Des lits francophones toujours insuffisants dans les foyers de soins de longue durée
30 000 lits sur dix ans, tel est l’engagement que la province qui a été réaffirmé lors du discours du Trône le 4 octobre dernier. Bien que le gouvernement ontarien se soit engagé à augmenter les investissements dans le secteur de la santé, cette annonce qui continue d’être martelée ne précise pas le pourcentage de fonds alloués aux francophones. Pour le Réseau des services de santé en français de l’est de l’Ontario (RSSFE), en plus d’être désuète, cette promesse ne garantit pas une plus grande accessibilité aux services de soins de santé en français dans la province.
Lors du discours du Trône, le gouvernement a réédité sa promesse d’investir 2,68 milliards de dollars sur dix ans pour créer plus de 30 000 nouvelles places dans des foyers de soins de longue durée, et des milliers d’autres places devraient être modernisées pour satisfaire aux normes de conception du 21e siècle.
Au total, selon le gouvernement, plus de 20 000 nouvelles places ont été créées et plus de 15 000 places sont actuellement modernisées, ce qui représente 60 % de son objectif global.
« Ce n’est pas une nouvelle annonce. Cela fait longtemps que l’on en parle. C’est une bonne chose, mais la bonne question est de savoir combien de ces 30 000 places vont avoir une garantie de services en français », appréhende Jacinthe Desaulniers, présidente-directrice générale de réseau des services de santé en français de l’est de l’Ontario.
Selon le rapport sur l’accès aux soins de longue durée en français dans la région de Champlain, on dénombre 626 foyers de soins de longue durée sur l’étendue de la province. De ce nombre, seuls 12 foyers sont définis en vertu de la Loi sur les services en français et trois ont une réelle désignation culturelle pour les francophones.
« En Ontario, les aînés francophones représentent 5,5 % des aînés de 75 ans et plus, mais seulement 2 % des maisons sont priorisées pour l’offre de service en français. En plus, 80 % des maisons qui ont pour mandat de fournir des services aux francophones se trouvent dans le nord-est et l’est de la province. Ce qui crée d’énormes disparités régionales. Même dans ma région, où nous sommes censés avoir plus d’accès, il manque encore 400 places », déplore Mme Desaulniers.
Pour Diane Quintas, directrice générale du Réseau du mieux-être francophone du nord de l’Ontario, la situation est d’autant plus exacerbée dans le nord de la province à cause de la rareté des foyers et la pénurie de services de santé en français.
« Les fonds ne sont pas donnés en lien avec un financement spécifique pour les services en français. Il n’y a pas de redevabilité liée aux sous qui ont été accordés. Ainsi, même s’ils disent qu’il y a un financement pour des lits francophones, par la suite il n’y a pas d’actions concrètes qui soient mises en place pour assurer que les fonds soient assujettis à la loi sur les services en français », ajoute-t-elle.
La députée Natalia Kusendova, qui se concentre sur les dossiers liés à la santé au ministère des Affaires francophones, à titre d’adjointe parlementaire, avait affirmé à ONFR+ que 5 % des nouveaux lits seraient dédiés exclusivement aux francophones.
Les difficultés d’accès aux services de santé en français persistent
En dehors de l’insuffisance des lits dans les foyers de longue durée, on dénote aussi des problèmes liés à l’accès aux ressources pour le personnel médical francophone.
« Les ressources humaines francophones travaillent dans des milieux notamment anglophones. Elles n’ont pas toujours les supports, les outils de travail, l’information ou encore de la formation en français lorsqu’elles travaillent avec des patients francophones. Les professionnels de santé doivent aussi faire face à des défis liés au référencement et à la navigation. Ils ne savent pas toujours où envoyer leurs patients lorsqu’ils doivent être référés à des spécialistes », déclare Mme Quintas.
Elle ajoute que le système sanitaire au complet fait face à une pénurie de main-d’œuvre. Cette situation est encore plus alarmante pour les francophones, car les effectifs sont moindres.
D’après Jacinthe Desaulniers, il faudrait aussi donner des obligations claires aux organisations quant à la livraison des services de santé en français.
« Quand ça vient aux services en français, il n’y a pas d’obligations claires. Ainsi, quand on travaille dans une organisation francophone c’est normal, mais, comme la majorité des professionnels de la santé travaille en milieu bilingue, ce n’est pas clair pour l’employé et l’employeur, le processus de livraison des soins de santé en français », explique-t-elle.
« On est complètement laissés pour compte. Il faut investir, planifier et valoriser » – Jacinthe Desaulniers
« Il faut un alignement entre les structures de planification des systèmes de la santé et les structures de planification des services en français. Pour l’instant, nous avons une agence provinciale, Santé Ontario, et cela prend aussi une entité de planification des services de soins de santé en français provinciale qui va conseiller », déclare la présidente du RSSFE.
Elle ajoute qu’il est nécessaire d’accorder plus de financement et déterminer des obligations claires pour la livraison des soins de santé en français.
« Pour l’instant les francophones, nous sommes dans le parapluie de l’équité en français et on est complètement laissés pour compte. Il faut investir, il faut planifier et il faut valoriser. Il faut mettre les gens là où il y aura vraiment un impact sur l’offre de services en français », conclut-elle.