Direction conservatrice : seul O’Toole s’engage sur les langues officielles
Après une course à la direction rendue difficile par la pandémie, les militants conservateurs s’apprêtent à désigner, dans les prochains jours, un successeur à Andrew Scheer. Quel impact cela pourrait-il avoir sur la stratégie du parti en matière de langues officielles? Difficile à dire, d’autant que seul Erin O’Toole a inclus le sujet dans son programme.
Le dossier des langues officielles ne s’est offert qu’une timide percée dans le ciel, rendu nuageux par la COVID-19, de la campagne à la direction conservatrice. Le 17 juin, lors du débat en français, les quatre candidats, Leslyn Lewis, Peter MacKay, Erin O’Toole et Derek Sloan, ont révélé un léger aperçu de leur vision sur cet enjeu.
Si celle-ci reste surtout attachée au fait de pouvoir s’exprimer en français, ce qui n’est pas le cas de Mme Lewis et très difficile pour M. Sloan, M. O’Toole a démontré une certaine connaissance du dossier.
« On voit que M. O’Toole a fait ses devoirs et pris le temps de se faire une tête sur cet enjeu. Sa prise de position sur Radio-Canada/CBC en témoigne puisque, si pour lui le Canada anglais n’en a pas besoin, il souligne dans le même temps que Radio-Canada est essentielle pour les francophones », analyse Stéphanie Chouinard, politologue au Collège militaire royal du Canada.
Dans sa plateforme, le député ontarien de Durham, originaire de Montréal, dit vouloir « réduire de moitié le financement de la télévision et du réseau d’information anglophones en vue de les privatiser » au cours d’un premier mandat.
Mais dans le même temps, il promet de « continuer de financer les services radiophoniques de la Société Radio-Canada et les services de langues minoritaires au Canada pour les deux langues officielles ».
Le Québec en ligne de mire
Son programme est également le seul à aborder la question de la protection des droits linguistiques, par l’élargissement du mandat du commissaire aux langues officielles et par un travail avec les provinces « pour favoriser la vitalité des communautés de langue officielle en situation de minorité ».
« Peut-être que son passage au Collège militaire royal du Canada l’a marqué, car le bilinguisme y est l’un des quatre piliers fondamentaux », note Mme Chouinard. « Et puis, il ne faut pas oublier que le Québec, où la question linguistique est sensible, compte 78 circonscriptions, auxquelles s’ajoutent d’autres où les francophones ont un poids. Compte tenu du mode de vote, ça ne peut pas être négligé. »
Preuve supplémentaire, M. O’Toole a dévoilé sa politique pour le Québec dont il veut consolider la reconnaissance.
Pour séduire sa province d’origine, l’ancien ministre des Anciens combattants sous le gouvernement de Stephen Harper a choisi l’ancien porte-parole des langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC) lors de la dernière législature, Alupa Clarke, comme président de campagne au Québec.
« J’ai décidé de l’appuyer, car c’est un vrai bleu! », confie M. Clarke à ONFR+. « C’est un leader né, quelqu’un qui a déjà dirigé des troupes, qui s’inscrit dans la tradition du respect des deux peuples fondateurs, qui parle bien français et qui est déjà député. »
Optimiste quant aux chances de son candidat, l’ancien député de Beauport-Limoilou insiste sur le sérieux de la candidature de M. O’Toole qui a pris la peine de dévoiler une plateforme détaillée.
« Et dans une vraie plateforme nationale, il est essentiel de toucher à tous les enjeux, dont celui des langues officielles », ajoute M. Clarke.
L’énigme Peter MacKay
Ces derniers jours, M. O’Toole s’est même entretenu avec le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson. Une démarche qu’a également faite le favori de la course, Peter MacKay, a appris ONFR+.
Jusqu’ici, l’ancien ministre des Affaires étrangères s’est montré avare d’engagements sur les langues officielles. Le français de M. MacKay avait aussi été raillé en début de campagne.
Qu’importe, l’ancienne députée conservatrice québécoise et ex-porte-parole aux langues officielles, Sylvie Boucher, lui a donné sa voix.
« C’est un progressiste-conservateur et je trouve qu’on devrait arrêter de trop focaliser sur sa capacité à parler en français. Quand il était ministre, le Bloc québécois se moquait de lui à chaque fois qu’il essayait de parler français en Chambre. Ce n’est pas très encourageant quand on fait des efforts! Même si son français n’est pas parfait, il a d’autres qualités. De plus, il est entouré de francophones et d’Acadiens. Cette cause lui tient à cœur. »
Mais pour Mme Chouinard, l’absence de mention dans le court programme de M. MacKay interroge.
« On pouvait s’attendre à ce qu’un vétéran de la politique comme lui se positionne, car il sait que c’est un enjeu explosif, même si on n’en a fait peu de cas pendant la campagne. C’est un peu décevant. »
Mme Boucher se dit confiante, malgré tout.
« Je préfère quelqu’un qui ne fait pas de promesses, mais qui agit. Les libéraux ont promis la modernisation de la Loi sur les langues officielles et on attend toujours! J’ai confiance qu’il fera le travail et sera bien guidé par son entourage. »
Les deux autres candidats dans la course à la direction conservatrice n’ont fait que très peu de mention de l’enjeu linguistique, note Mme Chouinard, qui ne prévoit pas de changement majeur dans le positionnement du parti sur ce dossier, que ce soit avec M. O’Toole ou M. MacKay comme successeur de M. Scheer.
Les militants conservateurs ont jusqu’au 21 août pour désigner le futur chef du PCC. Le vainqueur sera connu ce dimanche.