Emplois, recyclage, prix… La fermeture de magasins de bière fait mal dans le Nord
Trois magasins de la franchise privée Beer Store ferment leurs portes dans le Nord ontarien dès aujourd’hui. Perte d’emplois, obligation de parcourir de longues distances pour s’approvisionner et consigner, hausse des prix de l’alcool… Les conséquences de cette décision se font sentir dans cette région.
Après la Régie des alcools (LCBO) et sa grève, c’est au tour de l’enseigne Beer Store de réagir après la décision du premier ministre Doug Ford d’autoriser la vente de bière, de vin, de cidre et de cocktails prêts à boire dans les dépanneurs et toutes les épiceries dont une partie a commencé la vente depuis jeudi dernier.
Deux semaines plus tôt, l’enseigne privée annonçait la fermeture de trois de ses succursales dans le Nord de l’Ontario, à Cochrane, Nipigon et Geraldton. ONFR a tenté de savoir la raison derrière la fermeture de ces magasins et a reçu une réponse générique de l’enseigne Beer Store.
« Nous sommes heureux d’annoncer que presque tous les employés touchés se verront offrir un emploi dans d’autres magasins de bière dans la région. Nous sommes conscients que cette fermeture de succursale aura des répercussions sur certains clients », pouvait-on lire dans la note adressée par courriel.
L’employeur aurait justifié ces fermetures par « des problèmes majeurs de rénovation, des questions de santé et de sécurité ou des problèmes de volume », affirme le syndicat du secteur privé au Canada (TUAC) représentant les employés de l’enseigne.
Selon John Nock, président du local 12R24, ces fermetures sont directement liées à la politique menée par Doug Ford : « C’est malheureux, mais le gouvernement a fait son choix et l’employeur ne veut pas opérer s’il ne fait pas d’argent comme il en faisait auparavant. »
Les travailleurs impactés
En tout, ce sont dix magasins de la franchise qui ont fermé en Ontario depuis le début de l’année, dont trois, dans le Nord. Une quinzaine d’employés ont perdu leur emploi dans la région et seul un d’entre eux aurait choisi de déménager afin d’aller travailler dans une autre succursale.
« Ils pourraient aller travailler dans un autre Beer Store mais, dans le Nord de l’Ontario, la prochaine succursale pourrait être à plusieurs heures de route. La plupart d’entre eux préfèrent donc une indemnité de départ et espèrent trouver un autre emploi », confie M. Knock.
« C’est terrible parce que certaines personnes y travaillent depuis des décennies et vous avez l’impression d’avoir un bon emploi stable dans un magasin qui existe depuis 97 ans. Beaucoup de personnes sont donc dévastées par la nouvelle. »
Sur les réseaux sociaux, la nouvelle de ces fermetures a créé une onde de choc avec plusieurs centaines de réactions sur Meta, notamment. Plusieurs ont blâmé, directement, le gouvernement conservateur de Doug Ford.
« Comme s’il n’y avait pas assez de clients entre Hearst et Thunder Bay pour garder ne serait-ce qu’un seul magasin ouvert entre les deux », s’indigne une internaute.
Un autre utilisateur travaillant dans une autre succursale du Nord s’est montré très inquiet devant la possible fermeture de son magasin.
Problème de recyclage
Avec la fermeture de ces magasins, viennent également des craintes concernant la possibilité de faire consigner les bouteilles d’alcool dans le Nord.
« Du point de vue municipal, le plus grand problème est probablement que la bière et les bouteilles d’alcool vides qui sont consignées ne sont plus récupérées et vont donc aller à la décharge. Nous avons donc un minimum de décharges disponibles et cela va nous coûter du temps, car nos employés doivent maintenant ramasser les contenants vides », estime James McPherson, maire de Greenstone dont fait partie Geraldton.
Pour ceux qui souhaiteraient récupérer le retour de consigne, il faudra parcourir des centaines de kilomètres pour rejoindre le prochain magasin de Beer Store.
Même son de cloche du côté de Nipigon, dont la mairesse Suzanne Kukko se dit, elle aussi, inquiète des conséquences sur la petite localité de moins de 1500 habitants.
« Nous n’avons pas d’endroit dans la ville pour retourner les bouteilles et canettes, donc, le plus proche que vous pourriez faire serait Thunder Bay, qui est à environ 120 kilomètres d’ici », précise-t-elle.
« Nous aurons maintenant un autre bâtiment vide inutilisé dans notre centre-ville, ce qui est un assez gros problème pour beaucoup de petites villes du nord. »
Risque de hausse des prix et de baisse de la variété
« Maintenant que le gouvernement a permis aux magasins de proximité de vendre de la bière, ils peuvent facturer ce qu’ils veulent », explique M. Nock qui précise que les prix des magasins du Beer Store étaient les mêmes, peu importe la localité.
Et de continuer : « S’il n’y a pas de magasin de bière dans le coin, je suis sûr qu’un magasin peut facturer 50 dollars de plus pour une caisse de bière à 20, 40, 50 $ et ils l’obtiendront probablement parce qu’il n’y a personne d’autre à qui les acheter. »
Le maire McPherson estime que la variété de bières ne sera plus au rendez-vous pour les habitants de Greenstone : « Le Beer Store était le seul endroit pour acheter de la bière au détail dans les six localités de la municipalité et le LCBO n’a qu’un espace limité donc il y aura certainement des offres réduites. »
« Si tu veux quelque chose que le LCBO n’a pas, tu devras aller soit à Hearst soit à Thunder Bay », se désole-t-il.
D’autres fermetures à venir
Un accord de mise en œuvre anticipé signé avec Beer Store prévoit que la province paiera à l’entreprise jusqu’à 225 millions de dollars pour soutenir la transition, notamment pour l’aider à maintenir les magasins ouverts et les travailleurs employés.
Selon les clauses de la nouvelle entente, le magasin de bière peut fermer jusqu’à 34 de ses succursales cette année, 86 l’an prochain et un nombre illimité en 2026.
« Ils me disent qu’il y a encore d’autres fermetures à venir, mais combien ça nous ne le savons pas encore. »