Le drapeau franco-ontarien, qui flottait de manière permanente à l'hôtel de ville depuis 2015, a été retiré suite à une décision du conseil le 12 février dernier. Archives ONFR

GREENSTONE – La décision de retirer le drapeau franco-ontarien de la municipalité fait encore des remous à Greenstone lors du conseil de lundi soir. La discussion autour d’un avis de motion visant à revenir sur cette décision est finalement reportée au prochain conseil du 8 avril après un long débat entre les élus.

Il était question de voter pour la possibilité de débattre sur une révision de la politique des drapeaux mais la conseillère Vicky Budge, à l’origine de l’avis de motion déposé au précédent conseil municipal, a demandé de transformer le vote d’une motion en une discussion. 

« J’ai décidé de la retirer car je pense que c’est important d’avoir une discussion à ce propos avant de demander un vote », s’est-elle justifiée, avec approbation du conseil. Ce fut donc une discussion longue et animée qui a eu lieu en fin de séance et qui a fait intervenir l’ensemble des conseillers municipaux mais qui s’est résolue sans entente de résolution.

« Nous devrions être fiers que Greenstone soit une municipalité bilingue, surtout qu’il n’y a pas beaucoup de municipalités ou de villes bilingues »
— Vicky Budge

Après la discussion, James McPherson, maire de la ville, a invité la conseillère à énoncer ce qu’elle souhaiterait comme direction pour la suite des choses mais voyant l’inconfort de Mme Budge, celui-ci lui a proposé de reporter la discussion au prochain conseil. 

Ce à quoi la conseillère du quartier rural Est fut d’abord réticente mais finit par accepter. Celle-ci pourra décider d’une formulation pour la motion d’ici le conseil du 8 avril, qui sera ensuite soumise à un vote à une séance ultérieure.

La discussion a duré près de 35 minutes et a eu lieu en toute fin de séance. Capture internet

Une débat houleux 

Première à intervenir pour ouvrir le débat, la conseillère Budge en a profité pour expliquer ce qui, selon elle, fut une décision inappropriée du conseil lequel avait, pourtant, sollicité la nouvelle politique à l’unanimité, à l’exception du conseiller francophone Alan Ouellet qui était absent pour motifs personnels lors du vote. 

« Je ne suis pas de l’avis qu’enlever quelque-chose qui soit aussi important pour une communauté et qui existe déjà soit équitable au bout du compte », a-t-elle fait savoir avant d’ajouter que « nous devrions être fiers que Greenstone soit une municipalité bilingue, surtout qu’il n’y a pas beaucoup de municipalités ou de villes bilingues ».

« En élevant une communauté singulière au-dessus des autres, nous rendons un mauvais service aux autres, de mon point de vue », a rétorqué de son côté le conseiller Matthew Donovan.

Plusieurs conseillers ont souligné l’importante mobilisation lors du précédent conseil du 11 mars durant lequel une députation organisée par l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario (AFNOO) a eu lieu.

Et de continuer : « Je crois qu’il faut reconnaître qu’à l’intérieur de Greenstone et à proximité, il y a de nombreuses collectivités qui ont dans le passé et qui, à l’heure actuelle, ajoutent un apport  important à la culture et la participation de la communauté française. »

La conseillère Fran Koning a indiqué, de son côté, ne pas vouloir qu’un groupe ethnique soit reconnu au détriment d’un autre : « Nous avons une grande population d’origine portugaise, beaucoup de Suédois et de Finlandais ici. »

Le conseiller Eric Pietsch dit comprendre la déception des francophones qui s’étaient battus pour que le drapeau soit hissé en permanence en 2015 : « Pour moi ce n’est pas juste, ce n’est pas une décision que je respecterais si j’étais francophone », dit-il.

Pas de solution acceptable pour tous?

Chris Walterson estime que le drapeau canadien est le seul qui devrait flotter de manière permanente à la municipalité.

« 60% de mes amis sont francophones, mais je ne les vois pas comme des francophones. Je les vois comme des Canadiens et mes amis. Je ne veux pas élever quiconque au-dessus des autres »
— Chris Walterson

Selon lui, il ne serait pas possible de rajouter des drapeaux car « si on fait ça tout le temps, on va manquer de mâts ». Bien que la possibilité d’obtenir des aides financières pour l’achat d’un autre mât a été brièvement évoquée par Mme Budge, ce point n’a pas retenu l’attention du conseil.

« C’est dommage que la discussion à propos des différents drapeaux ne soit pas arrivée au même moment » et « qu’on se soit rendu au point où le conseil a décidé qu’il fallait changer la politique sur les drapeaux mais je dois dire que je soutiens la nouvelle politique pour le bien de tous à Greenstone », déclare la conseillère Elaine Mannisto.

Toujours selon elle, « il y a des francophones dans la municipalité qui ne se sentent pas concernés » par ce changement et à moins de rétablir le drapeau, le noyau dur de la protestation francophone, telle qu’elle le qualifie, ne sera jamais satisfait.

« Je suis tout à fait disposé à écouter d’autres options, à réfléchir à tout cela  mais je ne pense pas que nous allons avoir quelque chose qui est acceptable pour tout le monde », estime quant à lui le conseiller Donovan.

Une consultation publique?

La conseillère Budge et le conseiller Pietsch ont tous deux évoqué la récente nouvelle selon laquelle les policiers de la province auront une manière de s’identifier comme francophones sur leurs uniformes comme exemplification de la nécessité de chercher tout type d’alternative locale pour représenter les francophones.

« Si nous pouvons nous asseoir à une table et travailler en collaboration, je crois que nous avons les connaissances, les compétences et les outils autour de nous pour trouver quelque chose qui fonctionnera pour tout le monde »
— Allan Ouellet

Ces derniers ont aussi regretté le manque de consultation publique préalablement au vote de février dernier. Répondant à la question du maire McPherson, le conseiller Ouellet qui a aussi fait part de son désaccord avec la manière dont le vote s’est produit, a proposé qu’il y ait une discussion avec tous les acteurs communautaires.

« Si nous pouvons nous asseoir à une table et travailler en collaboration, je crois que nous avons les connaissances, les compétences et les outils autour de nous pour trouver quelque chose qui fonctionnera pour tout le monde », a exprimé M. Ouellet.

Ce à quoi le maire répondra qu’il ne pense pas que cela serait efficace : « Ce qui me préoccupe c’est que nous réunissons tout le monde et plus le groupe est grand moins c’est facile, dans quelle mesure les gens seront à l’aise ou même aurions-nous de la participation avec un aussi grand groupe? » 

Même son de cloche chez  la conseillère Koning : « J’ai peur que toutes les personnes qui viendraient à ce genre de réunion ne se sentent pas en sécurité et je me questionne : Est-ce que nos membres des Premières Nations se sentiront confortables? Parce-que jusqu’à présent les discussions sur cet enjeu ont été très conflictuelles. » 

En rappel, si la politique actuelle des drapeaux de la ville reste inchangée le drapeau Every Child Matters flottera devant l’hôtel de ville pendant cinq jours, tout comme celui des Franco-Ontariens, coïncidant avec la Journée nationale de vérité et réconciliation le 30 septembre et le Jour des Franco-Ontariens.