Le bureau de CBC/Radio-Canada à Ottawa. Crédit image: iStock AWSeebaran/Anthony Seebaran

OTTAWA – Pour la présidente-directrice générale de Radio-Canada/CBC, couper dans les finances du diffuseur public anglophone comme le souhaitent les conservateurs mettrait aussi fin à du contenu francophone, a-t-elle averti en comité devant les parlementaires mercredi soir.

« Dès qu’il y a une coupure d’un côté, l’autre côté est extrêmement touché aussi », a affirmé Catherine Tait au Comité des langues officielles.

« Si vous voulez savoir ce que l’on peut faire pour améliorer et faire rayonner le journalisme, surtout dans les régions hors Québec pour les communautés linguistiques minoritaires, c’est de mieux financer votre diffuseur public. On sait que dès qu’il y a une présence, il y a un impact », a-t-elle ajouté en réponse à une question du député libéral Marc Serré.

Ce dernier l’interrogeait sur de possibles coupures à CBC – comme le souhaite le chef de l’opposition officielle Pierre Poilievre –, avançant « trouver très inquiétant en tant que Franco-Ontarien d’avoir un chef conservateur qui se promène à travers le Canada et qui dit vouloir complètement couper le financement de CBC ».

« Avec l’infrastructure qui est à CBC, comment Radio-Canada va pouvoir offrir des services? », a demandé le représentant du Nord de l’Ontario.

« C’est exactement ça et vous touchez à la chose », a-t-elle eu le temps de répondre avant d’être interrompue par les conservateurs qui souhaitent que les questions portent sur le sujet du jour, un stratagème auquel les libéraux ont aussi eu recours à plus d’une reprise sur les questions des conservateurs et du Bloc québécois durant le témoignage de Mme Tait.

La présidente de Radio-Canada/CBC Catherine Tait témoignait pour une seconde reprise en moins d’une semaine devant les élus d’Ottawa. Image tirée du site internet de Radio-Canada.

Cette dernière avait été convoquée à la suite d’une décision de CBC de traduire en français le balado Alone : A Love Story à Paris dans le but d’éviter l’accent québécois, « un commentaire déplorable et blessant », a-t-elle qualifié. Mais le sujet de l’invitation n’a pas tenu longtemps auprès des élus de toutes les formations politiques qui ont laissé libre cours à des questions sur d’autres sujets, comme les libéraux qui ont tenté une seconde fois leurs questions sur les risques de coupure à l’encontre du diffuseur anglophone de la part des conservateurs si ces derniers étaient portés au pouvoir.

« Les services de Radio-Canada et CBC sont interreliés : on partage la technologie, on partage les opérations, on est dans les mêmes locaux, on est dans les mêmes stations, on partage les équipements et même les contenus parfois », a énuméré Catherine Tait, ajoutant que cela affecterait de manière disproportionnée les milieux ruraux.

Pierre Poilievre a toujours maintenu qu’il ne couperait dans Radio-Canada, mais seulement dans CBC, un souhait qui aurait des conséquences au niveau francophone, plaident en réponse les libéraux. Les militants conservateurs avaient d’ailleurs rejeté une motion visant à retirer tout financement gouvernemental au diffuseur public lors de leur congrès en septembre.

Balado : les conservateurs restent sur leur faim

La présidente de Radio-Canada a par ailleurs réitéré ses excuses au comité suite à la décision prise sur la traduction du balado Alone : A Love Story insistant à plusieurs reprises auprès des élus qu’il s’agissait d’un cas isolé.

« C’était inacceptable et ça ne reflète pas notre position. Nous l’admettons sans équivoque et nous nous excusons sincèrement », a prononcé Catherine Tait.

Ces propos n’ont toutefois pas suffi aux conservateurs qui eux réclamaient, dans leur motion de convocation, la présence de Cesil Fernandes, producteur exécutif chez CBC Podcasts et d’une des dirigeantes au département de marketing. Le député Joël Godin a d’ailleurs précisé que le comité comptait toujours inviter ces deux employés du radiodiffuseur canadien malgré la présence de Catherine Tait.

Cette dernière a d’ailleurs soumis une inquiétude à ce que « le pouvoir parlementaire d’un comité pouvait être utilisé pour forcer la comparution d’employés qui prennent quotidiennement des décisions journalistiques ».

« En quoi traduire un balado en France plutôt qu’au Québec est une décision journalistique? », l’a interpellé le leader adjoint à la Chambre chez les conservateurs, Luc Berthold.

Pour la Mme Tait, la Loi sur la radiodiffusion énonce clairement « que nous avons une indépendance pour le contenu journalistique, mais aussi pour les décisions de programmation », a-t-elle offert comme explication.

« De quoi avez-vous peur, de quoi avez-vous peur? », l’a alors interrompue Luc Berthold.

« Qu’est-ce que vous avez si peur qu’ils viennent nous dire? Est-ce que vous croyez que la CBC est au-dessus des législateurs et des lois? », lui a-t-il reproché, rappelant que « le pouvoir du Parlement était au-dessus de la Loi sur la radiodiffusion ».

« C’était une erreur et c’est mon rôle comme PDG de faire les excuses et on l’a fait », a riposté la haute dirigeante de la société d’État.

Par ailleurs, la version en français du balado sera produite au sein de Radio-Canada, a-t-elle confirmé.