarios », affirmait mercredi le chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet.

Postsecondaire à Sudbury

Dans la situation d’une université dans le Nord de l’Ontario, Ginette Petitpas Taylor dit vouloir attendre la fin du processus administratif de l’Université de Sudbury. Ottawa avait annoncé à la fin avril une aide de deux millions de dollars pour l’établissement francophone.

« De là, on pourra voir qu’est qui va être la prochaine étape pour nous comme gouvernement », signale celle qui avait ouvert la porte à conclure une entente avec l’Ontario pour règler la saga.

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor lors d’une annonce à l’Université de Sudbury. Crédit : Dominique Demers

Cet argent est tiré d’une enveloppe de 121 millions sur trois ans dans la mise à jour économique de 2021. En campagne électorale, les libéraux avaient promis que ce montant passerait de 40 à 80 $ millions, mais les établissements n’ont toujours pas vu ce montant être doublé, absent du budget de 2022.

« Est-ce que je peux donner une date maintenant sur exactement quand ça va être doublé? Non, mais pour moi c’est une priorité absolue et on va continuer à s’assurer que ça va être fait plus tôt que plus tard », indique la députée acadienne.

Cette dernière doit maintenant faire le tour du Canada dans les prochains mois dans le cadre des consultations sur le Plan d’action sur les langues officielles.