Défense du bilinguisme à l’ère des médias sociaux : un défi et des dangers

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La défense des droits linguistiques n’est pas toujours chose aisée. Encore moins depuis l’avènement des médias sociaux. Au Nouveau-Brunswick, les attaques contre un député acadien s’opposant à l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un parti opposé au bilinguisme, le rappellent.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Toutes menaces envers moi ou ma famille seront prises au sérieux et rapportées à la Gendarmerie royale du Canada », a gazouillé l’élu provincial néo-brunswickois, Kevin Arseneau, lundi en fin d’après-midi.

Le député vert de Kent-Nord a précisé au journal L’Acadie Nouvelle avoir été menacé à deux reprises la fin de semaine, une fois par un homme en voiture qui lui a crié dessus alors qu’il faisait de l’essence et une autre fois, sur les médias sociaux.

Le député vert de Kent-Nord, Kevin Arseneau. Archives #ONfr

L’ancien président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) fait le lien entre ces attaques et ses propos à l’Assemblée législative, vendredi, où il s’était dit inquiet du rapprochement entre le Parti progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick et l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un parti qui a fait campagne sur le recul des droits linguistiques dans la seule province officiellement bilingue du Canada.

Des arguments politiques

La mésaventure de M. Arseneau ne serait pas un cas isolé, comme l’ont partagé plusieurs internautes.

L’ancienne employée politique d’Yvon Godin, ex-porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) du Canada en matière de langues officielles, Chantal Carey, s’intéresse activement à la question des droits linguistiques.

« Ça fait huit ans que je tweete sur les langues officielles et je ne me rappelle pas de m’être fait intimider sur les réseaux sociaux, même si je voyais passer des réponses sur mon fil de toute sorte », nuance-t-elle.

Toutefois, quand elle a diffusé des extraits du discours de M. Arseneau, elle a reçu, le lendemain, des réponses en rafale, dit-elle. Certains appelant au « bon sens » ou félicitant le chef de l’Alliance, Kris Austin, quand d’autres y considéraient que le maintien d’une langue ou d’une culture n’est qu’une responsabilité individuelle et pas de société.

Des arguments politiques, donc, mais pas nécessairement de l’intimidation, selon Mme Carey, qui estime qu’il y a un travail d’éducation à faire.

« Je constate qu’il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas qu’on peut à la fois sauver des vies et respecter les droits linguistiques, que des compétences linguistiques peuvent être nécessaires pour un poste au même titre que d’autres compétences et enfin, que les francophones ont le droit d’exister et de pouvoir s’épanouir en français au Nouveau-Brunswick. »

Elle reconnaît avoir, pour la première fois, dû bloquer une personne qui cautionnait la violence contre le député Arseneau.

Pas juste des anglophones

Ces critiques ne sont pas l’apanage des anglophones, précise l’Acadien, Michel Doucet.

« Il y a aussi des francophones qui considèrent qu’on exagère avec les droits linguistiques, qu’il faudrait accepter l’approche « du bon sens »… Ils me disent que je devrais retourner au Québec ou bien me taire… Quand ce sont des francophones, ça touche une corde un peu plus sensible… »


« Quand on s’intéresse au dossier linguistique, ça fait partie du jeu! » – Michel Doucet


L’avocat spécialiste des droits linguistiques partage régulièrement son point de vue et ses arguments sur les médias sociaux et dans les médias traditionnels.

« Si les dossiers linguistiques sont à l’avant-scène et si je fais des commentaires dans les médias anglophones, immédiatement, je sais qu’il va y avoir des commentaires. Je ne les lis pas souvent et bloque directement ces personnes, sauf quand ça touche à ma famille. Une fois, des gens s’en sont pris à ma fille! Je comprends Kevin Arseneau, ce n’est pas quelque chose d’agréable », dit-il, ajoutant n’avoir toutefois jamais craint pour son intégrité physique.

Les médias sociaux comme amplificateur

Le professeur d’histoire à l’Université de Guelph, Matthew Hayday, auteur du livre So They Want us To Learn French juge que les médias sociaux ont amplifié le phénomène.

« C’est aujourd’hui plus facile de trouver les coordonnées d’une personne et de lui envoyer ses commentaires. C’est une tendance inquiétante dans notre société, car on voit dans les langues officielles, comme dans de nombreux domaines, comme la défense des droits des homosexuels ou des femmes, des gens qui trouvent acceptables de harceler ou de proférer des menaces. »

Mais le phénomène ne date pas d’hier, selon M. Doucet.

« Auparavant, je les recevais par lettre, maintenant je les reçois par courriel ou par Facebook. Il y a même eu sur Twitter une page qui me parodiait. Ça a toujours existé! »

Des anglophones qui défendent le bilinguisme ont eux-mêmes fait les frais de critiques acerbes et désobligeantes, rapporte M. Hayday.

« Quand je faisais des entrevues pour mon livre, des gens d’organismes, comme Canadian Parents for French, m’ont dit avoir reçu des appels anonymes et des lettres leur disant de retourner au Québec. Je reste persuadé toutefois que c’est une minorité qui profite de la plateforme que leur offrent les médias sociaux. Le phénomène est d’autant plus présent en Ontario et au Nouveau-Brunswick que les critères linguistiques dans la fonction publique sont jugés par certains comme injustes et des irritants. »


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